Les membres de l’Assemblée générale de l’ONU, réunis en session spéciale d’urgence consacrée à la situation en Palestine, ont pu enfin accoucher, avant-hier, d’une résolution demandant «une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités».
Intitulé «Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires», le projet a été présenté par la Jordanie et endossé par le groupe des Etats arabes au sein de l’Organisation. Le texte exige également d’Israël, présenté comme «puissance occupante», de retirer l’ordre adressé aux civils ghazaouis et aux personnels des agences onusiennes en activités sur le territoire d’évacuer vers le sud sous peine de subir la furie des bombardements.
Après un débat animé de deux jours, la résolution a recueilli les votes favorables de 120 pays, 45 se sont abstenus, alors que 14 ont voté contre l’arrêt des massacres démentiels en cours dans l’enclave palestinienne. Les Etats-Unis sont bien entendu à la tête des opposants à la trêve humanitaire, suivis par des Etats au poids diplomatiques peu significatif dans le monde. Alors que la France a voté pour, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada, le Japon et l’Inde se sont abstenus. Une majorité écrasante qui ne changera cependant pas la donne sur le terrain puisque le texte n’a pas le poids d’une résolution du Conseil de Sécurité et n’a point de pouvoir contraignant sur le protagoniste israélien.
Les Palestiniens de Ghaza devraient donc se contenter d’une victoire symbolique au stricte plan diplomatique alors que leurs souffrances sont bien concrètes : des milliers de morts et des centaines de milliers d’autres en sursis, crevant de faim, de soif et d’épuisement dans des villes réduites en décombres et en gigantesques fosses communes. Pour toute platonique et morale qu’elle est, cette «victoire» reste au travers de la gorge de la névrotique diplomatie israélienne.
La résolution est simplement qualifiée d’«infamie» par Tel-Aviv.
La coupure de tous les moyens de communication, couplée à l’imposition d’un black-out total, puis le lancement d’une opération terrestre couverte par une intensification sans précédent du déluge de feu aérien sur Ghaza, le soir même du vote de la résolution, expriment si besoin tout le cas fait par Israël des positions de la «communauté internationale».
Le veto en permis de tuer
La présidence palestinienne, qui attend une réaction plus décisive des instances internationales, trouve cependant bonne à prendre la résolution votée par l’Assemblée générale et invite à en tirer les conséquences, à défaut d’appeler à sa mise en application. «Le vote de 120 pays en faveur de la résolution signifie que le monde confirme son rejet de l’agression contre le peuple palestinien, de son déplacement de ses terres, et de la création d’une nouvelle catastrophe», a ainsi réagi le porte-parole de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou Rudeina.
«Le monde devait prendre sérieusement note des résultats du vote», a-t-il encore estimé, ajoutant que les 14 pays qui ont voté contre doivent désormais comprendre que «le monde rejette la politique de deux poids deux mesures».
C’est la première fois, depuis le début de cette énième manche meurtrière contre Ghaza, sans doute la plus sanguinaire et la plus destructrice depuis le «désengagement» israélien de l’enclave en 2005 (après 38 ans d’occupation directe), que les instances internationales arrivent à pondre quelque chose qui appelle à faire cesser la tuerie engagée contre les Palestiniens.
Quatre projets de résolutions avaient été soumis sans succès au Conseil de sécurité de l’ONU les semaines dernières. Mercredi dernier, un projet de résolution américain a été bloqué par un double veto de la Chine et de la Fédération de Russie, qui n’ont pas approuvé la mention du «droit d’Israël à se défendre» contenue dans le texte. Le deuxième projet était l’œuvre de la diplomatie russe et appelait en substance à un «cessez-le-feu immédiat à Ghaza». Trop pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui ont voté contre.
C’était la deuxième fois qu’une proposition de résolution russe n’avait pas été validée par le Conseil de sécurité ; le 16 octobre un premier projet avait été rejeté parce qu’il ne condamnait pas explicitement le mouvement Hamas.
Enfin, le 18 octobre, c’est le Brésil de Lulla qui avançait sa propre initiative de résolution demandant des «pauses humanitaires» pour permettre l’acheminement d’aides à la population de Ghaza. Un projet prometteur d’autant qu’il émanait d’une diplomatie beaucoup moins impliquée dans des confrontations de blocs.
Mais le veto américain en a encore une fois décidé autrement. Le texte avait ce péché capital aux yeux des représentants de Washington de ne pas mentionner le sacro saint «droit d’Israël à se défendre». La loi du plus fort continue donc à s’imposer dans les travées de l’auguste institution internationale, plus douloureusement peut-être que jamais, à l’occasion de la folie meurtrière qui s’abat sur la bande de Ghaza depuis trois semaines.
Faillites symbolique, morale et diplomatique qui ne font que creuser les failles géopolitiques dans le monde et dont, certainement, les instances internationales de médiation ne sortiront pas indemnes après la crise.