Salle se spectacles la Fourmi d’Oran : Une Nulle autre voix dansle contexte de la «lutte contre les violences faites aux femmes»

02/12/2023 mis à jour: 02:02
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Le public était surtout captivé par la performance de la comédienne

Une actrice qui joue merveilleusement bien, indéniable, un personnage que la nature a doté de belles cordes vocales, un roman d’une écrivaine connue et un metteur en scène qui se présente lui-même comme
étant un enfant prodige de retour dans sa ville.

 

L’ensemble est potentiellement prometteur. Cependant, mis les uns avec les autres, le temps d’un spectacle théâtral, ces ingrédients ne donnent pas grand-chose. Le spectacle produit par l’Institut français (résidence d’artistes dans celui de Tlemcen) est intitulé Nulle autre voix, du roman éponyme de Maïssa Bey, a été présenté, jeudi à Oran, dans la salle de spectacles la Fourmi de l’hôtel Liberté à Oran. 

Tout part d’un fait hors du commun : une femme (rôle campé par Linda Chaib) qui assassine son mari pour échapper à son emprise. S’en suivent les réminiscences des 15 années passées en prison où elle a purgé sa peine mais aussi, entre autres, des entretiens avec notamment une écrivaine universitaire caricaturée par ses bégaiements et conférant au monologue des soupçons de comédie qui tranchent avec les passages dramatiques. 

Ce n’est pas à proprement parler une adaptation, car le metteur en scène, Kheiredine Lardjam, comme il le précise lui-même, s’est contenté de choisir des pans de texte «sans en changer une virgule»  pour les mettre ensemble en espérant avoir réussi à garder une certaine cohérence du récit. La cohérence du spectacle est d’abord  mise à mal par l’introduction du personnage du frère dont la présence se limite au chant (tâche confiée à Salah Gaoua). 

Mais la totalité des passages chantés, qu’ils soient de langue amazighe ou en arabe, sont des reprises, et le problème est qu’ils sont fortement connotés, renvoyant à des imaginaires ou même des réalités qui n’ont strictement rien à voir avec la recette. A défaut d’originalité, la composition musicale et les paroles n’étant pas une sinécure, on aurait très pu se contenter de performances vocales improvisées pour ne pas trahir le contexte. 

Ce rôle d’aède dans le théâtre, Salah Gaoua semble en avoir fait un métier à part entière, car c’est au moins pour la troisième fois qu’il se présente sous cette cape à Oran, accompagnant d’autres performeuses. Justement, pour l’avoir exprimé avec force, le public, relativement nombreux ce soir-là, était surtout captivé par la performance de la comédienne sur les épaules de laquelle repose apparemment tout le projet. Au mieux certains avaient apprécié le bon français. Le spectacle ne présente aucune originalité, aucune touche qui justifie qu’on puisse apprécier une œuvre en dehors du discours légitime sur la nécessité de lutter «contre la violence faites aux femmes». Il faudrait sans doute aussi arrêter d’invoquer à tout-va cette continuation, revendiquée par le metteur en scène, de l’œuvre de Abdelkader Alloula, car cela donne l’impression qu’on a rien compris à celle-ci.  
 

Dans l’intrigue (s’il y en a une) de Nulle autre voix, le crim, dont il est question, hormis sa «hors normalité», paraît comme un prétexte vite oublié par rapport à ce qui est en jeu. Un discours sur les femmes (les liens racontées avec celles rencontrées en prison, l’écrivaine, la représentante des instances d’aides aux femmes victimes, etc.) et surtout le cri de l’héroïne pour désormais ne se mettre sous la coupe de personne ou d’autorité d’où qu’elle vienne. 

La scénographie très épurée participe à l’idée que le spectacle (la performance de l’actrice mise à part) s’apparente plutôt à une lecture de parties d’un roman dont on a par ailleurs bien fait la promotion en proposant des exemplaires à la vente. Ce n’est sans doute pas aussi un hasard si à la fin de la représentation ce sont finalement l’«écrivaine» Maïssa Bey et une militante connue des droits des femmes à Oran qui ont été mises sur un piédestal sur la scène pour répondre aux remarques et aux questions du public. 

Difficile de ce fait à croire Maïssa Bey quand elle affirme, en réponse à une question, éviter de délivrer des messages dans ses romans.  Le clin d’œil est dans le spectacle théâtral lui-même : «Ceci est votre roman, faites en ce que vous voulez…», déclare le personnage pour marquer la fin.
 

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