Situation des défenseurs des droits de l’homme en Algérie : Les 15 recommandations de la rapporteuse spéciale de l’ONU

06/12/2023 mis à jour: 05:17
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Mary Lawlor a animé hier une conférence de presse à l’hôtél El Djazair à Alger - Photo : D. R.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mary Lawlor, a pu rencontrer des détenus d’opinion dans les prisons, assister à un procès de défenseurs des droits de l’homme et rencontrer différents acteurs.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mary Lawlor, fait le bilan de sa visite effectuée en Algérie. Arrivée le 26 novembre dernier, l’experte onusienne fait son constat et soumet une quinzaine de recommandations au gouvernement en vue d’éliminer les «lacunes» relevées dans le traitement des défenseurs des droits humains en Algérie.

Intervenant hier lors d’une conférence de presse animée à Alger, elle affirme d’emblée qu’elle est venue «en Algérie sans aucune idée préconçue». «Je suis une experte indépendante des Nation unies, et je suis indépendante des gouvernements, de la société civile et tout autre acteur. Je suis venue en Algérie sans aucune idée préconçue, et au cours de ces 10 jours à Alger, Tizi Ouzou et Oran, j’ai rencontré de bonne foi des dizaines de responsables gouvernementaux, des fonctionnaires et des défenseurs des droits de l’homme», souligne-t-elle, en remerciant le gouvernement «pour son invitation et la facilitation de sa visite».

Relevant les explications obtenues auprès des membres de l’Exécutif et des responsables des différents organismes officiels, Mary Lawlor met en avant le décalage entre le discours officiel et la réalité du terrain. «(…) Malgré les assurances répétées que j’ai entendues de la part de diverses personnalités gouvernementales, selon lesquelles ‘‘l’Algérie est un pays où règne l’Etat de droit et tout le monde est traité de manière égale devant la loi’’, il est clair pour moi que les défenseurs des droits de l’homme qui choisissent d’opérer en dehors du cadre offert à la société civile par le gouvernement sont confrontés à de grave difficultés», regrette-t-elle.

Poursuivant, elle revient longuement sur le climat général dans lequel évoluent les défenseurs des droits de l’homme en Algérie. Un climat marqué, selon elle, par «la crainte de représailles», «l’intimidation», «les poursuites pénales» et «la limitation de mouvement». «L’une des premières réflexions que j’ai tirées de cette visite est que le terme de défenseur des droits de l’homme est peu compris dans la société algérienne», affirme-t-elle, dénonçant, au passage, «l’empêchement d’un nombre de militants des droits humains de la rencontrer à Tizi Ouzou».

«Réviser les lois  vagues et répressives»

La conférencière, qui a pu rencontrer des détenus d’opinion dans les prisons, assister à un procès des défenseurs des droits de l’homme et rencontrer différents acteurs, revient sur les «schémas de violations utilisées pour réprimer les défenseurs des droits, dont l’acharnement judiciaire (...) par le biais de multiples poursuites pénales».

Elle cite, dans sens, les nombreux articles du code pénal utilisés contre cette catégorie de militant, dont l’article 87 bis, 79, 95 bis, 96, 144, 144 bis, 144 bis2, 146 et 149. «La législation actuellement en vigueur est utilisée pour limiter et sanctionner le travail des défenseurs des droits de l’homme (…). La définition du terrorisme dans l’article 87 bis est si vague et si large qu’elle laisse aux services de sécurité une grande marge de manœuvre pour arrêter les militants des droits humains», indique-t-elle, appelant le gouvernement à mettre ces textes en conformité, y compris ceux utilisés pour «restreindre ou interdire la liberté d’expression sous le prétexte de ‘‘l’insulte’’ ou du ‘‘mépris’’». «Ces texte sont en contradiction avec le droit international relatif aux droits humains et à la liberté d’expression», précise-t-elle.

L’experte onusienne appelle aussi à la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés pour l’exercice de leur liberté d’expression et d’association, dont la coprésidente du Congrès mondial amazigh (CMA), Kamira N’ait Sid, et Ahmed Manseri.

Plaidant pour la révision de la loi sur les associations, Mary Lawlor émet l’espoir que la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et d’association RAJ, dissoutes suite à une plainte du ministère de l’Intérieur, puissent «reprendre leurs places parmi les organisations de la société civile». L’experte recommande également la cessation des «intimidations ciblant les militants des droits humains», l’ouverture d’un large et continu dialogue avec eux, la levée des pratiques limitant leurs mouvements et l’abolition de l’utilisation des ISTN.

Lors de la conférence, l’experte onusienne s’est exprimée aussi sur la situation à Ghaza et a dénoncé les atteintes aux droits de l’homme, tout en invitant le gouvernement algérien à accueillir une partie des militants des droits humains palestiniens pour leur permettre de poursuivre leur travail de dénonciation. La rapporteuse de l’ONU, rappelons-le, devra présenter son rapport sur la situation en Algérie en mars 2025.

 

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