- Avez-vous constaté une hausse du diabète en Algérie ?
Le diabète de type 2 (DT2), en particulier, progresse de manière alarmante au niveau mondial, mais aussi le diabète de type 1 (DT1). L’Algérie n’échappe malheureusement pas à cette tendance. Selon l’IDF, on dénombre actuellement 537 millions de personnes vivant avec le diabète, et ce chiffre pourrait atteindre 784 millions d’ici à 2045.
Les causes principales sont les changements de mode de vie : une alimentation déséquilibrée, une activité physique insuffisante et l’obésité qui contribuent largement à l’augmentation des cas de DT2, qui représentent environ 90% des diabètes. En Algérie, le diabète a progressé de 80% en 15 ans : mes premières études dans les années 1980 indiquaient une prévalence de 8,8%, similaire à celle de l’enquête StepWise de l’OMS en 2003. La dernière enquête OMS de 2017 révèle désormais une fréquence de 14,4%.
- Avons-nous les chiffres actualisés ?
Les données épidémiologiques sont difficilement mises à jour chaque année, en raison de la complexité et des ressources nécessaires pour mener des enquêtes nationales. Cependant, les dernières données de l’étude StepWise de 2017 restent valables. Dans le cas du diabète de type 2, de nombreux patients ne connaissent pas leur état, ce qui entraîne un retard dans le diagnostic et des complications précoces. D’où l’importance de promouvoir le dépistage précoce du diabète et du pré-diabète. Chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale du diabète, des campagnes de dépistage sont organisées avec le soutien du ministère de la Santé.
- Qu’en est-il de cette pathologie chez les jeunes et les enfants ?
Les enfants sont également touchés. Pour le DT1, maladie auto-immune, les données locales indiquent environ 30 cas pour 100 000 enfants.
Ce type de diabète est en augmentation, probablement en raison de facteurs environnementaux, viraux et peut-être épigénétiques. Ce qui est encourageant, c’est qu’il est maintenant possible de dépister ce type de diabète aux stades précoces (stades 1 et 2) et d’envisager des thérapies immunomodulatrices qui pourraient retarder son apparition, voire induire des rémissions de deux ans ou plus.
Cependant, il est impératif de s’assurer que les enfants atteints de DT1 disposent de technologies modernes, telles que la mesure continue ou intermittente du glucose et les pompes à insuline, pour améliorer leur qualité de vie. Quant au DT2, il commence à toucher les enfants obèses dès l’âge de 10 ans, ce qui est préoccupant et nécessite une stratégie nationale de prévention.
- Selon vous, à quoi est due cette hausse ?
Cette hausse est due principalement à un manque de sensibilisation aux risques du diabète et à une prévention insuffisante. La population doit comprendre que l’obésité est une maladie chronique aux conséquences graves, dont le diabète. Des actions simples, comme une marche de 30 minutes par jour et un régime alimentaire équilibré peuvent considérablement réduire les risques.
Il est essentiel que chacun prenne conscience des causes de cette hausse et contribue aux efforts de prévention, dans le cadre d’une démarche multisectorielle. Le ministère de la Santé a d’ailleurs reconnu l’obésité comme une maladie chronique et lancé plusieurs programmes de sensibilisation, notamment avec l’Institut national de santé publique et la SAOMM.
- Comment expliquer que le diabète soit la source de tous les maux ?
Le diabète, en l’absence de prise en charge adéquate, peut entraîner de nombreuses complications (cardiovasculaires, neurologiques, rénales, ophtalmologiques, etc.) et a un impact psychologique et socioéconomique important. Pour le DT2, les comorbidités aggravent les risques et forment un cercle vicieux.
C’est pourquoi une prise en charge globale, prenant en compte non seulement l’hyperglycémie mais aussi les risques cardiovasculaires et les autres complications, est recommandée. En Algérie, un effort particulier a été fait pour la formation des médecins généralistes et des spécialistes, avec le soutien du ministère de la Santé.
- En ce qui concerne le diabète de type 2, l’hérédité représente-t-elle un facteur de risque ?
Absolument. L’hérédité est un facteur de risque majeur pour le DT2. Nous portons une attention particulière aux antécédents familiaux de diabète chez les parents de premier degré (parents, frères et sœurs). Pour ceux qui évitent le dépistage, il est possible d’évaluer son risque en remplissant le test en ligne «testprevent» disponible sur le site de la Fédération internationale du diabète (IDF). Il est recommandé que toute personne ayant un parent diabétique réalise un dépistage annuel dès l’âge de 30 ans, ou avant en cas d’autres facteurs de risque tels que l’obésité.
- De nombreux spécialistes incombent la responsabilité aux parents en ce qui concerne la mauvaise hygiène de vie.
Quel est votre avis ?
La responsabilité est partagée. Bien que les parents jouent un rôle crucial dans l’éducation à une vie saine, les facteurs de risque sont souvent le fruit d’un environnement complexe, nécessitant une approche multisectorielle (urbanisme, éducation, industrie alimentaire, etc.).
Par ailleurs, la modernité apporte ses propres défis, comme l’accès aux technologies favorisant la sédentarité et les troubles du sommeil chez les enfants. Il est essentiel que chacun, y compris les parents, prenne part aux efforts de prévention, mais il ne s’agit pas de les rendre seuls responsables.
- Pensez-vous que d’ici quelques années, avec le changement des habitudes alimentaires ainsi que la sédentarité, on aura de plus en plus d’enfants diabétiques ?
Il est impératif de mettre en place un programme national de prévention de l’obésité et du diabète pour éviter cela. Pour le DT1, une fois déclaré, l’insuline reste le seul traitement actuellement disponible. Cependant, des perspectives de prévention se développent, bien qu’il y ait des urgences plus pressantes à traiter aujourd’hui.
- Quelles sont vos recommandations pour réduire les risques ?
Préserver les acquis en matière de prévention secondaire et renforcer les programmes de sensibilisation sont essentiels. Il est également crucial de sensibiliser les autorités et les industriels aux dangers des sucres ajoutés et des aliments ultra-transformés. «Manger moins, bouger plus» reste une devise efficace et accessible à tous pour prévenir le diabète.
- Jugez-vous nécessaire que les autorités durcissent les lois concernant le taux de sucre dans les produits alimentaires ?
Oui, c’est une mesure essentielle, déjà initiée par le gouvernement. Les lois jouent un rôle central pour orienter les pratiques de l’industrie alimentaire et faire primer l’intérêt public. Les conséquences socioéconomiques du diabète, aux soins coûteux et occasionnant des pertes de productivité, justifient pleinement ces mesures.
- Il existe aussi des malades souffrant de diabète mais en plus d’autres pathologies. Quelle prise en charge pour ces malades ?
Une prise en charge globale, tenant compte de la situation personnelle du patient et de ses autres pathologies, est primordiale. L’examen clinique et les évaluations précliniques sont indispensables, même à l’ère de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies.
Il est crucial également de traiter le syndrome cardiométabolique et rénal, avec des avancées thérapeutiques, notamment les agonistes GLP-1 et les inhibiteurs SGLT-2, qui ont prouvé leur efficacité dans la prévention des complications cardiovasculaires et rénales. L’accès des patients vivant avec le diabète à ces thérapeutiques est primordial afin de rajouter une couche à la prévention cardiovasculaire et rénale de nos patients. Cela souligne les défis complexes de la lutte contre le diabète et l’importance d’une mobilisation collective pour améliorer davantage la santé publique.
Bio express
Rachid Malek est professeur en médecine interne et ancien chef de service de médecine interne. Il est aussi président de l’Association des diabétiques de la wilaya de Sétif et représentant de l’Algérie auprès de la Fédération internationale du diabète (IDF).