Réintégration de la Syrie au sein de la ligue arabe : A quoi joue l’Arabie Saoudite ?

15/04/2023 mis à jour: 20:56
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L’initiative de l’Arabie Saoudite de réunir neuf pays arabes pour discuter d’un éventuel retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe suscite moult interrogations. Les autorités saoudiennes ont prévu hier une rencontre à Djeddah afin d’«aplanir les divergences des monarchies du Golfe sur le rétablissement des relations avec la Syrie», selon une source diplomatique arabe citée par l’AFP. 

Six pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis) ainsi que l’Egypte, l’Irak et la Jordanie y ont été conviés.  Ce conclave intervient à quelques semaines du prochain sommet ordinaire de la Ligue arabe prévu le 19 mai en Arabie Saoudite. 

L’Algérie, présidente en exercice de la Ligue arabe, n’a pas été associée à cette démarche qui tend, aussi, à apporter un gage de confiance au grand poids lourd de la région, l’Iran, qui a toujours soutenu les dirigeants syriens face aux ingérences étrangères.

Téhéran et Riyad ont conclu en mars dernier un accord, négocié par la Chine, pour une reprise de leurs relations bilatérales longtemps conflictuelles et rompues depuis 2016. L’action unilatérale des Saoudiens n’a pas été appréciée par Alger, à en croire les réactions non officielles exprimées ce week-end dans certains médias. «La ligue arabe (…) a besoin d’actions multilatérales que de manœuvres unilatérales», a ainsi confié jeudi à TSA une source bien au fait des «manœuvres» de l’Arabie Saoudite. 

«Au lieu de se comporter en rassembleur, l’Arabie Saoudite prend ainsi le risque de mécontenter des poids lourds de l’organisation panarabe, ce qui déboucherait sur un échec du prochain sommet arabe», prévient cette même source qui prend mal le fait que l’Arabie Saoudite se «comporte» comme la présidente en exercice de l’Organisation panarabe alors que, statutairement, c’est l’Algérie qui assure cette fonction depuis le sommet d’Alger de novembre dernier. 

Il est utile de rappeler, à ce propos, que la 31e  session du Sommet de la Ligue des Etats arabes avait retenu le principe d’une approche «collective» dans le règlement de la crise syrienne, grâce notamment aux efforts soutenus de la diplomatie algérienne. 

Un rôle collectif

Dans la déclaration d’Alger, il est distinctement fait mention du «rôle collectif et de chef de file des Etats arabes dans les efforts visant à parvenir à une solution politique à la crise syrienne et au traitement de toutes ses retombées politiques, sécuritaires, humanitaires et économiques».  Et ce, pour «garantir l’unité et la souveraineté de la Syrie, réaliser les aspirations de son peuple et restaurer sa sécurité, sa stabilité et sa place aux niveaux régional et international». 

L’Arabie Saoudite, en pleine euphorie diplomatique, semble privilégier l’approche unilatérale. Elle tente surtout, à travers la réunion de Djeddah, de convaincre principalement deux pays du Golfe de «tourner» la page - meurtrière - du dossier syrien dans un contexte géopolitique qui va en s’accélérant. 

Il s’agit du Koweït et du Qatar, particulièrement, dont le soutien actif à des factions armées sur le sol syrien a embrasé le conflit. Depuis le début de la guerre en Syrie, le Qatar a fortement soutenu des groupes armés contre les autorités de Damas et financé des organisations se réclamant de l’opposition.  Le Qatar, qui a salué le rapprochement entre Riyad et Téhéran, demeure cependant hostile à une normalisation avec Damas. 

Le premier ministre du Qatar, Mohammad Ben Abdelrahmane Al Thani, a, en effet, qualifié jeudi de «spéculations» les déclarations sur un retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, estimant que les «raisons de son expulsion étant toujours d’actualité». Une déclaration faite au lendemain de la visite en Arabie Saoudite du ministre syrien des Affaires étrangères, Faisal Mekdad.

Justesse de l’approche algérienne

Premier du genre depuis le début de la guerre, ce déplacement a donné un argument de plus à la diplomatie de Mohammed Ben Salmane pour «persuader» ses voisins du Golfe et restreindre la question syrienne à sa «sphère» géographique immédiate.  Reçu par son homologue saoudien Fayçal Ben Farhane, Faisal Mekdad a d’ailleurs évoqué l’objectif de «ramener la Syrie dans le giron arabe et qu’elle reprenne son rôle naturel» dans la région.  

Jeudi, à Alger, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (AE), Amar Belani accueillait l’ambassadeur de l’Etat du Koweït, Mohamed Marzouk Salimane Motlaq Ech-Choubou. Une occasion pour le représentant des AE et l’ambassadeur du Koweït d’évoquer le retour de la Syrie à la Ligue arabe. Les deux parties se sont félicitées de la dynamique positive qu’ont connue les relations entre la Syrie et ses pays frères arabes, une dynamique qui sera bientôt sanctionnée par le retour de la Syrie à son siège au sein de la Ligue arabe, rapporte une dépêche de l’APS. 

Le diplomate koweïtien a salué, dans ce cadre, la «sagesse de la diplomatie algérienne et sa vision éclairée concernant ce dossier», affirmant que le temps avait prouvé «la justesse de l’approche algérienne appelant à un retour de la Syrie à la Ligue arabe», favorisant ainsi le règlement de la crise politique dans ce pays et prévenant les risques de sécession. 
 

La Syrie a été exclue de la Ligue arabe en 2011. Les partis politiques et organisations se réclamant de l’opposition ont même occupé le siège de la Syrie au sein de la Ligue arabe lors d’un sommet organisé en 2013. L’Arabie Saoudite avait rompu ses relations en 2012 avec la Syrie, soutenant des groupes armées impliqués dans la crise syrienne, comme d’autres pays du Golfe. 

La guerre fratricide en Syrie a fait environ un demi-million de morts, poussé à l’exil plus de la moitié de la population estimée à 21 millions de personnes et semé le chaos dans un pays à l’histoire millénaire.  

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