Relations algéro-françaises : Le massacre des Algériens inscrit dans le marbre législatif

30/03/2024 mis à jour: 03:58
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Photo : D. R.

Une proposition de résolution votée jeudi par l’Assemblée nationale française reconnaît la répression des Algériens le 17 Octobre 1961 et souhaite l’instauration d’une journée de commémoration officielle.

On ne peut pas dire que les députés se sont pressés au Palais Bourbon pour le débat sur la proposition de résolution relative à la reconnaissance et la condamnation du massacre des Algériens du 17 Octobre 1961 à Paris. Elle a été adoptée par 44 voix pour et deux contre, sur 50 députés présents.

Il faut dire que cette résolution, désormais inscrite dans le marbre du législateur, n’a pas force de loi mais intervient seulement comme un rappel que les gouvernements, actuel et futurs, seront libres d’appliquer… Il n’est pas inutile de rappeler d’ailleurs que le cimetière des résolutions restées sans suite est particulièrement encombré dans les grands livres de la Chambre des députés ou du Sénat.

Le débat a cependant permis d’aborder officiellement la sanglante répression envers les Algériens le 17 Octobre 1961. Et de rappeler le caractère raciste du Rassemblement national, qui a tenu des propos xénophobes, nostalgiques de l’Algérie française et révisionnistes, refusant de reconnaître la violence de la police en 1961.

Le parti d’extrême droite, créé par le tortionnaire Le Pen, reste, 63 ans après la tuerie parisienne, foncièrement anti-algérien. La seule nouveauté c’est que désormais, ses députés l’expriment sur les bancs de l’Assemblée nationale. Et l’intérêt est que leurs interventions ségrégationnistes sont désormais lisibles noir sur blanc dans les rapports de séance.

Déjà en 2012 une résolution sénatoriale

La députée Sabrina Sebaihi (Ecologiste), rapporteuse de la résolution, l’a d’emblée souligné : «La manifestation pacifique, qui rassemble entre 20 000 et 40 000 personnes, hommes, femmes et enfants, est réprimée dans une violence extrême : certains sont jetés dans la Seine et environ 12 000 d’entre eux sont arrêtés et enfermés dans des centres de détention créés spécialement (…)» «Ce qu’il faut bien qualifier de massacre ne fera jamais l’objet de poursuites judiciaires», conclut-elle.

Sa collègue Soumya Bourouaha (Gauche démocrate et républicaine) remonte dans le temps, exhumant une proposition de résolution «présentée en octobre 2012 par la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat, appelant le Sénat à ‘‘la reconnaissance de la répression d’une manifestation à Paris le 17 octobre 1961’’.

Sans reconnaissance, cette blessure commune à nos deux peuples restera béante», estime-t-elle, sauf que la résolution sénatoriale de 2012 est restée sans suite.

Pour le parti présidentiel Renaissance, la députée Julie Delpech est allée dans le sens de «l’inscription d’une journée de commémoration du massacre à l’agenda des journées et des cérémonies officielles», disant que cela «conforte les commémorations déjà organisées par plusieurs villes d’Île-de-France.

Elle vise à accorder à cet événement, longtemps occulté ou mal interprété, la place distincte qu’il mérite dans notre récit national». Pour elle, voter cette résolution n’est pas «pour raviver d’anciennes douleurs, mais pour bâtir des ponts entre les deux rives de la Méditerranée, pour construire un avenir partagé».

Un crime signé par le récidiviste Papon au passé antisémite notoire

Pour le groupe La France insoumise par la voix de Paul Vannier, «Le crime a ses coupables. Papon d’abord. Le préfet de police en poste a déjà organisé la déportation des juifs de la région bordelaise entre 1942 et 1944».

Une façon de répondre au Rassemblement national qui continue sur les bancs de l’Assemblée de vouloir confondre FLN et Hamas, et se déguise en se prétendant défenseur des juifs, lui qui soutient les exactions du préfet Papon, au passé antisémite notoire en juillet 1942 et qui a enfermé les Algériens au Vél d’hiv, le même endroit où, ironie macabre de l’histoire, dix-neuf ans auparavant furent envoyés à la mort des centaines de juifs.

La députée socialiste Fatiha Keloua Hachi affirme : «En votant cette proposition de résolution, nous déciderons précisément d’inscrire enfin dans notre mémoire collective un épisode qu’on a voulu étouffer.

Nous franchirons un pas supplémentaire vers la fin des non-dits de l’histoire coloniale … L’extrême droite et les partisans de la haine se délectent de ces non-dits, qu’ils instrumentalisent pour fracturer davantage notre société.»

«Travailler en commun avec les autorités algériennes»

Le texte de la résolution «affirme son soutien à l’approfondissement des liens mémoriels unissant le peuple français et le peuple algérien» et «invite le gouvernement à travailler en commun avec les autorités algériennes pour appréhender leur histoire commune, y compris celle des événements du 17 Octobre 1961».

Les députés condamnent «la répression sanglante et meurtrière des Algériens commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961» et rendent «hommage à toutes les victimes et leurs familles», souhaitant «l’inscription d’une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à l’agenda des journées nationales et cérémonies officielles».

La résolution affirme que «la poursuite de la réflexion conjointe sur ces événements devra contribuer à assurer un avenir en commun plus harmonieux pour le peuple algérien et le peuple français». W. M.

Pas de journée commémorative dans l’immédiat

Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, tout en soutenant la résolution, a expliqué que le gouvernement actuel ne proposerait pas de journée de commémoration, comme le souhaite le texte voté. Rappelant qu’il y a déjà trois dates : le 5 décembre, «Journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie ; le 19 mars, Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc» et, «depuis 2022, la date du 18 octobre a été choisie pour rendre hommage aux combattants de la guerre d’Algérie, reconnue définitivement en tant que telle par la loi 18 octobre 1999».

Elle a ajouté : «Je n’ignore pas que ces dates n’apportent pas toujours le baume nécessaire à toutes les victimes de la guerre, qui aspirent naturellement à être honorées en un jour particulier. Je crois néanmoins que la réconciliation des mémoires passe aussi et avant tout par leur rassemblement. Honorer ensemble tous nos morts, quel que soit le jour, a pour moi une valeur et une puissance de symbole fortes.» W. M.

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