Relations franco-algériennes : «Une agressivité irresponsable contre l’Algérie»

16/01/2025 mis à jour: 23:44
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Photo : D. R.

La gauche dénonce l’odieuse campagne conduite par plusieurs ministres, dont celui des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur, contre l’Algérie. Une insupportable instrumentalisation politico-médiatique sur un ton de va-t-en-guerre virulent.

Il est temps que ça s’arrête, proclament les femmes et hommes politiques de la gauche. C’est ainsi que, dans un communiqué commun, les élus Parlement de la France insoumise (LFI) et le Nouveau Front populaire (NFP) fustigent «une escalade d’agressivité irresponsable contre l’Algérie. Tous les prétextes semblent bons. Certains dirigeants français jouent une absurde logique de revanche sur l’Algérie et utilisent un vocabulaire guerrier totalement inacceptable».

Et d’ajouter : «Ce ton est insupportable pour des millions de Français intimement liés au bonheur commun de nos deux peuples.» Pour le groupe de députés, non majoritaire bien qu’arrivé en tête lors des élections de juin et juillet derniers, «aucune situation particulière ne doit servir d’alibi a une volonté de détérioration supplémentaire des liens entre nos deux pays».

Et de mettre en question la manière dont Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, «s’est illustré, depuis son entrée au gouvernement, par ses attaques contre l’Etat de droit ou pour réhabiliter la colonisation», une posture qui «entretient l’escalade et tente de forcer la confrontation et est aussi abjecte qu’irresponsable».

Revenir sur l’accord de 1968 : Un fantasme irresponsable

A propos de l’accord franco-algérien de 1968, dont la droite survalorise l’impact démultiplicateur sur une prétendue hausse de l’immigration algérienne en France, le groupe de gauche souligne ce que de nombreux observateurs rappellent depuis des années, à savoir qu’il a «déjà été complètement vidé de sa substance depuis cette époque.

Les attaques contre lui ne servent qu’à alimenter des fantasmes irresponsables et blessants pour nos deux peuples». On peut ajouter du reste que la tentative du parti de droite les Républicains de faire voter la suspension des cet accord a échoué à l’Assemblée nationale en 2023. Les élus de gauche ont conclu sur une note d’inquiétude en rappelant à ceux qui en sont restés au temps des colonies que «la guerre est finie depuis 62 ans. Nos peuples peuvent-ils avoir enfin le droit à une relation normale, faite de respect mutuel et de relations apaisées ?»

Mardi, lors des réponses au discours de politique générale du Premier ministre, François Bayrou, deux nouvelles paroles de haine vis-à-vis de l’Algérie ont été prononcées par Eric Ciotti, dissident de la droite républicaine et qui campe aux portes de l’extrême droite, et Jean-Philippe Tanguy, du Rassemblement national. Un grain de sel acide et revanchard, alors que l’ordre du jour était surtout la situation de crise politico-sociale et économique française !

Pour LFI, Mathilde Panot a au contraire dénoncé cette surenchère insensée pour dévaloriser l’Algérie. «Le ministre de l’Intérieur s’est manifesté par des déclarations racistes en qualifiant nos concitoyens de ‘‘Français de papier’’. Il s’improvise en diplomate avec l’Algérie mais n’est en finalité qu’un piètre agitateur. Pour qui se prend Bruno Retailleau à vouloir provoquer une tension insupportable pour des millions de Français qui vivent une relation directe d’affection et de fraternité respectueuse avec le peuple algérien.»De nombreux «ténors» de la gauche se sont prononcés pour un apaisement nécessaire.

On citera l’ancienne candidate à la présidentielle Ségolène Royal, qui garde la mémoire des méfaits français : «La décolonisation a été atroce en Algérie.» «Il ne faut pas oublier les dégâts que nous avons commis sur ce territoire que nous avons colonisé, parce qu’il y avait des ressources.» «Donc, la France s’est enrichie, les entreprises françaises se sont aussi enrichies sur l’Algérie.» Et elle a appelé à «revenir aux relations diplomatiques respectueuses des uns et des autres, respectueuses de cette histoire».

Le Pen est mort mais ses idées résistent !

Justement hier, sur ce registre, Karim Ben Cheïkh, diplomate de carrière et député Générations – groupe Ecologiste et Social – de la 9e circonscription des Français établis à l’étranger, s’est exprimé dans le quotidien libéral L’Opinion, remontant dans l’histoire récente lorsqu’en 2021, un premier épisode de fièvre anti-algérienne animé le pouvoir à Paris sur la question des visas, remarque : «Une profonde faille dans nos relations bilatérales et un ressentiment tenace. A l’heure où la crise diplomatique s’envenime à nouveau entre Paris et Alger, le gouvernement français semble déterminé à retomber dans les mêmes travers.

Ce pouvoir n’apprend-il jamais ?» Pour le parlementaire, «au-delà des gesticulations actuelles, se dessine un constat glaçant : l’affaiblissement du Quai d’Orsay. Marginalisé par des restrictions budgétaires et la centralité asphyxiante de la décision élyséenne, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères n’est plus qu’un acteur secondaire, condamné à éteindre les feux allumés par une classe politique en quête de coups d’éclat.

Cette atrophie diplomatique est une faute impardonnable à une époque où le Maghreb et l’Afrique méritent une attention stratégique soutenue et alors que le dernier livre blanc de la politique étrangère et européenne de la France date de 2008».Par le hasard de la grande faucheuse, cette agitation anti-algérienne est intervenue alors que le démon du racisme hexagonal mourait.

Preuve que si le tortionnaire Le Pen a rejoint l’enfer, ses idées restent présentes. Plusieurs élus de gauche ont à ce propos appelé «à poursuivre le combat contre ses idées». Pour le député LFI Aurélien Le Coq, «cette haine, cette violence continue à exister et donc le combat antiraciste est un combat qui doit être toujours renouvelé, toujours continué». Et l’écologiste Sandrine Rousseau a estimé que «la mort d’un leader ne solde pas l’histoire du Front national et ne solde pas les racines dans lesquelles il puise, c’est-à-dire les collaborationnistes, la Waffen-SS, la guerre contre l’indépendance de l’Algérie», soulignant que de nombreux députés RN ont adhéré au parti quand Le Pen était à sa tête. 

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