Que se passe-t-il dans le corps d’un fumeur pendant le jeûne ?
Quand un fumeur jeûne, il doit affronter en plus de la faim et de la soif, les différents troubles et symptômes liés à la chute du niveau de nicotine dans l'organisme. Ces troubles mettent à mal le fumeur et son entourage (qui doivent le supporter !). Citons par exemple l'anxiété, l'irritabilité, la fatigue et une sensation de déprime, des vertiges, une perturbation du sommeil, une constipation, de fortes envies de fumer et des troubles de la concentration.
Fumer régulièrement provoque chez tout fumeur une double dépendance : psychologique et physique.
Pouvez-vous mieux nous expliquer ces deux aspects ?
En effet, il existe plusieurs formes de dépendance au tabac. Il y a d’abord la dépendance physique. Celle-ci est la principale. Elle est due directement à l'effet de la nicotine qui, en pénétrant le cerveau, entraîne la libération de molécules provoquant une sensation de bien-être et de récompense (dopamine, noradrénaline et sérotonine).
Il en résulte une accoutumance à l'effet de ces substances et donc des sensations désagréables lors de la baisse de leur niveau, soit à l'arrêt du tabac. La seconde dépendance est psychologique. Celle-ci est liée au plaisir que chacun prend à fumer. Elle est variable d'un individu à un autre, et elle augmente à chaque fois qu'on utilise la cigarette pour gérer des situations de stress ou d'émotions fortes. Enfin, il y a la dépendance comportementale qui va progressivement rendre la prise d'une cigarette totalement automatique et associée à différentes situations (attente à un endroit précis, pic de stresse, au réveil...) ou comportements (prise de café par exemple).
Certains rompent le jeûne avec une cigarette. Quel est le danger sur leur santé ?
Rompre une longue journée de jeûne, qui a déjà mis à rude épreuve notre organisme, avec un shoot de nicotine peut, à la longue, avoir de conséquences assez sérieuses, allant d'un stresse cardiovasculaire problématique chez les cardiopathes à un déséquilibre glycémique chez le diabétique.
De plus, certaines études récentes montrent que la première cigarette du matin est la plus cancérigène. On peut donc facilement extrapoler cela sur la cigarette de rupture du jeûne.
Quelles sont les conditions pour un réel sevrage tabagique ?
Tout d'abord, le prérequis est la volonté ; une volonté réelle. Sans cela, un sevrage durable est utopique. Ensuite, il faut une préparation minutieuse et des stratégies comportementales adaptées. Choisir le bon moment, fixer une date, informer nos proches et s'éloigner autant que possible des tentations. Tout cela vise à gérer les envies, modifier les habitudes et occuper les mains et la bouche.
Selon vous, le Ramadhan est-il donc une période propice pour arrêter de fumer ?
Absolument. La nature est bien faite. La plupart des symptômes désagréables du sevrage tabagique s'estompent significativement en un mois. Les vertiges disparaissent en quelques jours, la fatigue en 2 à 4 semaines, et le sommeil ainsi que le transit intestinal se régulent en environ trois semaines. Ainsi, avec une motivation solide et une préparation adéquate, le mois de Ramadhan peut devenir un allié précieux, augmentant considérablement les chances d'un sevrage tabagique durable.
Qu’en est-il de la cigarette électronique ?
La cigarette électronique, bien que controversée, peut servir d'outil de sevrage tabagique en offrant une alternative moins nocive à la cigarette traditionnelle. Elle permet de gérer la dépendance physique grâce à la nicotine et la dépendance comportementale grâce au geste, tout en évitant les substances toxiques de la combustion du tabac. Cependant, son efficacité et son innocuité à long terme font encore débat, et elle ne doit pas être considérée comme une solution miracle.
Propos recueillis par Sofia Ouahib