A l’occasion de la prochaine parution de l’ouvrage très attendu par les fans de Amar Zahi, en particulier, et les mélomanes, en général, nous avons approché l’auteur Saâd Saïd qui a bien daigné répondre en diagonale à nos interrogations concernant sa nouvelle publication et son prochain chantier d’écriture.
Propos recueillis par Farouk Baba-Hadji
Comment est née l’idée d’écrire sur l’interprète Amar Zahi ?
L’idée a germé dans un café à Alger ; des amis m’ont suggéré, au cours d’une conversation, de publier un livre sur la vie et le parcours de Amar Zahi. J’ai répondu à chaud que je ne connaissais pas suffisamment l’artiste, sinon que je l’apercevais parfois en remontant la Rampe Louni Arezki. C’est tout. Les amis m’ont alors proposé de mettre à ma disposition toute la matière nécessaire avant d’entreprendre l’œuvre. Ce qui m’a poussé à relever le défi. Aussitôt, je me suis mis en contact direct avec ses amis d’enfance. Le premier d’entre eux, qui a joué un rôle vital dans le montage de cette œuvre et que je remercie, est Aït Aoudia Lounis, sans oublier bien d’autres comme Abdelkader Kribi, Boualem Rahma, Yahia Bouraba, etc.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la préparation de cet ouvrage ?
Incontestablement, la récolte des témoignages et le recoupement des informations. Il faut savoir que l’écriture d’une biographie quelconque est un exercice beaucoup plus complexe que celle d’un roman. Celle-là m’a pris presque trois ans. Dans un roman, vous vous installez confortablement dans une pièce, vous réglez la lumière et vous commencez à écrire laissant libre cours à votre imagination. Rien ne vous arrête. Ici, il n’y a pas de place à l’imagination. Vous devez prendre langue avec des personnes très proches de l’artiste Amar qui l’ont connu et côtoyé dans sa prime enfance. Beaucoup de ses amis sont décédés, mais les gens que j’ai pu approcher m’étaient une source d’informations considérables. Certes, on n’écrira jamais assez sur cette personnalité profonde, mystérieuse et difficile à cerner. Malheureusement, il arrive très souvent qu’une personne soit indisponible (déplacement, problème de santé…) et qu’il faille attendre un mois, voire plus pour recueillir quelques témoignages ! D’autre part, des artistes, qui faisaient partie du groupe d’Amar et que j’avais sollicités pour intervenir dans ce livre-documentaire, ont tout simplement refusé de parler de lui. Quand bien même ils ont le droit de ne pas s’exprimer, ils auraient pu apporter un éclairage supplémentaire sur la personnalité de l’artiste. Il y a aussi de relever la difficulté dans les recoupements des témoignages. Il fallait constamment trier, vérifier, collationner quant à la fiabilité des propos des uns et des autres. Enfin, je dois mentionner un facteur réducteur : le droit de réserve, celui de ne pas divulguer certains fragments de vie liés à son parcours, des informations qui auraient permis de comprendre davantage la personnalité de Amar. Mais sa solitude, sa méfiance, parfois à l’égard des autres, son rejet d’être sous le feu des projecteurs ont fait que le récit soit tronqué. Tout cela ne pouvait être publié, par respect à la mémoire du chanteur.
Quels sont les principaux témoins que vous avez contactés ?
Je peux citer entre autres Yahia Bouraba, Lounis Ait Aoudia, Mimouni dit Kakou, Nacer Djebbar, Souikhi… et beaucoup d’autres qui m’ont permis de connaître Zahi. Au fur et à mesure que j’écrivais, je découvrais un homme exceptionnel. Je dis bien exceptionnel. J’ai eu l’impression en écrivant ce livre-mémoire que je touchais à quelque chose de très profond. J’ai privilégié dans ma démarche, le côté citadin de Amar, c’est-à-dire ses rapports avec ses voisins, son entourage, ses habitudes, son mode de vie, et j’ai donné beaucoup de détails de sa vie de tous les jours. Je sais par expérience que les fans raffolent de ces détails : la façon de s’habiller de leur idole, ses cigarettes préférées, les plats qu’il aime. Parce que ces fans veulent être comme lui, lui ressembler. Dans les années 1960 par exemple, il suffisait aux jeunes Américains de voir James Dean porter une chemise rouge à l’écran pour l’imiter.
Vous avez publié récemment La gloire des vaincus. Peut-on connaître le bilan de cette sortie ?
Le livre qui évoque l’insurrection de 1871, a été un succès si l’on juge par l’accueil que lui a été réservé récemment le public. Le stock est épuisé depuis le dernier Sila. D’autre part, les réactions et critiques dont j’ai eu vent à propos de l’ouvrage sont très encourageantes.
Etes-vous sur un autre chantier d’écriture ?
Dès la parution de l’ouvrage sur Amar Zahi, je m’apprêterai à faire sortir un roman qui s’intitule Un été à Nouméa dans lequel j’évoque la vie des Algériens déportés en Nouvelle-Calédonie, leurs espoirs, leur ennui, leur lassitude. Ce roman mettra en lumière un pan de l’histoire quasiment inconnu de nous autres Algériens. C’est une amitié née entre un Français, le jeune Berthier, et un jardinier algérien Abdelkader, qui vit dans l’île des Pins où furent déportés des combattants algériens, à la suite de l’insurrection d’El Mokrani, en 1871.