Saad Saïd. Journaliste et écrivain : «A travers le corpus, je tiens à rendre hommage à des oubliés de l’histoire»

21/05/2024 mis à jour: 01:06
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Qu’est-ce qui vous a motivé à fouiller dans cette portion d’un passé qui raconte dans le captivant récit La gloire des vaincus, une partie  de notre douloureuse histoire face à la colonisation ?
 

Je voulais en quelque sorte rendre hommage à des hommes oubliés de l’histoire. La révolution de 1871 a véritablement ébranlé l’Etat français, malgré le peu de moyens dont disposaient les Algériens à cette époque. Des pioches, des épées, de vieux fusils et même des pierres étaient utilisés pour arracher la terre à l’ennemi. Deux cent mille hommes se sont jetés corps et âme à l’assaut des Français en Kabylie, à l’est et au sud du pays au cours de cette révolte qui a débuté en mars 1871 pour se terminer en janvier 1872.


 Certainement, cela n’a pas été de tout repos pour vous de fureter un fonds documentaire qui vous a servi à écrire vos deux corpus romanesques à teneur historique, à savoir Les tranchées de l’imposture et votre dernier-né, La Gloire des vaincus…


En effet, la question de la documentation est primordiale quand on veut traiter d’un sujet historique, tout en restant crédible. Dans mon style, je privilégie l’histoire romancée. C’est-à-dire que le récit est imaginaire de même que les personnages, mais sur fond d’événements historiques réels. Dans Les tranchées de l’imposture, j’ai eu à traiter de la Seconde Guerre mondiale et la documentation qui était à portée de main, m’a été d’un grand concours. Pour ce dernier roman, La Gloire des vaincus, je constatais d’emblée que la documentation est plutôt  timide,s plus on remonte dans le temps, moins on trouve la documentation nécessaire, indispensable à l’écriture d’un ouvrage. Pour la révolution d’El Mokrani, on trouve beaucoup plus des rapports que les officiers français envoyaient à leurs supérieurs ou bien des correspondances entre soldats et leurs familles. 

Ainsi, par exemple, la guerre de Libération nationale est bien documentée à tous points de vue, comme les grandes batailles, le Congrès de la Soummam, la torture, l’organisation du FLN, l’OAS, la chute de la 4e République, l’arrivée de de Gaule au pouvoir, les accords d’Evian, etc. C’est déjà moins riche pour les événements de Mai 45 et très pauvre pour le début du XXe siècle avec la constitution des premières organisations nationalistes. En raison de documentation pratiquement inexistante, les héros de 1871 sont inconnus hélas. Leur image est trop lointaine pour être retenue. Alors quoi de mieux que le roman ou le cinéma pour remonter l’histoire, donner vie à ces opprimés qui ont dit ‘’non’’ à la christianisation de la terre d’islam.  

         
Aviez-vous trouvé des difficultés pour accéder aux archives et témoignages, qui restent tout de même deux supports essentiels et fiables sur lesquels l’auteur s’inspire dans l’écriture d’un roman ?

Pour ce roman, j’ai travaillé sur Coloniser. Exterminer, d’Olivier Le Cour Grandmaison et sur De l’Algérie française a l’Algérie algérienne de Charles Robert Ageron. L’absence d’archives reste une grande difficulté pour celui qui veut écrire sur l’histoire de l’Algérie, surtout la période liée au XIXe siècle. D’ailleurs,  un travail est en train de se faire entre l’Algérie et la France pour la restitution des archives du pays. Des commissions ont été installées de part et d’autre, j’espère que cela va aboutir bientôt. Il nous sera possible alors d’écrire sur notre histoire, sans risque de nous tromper et avec certitude. Si certaines nations n’ont pas de héros et sont obligées d’en inventer, en Algérie, en revanche, nous avons des milliers de héros inconnus, qui ont fait des choses extraordinaires sans être connus de leurs compatriotes. Et ces héros existent dans chaque village, chaque hameau, chaque contrée. Le vrai écrivain,  à mon avis, est celui qui saura faire connaître nos héros inconnus auprès du grand public. L’essentiel en tout cas est de dépoussiérer des pans de notre histoire.

L’évidence veut qu’on colle le mot gloire aux vainqueurs, mais vous avez utilisé un oxymore dans l’intitulé de votre corpus ‘’La Gloire des vaincus’’. Cela est quelque peu atypique, non ?
 

Le choix d’un titre est toujours problématique. C’est tout un art de trouver un bon titre, le titre qui sied le mieux à une œuvre. Le titre doit être le résumé ou la synthèse de la trame, tout en étant accrocheur. Ce livre devait s’intituler le mousquet de mon père.


C’est quoi le prochain roman de Saad Saïd ?

Eh bien ! Ce n’est pas un roman, mais plutôt la biographie d’une icône populaire, Amar Ezzahi, Allah yarahmou. Là, je suis sur un chantier tout à fait différent du roman. 

Il s’agit de retracer fidèlement le parcours d’un grand artiste du chaâbi, en évoquant les principales étapes de sa vie et là, il n’y a nulle place à l’imagination. Ce n’est pas une sinécure quand on sait la vie mystérieuse, énigmatique de Ezzahi, de son vrai nom Amar Zaï, venu a Alger en 1949. Le livre paraîtra prochainement inchallah, je suis en train d’apporter les dernières retouches ainsi que les illustrations indispensables dans une biographie.

 

  Propos recueillis par Farouk Baba-Hadji

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