Le responsable des opérations (COO) du groupe Stellantis pour la région Afrique et Moyen-Orient nous accorde cet entretien exclusif à travers lequel il nous livre ses impressions sur les activités du groupe en Algérie depuis le lancement de l’usine Fiat d’Oran en 2023 et sur la stratégie à venir. La rencontre avec le responsable qui suit la visite de l’usine de production a permis de dépeindre une image progressiste de la coopération industrielle entre l’Algérie et l’un des géants de l’automobile qu’est Stellantis. Cette rencontre traduit la volonté de Stellantis qui voit en l’Algérie un partenaire stratégique dans son développement à l’échelle régionale et internationale, où des projets en cours de maturité seront annoncés pour l’usine Fiat Algérie. Le responsable fait le point.
L’usine Fiat compte actuellement sept sous-traitants locaux dans le cadre des efforts visant à augmenter le taux d’intégration local. Comment Stellantis va faire de l’usine de Tafraoui une véritable industrie en automobile contrairement aux expériences précédentes en Algérie, où les usines étaient qualifiées de hangars de gonflage de pneus ?
Vous savez, j’étais en Algérie en octobre 2022 dans le cadre de cette mission du lancement du projet de l’usine Fiat. Un mois plus tard, nous avons fait part aux autorités algériennes du projet. En décembre 2022, nous avons lancé les travaux de l’usine. Un an plus tard, c’est-à-dire en décembre 2023, nous avons donné la clé de la première voiture sortie directement de cette usine.
Nous travaillons ardemment pour faire un travail de fond de développement de la filière et tout l’écosystème qui suit. Nous continuerons à faire des progrès considérables dans ce projet dans sa globalité. Pour ne citer qu’un exemple concret, nous avons dispensé environs 180 000 heures de formation au personnel jusqu’à la fin de 2024.
Ce sont beaucoup d’heures de formation. Ce travail est accompli aussi bien sur l’amont que sur l’aval de la filière. La fabrication d’une voiture nécessite environ 150 commodités (équipements). Nous sommes actuellement dans le projet Fiat à hauteur de 14 commodités. Nous sommes conscients du travail colossal. Mais dans ce travail, il y a aussi des victoires et des succès. Je vous cite le cas de Tosyali (opérateur sidérurgique activant en Algérie) qui est notre partenaire pour la fourniture de l’acier.
Nous travaillons avec lui pour mettre en place un système qui lui permet de passer à l’étape du grade automobile (procédé de l’emboutissage de l’acier automobile). Au lieu d’importer des bobines en métal, nous préférons les produire localement, même si cela ne va pas forcément changer le taux d’intégration. Toutefois, ce sera une énorme plus-value pour l’Algérie.
Autre exemple, sur le plastique. Nous sommes en discussion pour voir comment nous pourrions nous procurer du polypropylène grade automobile pour injecter des boucliers (pare-chocs), des panneaux de portes, des planches de bord. Pour le moment, il n’y a pas beaucoup d’acteurs industriels locaux avec des presses de 2000/2500 tonnes pour injecter des pièces pour véhicule.
C’est dans cette perspective que nous travaillons afin de développer des acteurs locaux, créer de nouveaux acteurs et les associer aux collaborateurs internationaux. C’est un travail qui est en cours et les engagements que nous avons pris sont déjà actés dans ce sens. Tout cela dans l’objectif d’aller plus loin dans les engagements du projet. C’est-à-dire, plus de volume et en parallèle, plus de profondeur d’intégration.
- Vous avez communiqué maintes fois sur l’extension de l’usine qui intégrera d’ici 2026 la partie peinture et soudure. Quel sera le taux d’intégration une fois que cette partie sera opérationnelle ?
En fait, quand nous serons en mesure de démarrer la production du prochain modèle, nous allons démarrer avec plus de 20% de taux d’intégration. Sur le Doblo nous serons sur un taux de 14% puisqu’il sera basculé en caisse fabriquée localement, c’est-à-dire peinture et soudure, où nous avons privilégiés le nouveau projet pour son démarrage. Ce véhicule va aussi bénéficié de siège fabriqué localement comme futur produit. Une fois cette étape franchie, nous pouvons parler d’un taux d’intégration de plus de 20% grâce à la production de la caisse et l’expansion de la fourniture.
- Depuis le lancement de l’usine Stellantis d’Oran en décembre 2023, la production s’est concentrée uniquement sur les modèles de la marque Fiat. Le groupe Stellantis a-t-il envisagé d’élargir la production pour les autres marques du groupe dans cette même usine ou cherche-t-il à ce que sa politique repose seulement sur les ventes de la marque Fiat ?
Ce n’est pas un sujet fermé. Il y a de quoi faire sur ce qui est en cours. Pour l’instant, nous sommes concentrés pour monter en puissance dans l’usine et l’intégration locale, mais cela sans pour autant fermer aucune porte à d’autres perspectives qui permettront d’élargir la production pour les autres marques du groupe. Pour nous, c’est le cœur de cette mission de faire de l’usine Fiat d’Oran une référence dans l’industrie automobile du pays.
- L’usine Stellantis d’Oran est un centre névralgique pour la production automobile en Algérie. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur les prochains modèles de la marque Fiat qui seront produits dans cette usine pour 2025. Il y a eu des rumeurs sur le lancement de la production de la Fiat Tipo hatchback (5 portes) et le Grand Panda…
Il y a déjà deux modèles fabriqués dans l’usine. Il y en aura aussi deux autres qui seront lancés et nous communiquerons au moment opportun leurs lancements. En tout, c’est déjà pas mal si l’on prend en considération le temps qui s’est écoulé depuis l’inauguration de l’usine.
- L’usine Fiat d’Oran a, d’ici 2026, pour objectif de produire 90 000 véhicules par an. Stellantis affirme chaque fois de faire de l’Algérie un hub pour l’exportation vers l’Afrique. Pensez-vous que l’exportation serait possible avec cette capacité de production que vous avez fixée ?
Il faut savoir que le volume de production de 90 000 véhicules par an fixé pour 2026 n’est pas ferme. Ce qui est certain, c’est que nous devons d’abord monter en puissance avec la politique que nous sommes en train de mettre en place, la production, l’intégration locale, la qualité, l’efficience.
C’est l’objectif, une fois atteints, cela nous permettra de nous appuyer sur les résultats obtenus pour aller plus loin. C’est ce qui se fait dans tous les pays industrialisés. La profondeur d’intégration et la performance de l’usine sont les atouts qui permettent à l’Algérie de réaliser des exploits significatifs. Bien sûr qu’il y aura de l’exportation de véhicules, nous faisons les choses étape par étape…
- Vous avez annoncés que l’usine Fiat d’Oran produira, selon le cahier des charges, dès la première année de son entrée en production 40.000 véhicules et 90.000 véhicules d’ici 2026. Trouvez-vous que ces prévisions sont réalisables d’ici à termes ? L’usine pourrait-elle surpasser entre temps ces capacités au vu de l’évolution de notre marché et la demande actuelle ?
Au vu de l’évolution du projet, nous pensons que cela est réalisable. Vous savez, quand vous implantez une nouvelle usine, il y a beaucoup de choses à surmonter. Ce sont des milliers de personnes engagées dans le projet, des milliers d’heures de formation dispensées, contrôler la qualité, suivre des règles et des procédures extrêmement rigoureuses afin d’aller chercher les meilleures performances mondiales.
Ce sont des années de travail qui sédimentent. Nous sommes sur cette voie. L’usine va bénéficier de l’expérience du groupe Stellantis pour aller beaucoup plus vite. Pour revenir au volume de vente de 90.000 d’ici 2026, je pense qu’il est largement atteignable.
- Parmi tous les marchés du groupe dans la région MENA, le marché algérien occupe quelle place en termes d’évolution par rapport à votre business plan ?
La région Afrique et Moyen-Orient est au meilleur niveau de notre groupe et dans cette région, l’Algérie se situe au-dessus de la moyenne régionale sur le critère après-vente. C’est un niveau très élevé. Un exploit même, car vous ne pouvez pas atteindre cela sans traiter de manière unitaire tous les cas. C’est-à-dire, sur l’ensemble du réseau commercial, nous prenons en considération des statistiques pointues sur chaque responsable de la marque en Algérie, ses formations, ses statistiques avec les clients, ses engagements et nous traitons par la suite au cas par cas.
C’est de cette manière que nous pouvons augmenter la qualité de nos produits. Je pense aussi, étant le seul opérateur sur le marché, cela nous donne encore une responsabilité encore plus forte, car nous avons tous les regards sur nous. Mais cela n’augmente pas un effort spécifique pour nous. C’est notre manière de travailler.
- Et comme pôle industriel ?
Dans la région Afrique et MENA, l’Algérie est le plus important pôle industriel et commercial. L’Algérie joue un rôle très important dans le leadership africain. C’est une position qui est confirmée au stade où l’on est actuellement et au vu de l’avancement du projet Fiat. C’est la raison pour laquelle nous sommes résilients et concentrés pour réussir.
- Le groupe Stellantis (fusion entre PSA et FCA) a fêté le 16 janvier dernier son troisième anniversaire d’existence. Beaucoup de démarches ont été concrétisées depuis dans le paysage automobile mondial pour les marques du groupe. Quels sont vos exploits et vos attentes du marché africain et celui du Moyen-Orient (MENA), en particulier le marché algérien ?
Sur la région de l’Afrique et Moyen-Orient, qui est dans la prolongation de la stratégie du groupe, nous sommes aujourd’hui l’un des acteurs les plus importants de la région. Nous voulons devenir leader et atteindre cette position à travers l’intégration profonde. C’est-à-dire, produire les bons modèles, dans la région et pour la région, avec à la clé, un bon niveau de compétitivité.
C’est sur ce périmètre que nous voulons produire 1 million de véhicules d’ici 2030 et atteindre une part de marché de 22% qui nous placera en première position du marché régional. Concernant le marché algérien qui s’inscrit pleinement dans cette stratégie, nous voulons produire les bons véhicules pour le marché et dans les meilleures conditions.