Rencontre avec l’autrice Fella Andaloussia au CCU d’Alger : «La vie prend le dessus malgré le pire»

22/02/2025 mis à jour: 20:49
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Photo : D. R.

La passionnée de lecture et d’écriture Fella Andaloussia est venue à la rencontre de son public, jeudi, au Centre culturel universitaire des sciences humaines à Alger, pour parler avec ferveur de la saga de ses deux romans Kamila, Un volcan de sentiments et Kamila, la voie de la renaissance, publiés aux éditions El Qobia.

Diplômée en informatique et en économétrie, Fella Andaloussia est une passionnée qui donne vie à des histoires tendres et poignantes à la fois. Quand elle parle de littérature et de ses livres, elle pousse ses convives à se dépasser, à rêver grand et à vivre intensément ce moment de rencontre et de partage à la fois. Si Fella Andaloussia a à son actif trois publications, elle a préféré axer son intervention uniquement sur ces deux premiers romans, à savoir Kamila, un volcan de sentiments et Kamila, la voix de la renaissance. La rencontre a été modérée d’une main de maître par l’étudiante Nihal Keddam.

Le premier roman Kamila, un volcan de sentiments est né en 2021 avec une réédition. L’autrice Fella Andaloussia confie qu’elle a toujours été une adepte de lecture depuis son jeune âge. Autour d’elle, tout le monde lisait et écrivait. Son père épluchait sa grille de mots croisés et écrivait des poèmes. Elle a grandi dans un monde d’intellectuels aussi bien du côté paternel que maternel.

Elle a commencé à écrire des petits mots avant de consigner ses mots et ses émotions sur son journal intime. Il faut dire qu’elle a toujours été encouragée par ses enseignants qui voyaient déjà en elle une belle plume. Quand elle rejoint le monde professionnel, elle perd un peu sa passion pour la lecture. Si par le passé elle lisait deux ou trois livres en une semaine, elle se retrouve à consulter un livre tous les deux ou trois mois : responsabilités et engagements professionnels obligent.

«Laisser une traçabilité»

A son grand bonheur, pendant le confinement du Covid-19, elle a pu dévorer 160 livres. «Pendant le confinement, dit-elle, beaucoup de personnes ont développé leur penchant artistique. La pandémie nous a reconnectés avec l’essentiel de la vie, avec l’âme profonde de nous-mêmes. Il nous a appris, aussi, à valoriser la vie. Moi, j’ai repris la lecture car contrairement à beaucoup d’autres métiers en tant qu’inspectrice, nous n’avons pas été confinés.» Mais elle atteste que l’élément déclencheur de la publication de son premier roman a été le décès de sa tante maternelle Kamila suite aux complications du Covid-19.

Sa mère a également failli y passer. Elle est restée 25 jours sous respirateur à la maison. Sa maternelle l’avait toujours encouragée à écrire quelque chose sur nos us et coutumes. C’est qu’elle décide de se lancer dans l’écriture pour témoigner des années 1980. Par manque de temps, Fella Andoussia se disait que l’écriture devrait être son projet de retraite.

Ainsi, son premier livre Kamila, un volcan de sentiments, elle l’a écrit par rapport à sa tendre mère. Un roman poignant dont le personnage principal est Kamila. Elle choisit ce prénom en hommage à sa défunte tante qui était un rayon de soleil dans la famille. «Kamila m’a porté chance.

Une fois que j’avais mis son prénom, c’était elle que je voyais. Et je voyais toutes les kamila du monde parce que nous passons par toutes les étapes du monde. J’ai voulu parler des années 80, car nous étions heureux. Et la génération de maintenant avec tout ce qu’elle a comme technologie n’est pas heureuse.

A l’époque, nous n’avions pas besoin de technologie. On était connecté avec nous-mêmes, avec nos parents et les gens que nous aimions. Je voulais laisser des traces des années 80. Kamila, c’est comme un guide. Laisser une traçabilité qui a eu de belles histoires d’amour dans les années 80», dit-elle avec un sourire au coin des lèvres. Kamila est une jeune étudiante fragile qui tente de se reconstruire après un chagrin d’amour dévastateur. Certes, le roman est structuré en plusieurs chapitres, mais dans un style proche du journal intime.

Une saga

Quand elle a écrit le premier tome de Kamila, l’autrice ne pensait qu’il y aurait une saga. Sachant que sa mère a échappé à la mort et a vécu avec Kamila. Pour Fella Andaloussia, c’était la renaissance de sa mère, de la famille, de ses cousins après la mort de leur mère. C’était aussi la renaissance de nous- mêmes, de toutes les personnes qui ont survécu au Covid.

Après mûre réflexion, elle décide de donner une suite à son histoire parce que pour elle, on ne s’arrête pas à une déception amoureuse à 18 ans. La vie continue. Elle a trouvé que c’était logique et humain de donner une chance à Kamila et à ses parents dont son papa. Dans le deuxième tome en question intitulé  Kamila, la voie de la renaissance, elle a abordé la décennie noire en tant qu’informaticienne économètre. Comme elle le dit si bien, elle voulait parler des ménages algériens.

Des valeurs externes qui ont changé le ménage algérien. Que se soit du côté maternel ou paternel, Kamila, sa famille et ses amis étaient, pour la romancière, un excellent échantillon. L’oratrice rappelle que nous avons passé dix ans de folies, de délires, mais tout a continué. «Les gens ont continué à s’aimer, à se marier. Il y a toujours la vie qui prend le dessus malgré le pire.

Il y a eu aussi des moments de joies, des naissances, c’est une renaissance. Il y a eu des moments où des gens ont échappé à la mort, c’était des moments aussi de joies. On a gagné sur la mort, sur ces êtres sombres. Il y a eu des moments aussi où il y a eu des gens diplômés où on a assisté à des soutenances. On ne savait pas contre qui on se battait, mais on ne s’est pas laissé faire.

C’est à travers cela que j’ai voulu parler de Kamila qui comme toutes les familles algériennes, dans sa famille, elle avait un homme de la famille commissaire, journaliste, instituteur. Je la sublime. Je la rends parfaite ou imparfaite, elle représente toutes les couches sociales et tous les échantillons qui étaient à l’époque», note-t-elle. Elle explique aussi qu’elle a voulu aussi parler des gens qui ont existé et qui ont beaucoup fait pour l’Algérie, mais qui sont restés discrets. Allusion faite aux artistes et aux journalistes assassinés et aux papas résistants.

Preuve en est avec le papa de Kamila qui avait la peur au ventre en ayant laissé sa fille étudier. «En écrivant, atteste-t-elle, j’ai beaucoup souri et surtout beaucoup pleuré. On se rend compte qu’on a été plus que courageux. Dix ans. Ce n’est pas rien. Chaque jour était pour nous une année parce qu’il n’y avait pas les réseaux et la technologie de nos jours. On enterrait nos morts. On avait ce courage de se reconstruire chaque jour, chaque minute. On s’encourageait conjointement. C’était important pour moi de formaliser cela dans mon roman.»

Le roman Kamila, la voie de la renaissance regorge de réflexions psychologiques et de messages de prévention et de sensibilisation. En guise de conclusion, l’autrice Fella Andalousia reconnaît qu’elle ne pensait pas que cela allait devenir une saga. Sa plume élégante a décidé de greffer d’autres chapitres, mais qui matcher très bien avec ce qu’elle voulait dire ou faire. Ainsi, Kamila devient par le force des choses une citoyenne algérienne. Elle sait qu’il y a un danger dont elle ignore.

Fella Andaloussia, Kamila, la voie de la rennaissance, Ed. El Qobia 2024

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