La politique de gestion des déchets, engagée en Algérie depuis 2001, devait répondre à l’absence d’infrastructure de mise en décharge des déchets, ce qui s’est soldé par 3000 décharges sauvages sur le territoire national, dont 350 au niveau des 40 grandes villes du pays, représentant une superficie totale de 150 000 hectares.
A l’horizon 2030, le nombre de CET atteindra 150 ce qui est une aberration avec le devenir de ces CET et leurs impacts environnementaux à long terme. Il y a lieu de souligner que ces centres reçoivent un gisement de matières premières facilement recyclable à plus de 60%. Avec un taux de croissance annuel de 3%, le gisement des déchets domestiques en Algérie avoisinera les 20 millions de tonnes à l’horizon 2030 ; avec la même stratégie, notre pays perdra plus de 50 milliards de dinars.
Actuellement, pour enfouir nos déchets, il nous faudra aménager annuellement 10 CET nouveaux chaque année et condamner plus de 250 ha de terre pour enfouir des déchets polluants qui se transforment en bombe à surveiller pendant des décennies.
Les conséquences sur les facteurs environnementaux de ces décharges sont catastrophiques mais n’ont jamais été évaluées. L’absence d’infrastructure prenant en charge les déchets a été le facteur déterminant la stratégie de gestion des déchets en optant malheureusement sur le concept d’enfouir les déchets dans des Centres d’Enfouissement Technique ou des Décharges Contrôlées. Ce choix politique n’a rien de technique puisqu’il n’a fait que transférer le problème au lieu de le régler définitivement.
Le danger que représentent les déchets enfouis n’est pas évalué à sa juste valeur, autrement la politique d’enfouissement serait bannie depuis longtemps. Faute d’avoir initié le développement des filières de gestion des déchets ménagers et assimilés, l’Algérie perd chaque année entre 35 et 40 milliards de dinars et des milliers d’emplois permanents.
La pollution atmosphérique : La mobilité s’est accrue et le parc automobile a fortement augmenté. Le pays compte plus de 8 millions de véhicules dont 60% sont en diesel et seulement 5% en GPL. Ce parc automobile, qui est relativement âgé est de plus en plus diésélisé, engendre de plus en plus d’émissions de particules fines et de suies. Les émissions de particules sont en nette croissance et on dépassent les 15 kT. Les émissions des polluants CO, COV, NOX et Pb
On estime aujourd’hui qu’en Algérie, chaque année 10 à 12 millions d’habitants consultent pour des épisodes aigus de maladies respiratoires, certains nombres de ces épisodes sont directement en relation avec l’exposition à la pollution de l’air. L’exploitation de quelques études épidémiologiques souligne que les symptômes respiratoires représentent 10% des motifs de consultation, les crises d’asthme représentent 30% des causes, les infections respiratoires hautes 30%. Il existe une corrélation entre les niveaux quotidiens de particules et les exacerbations de symptômes respiratoires. L’exposition aux PM10 est de l’ordre de 4% où le niveau moyen journalier des PM10 fluctue entre était 43 et 53 mg/m3 et peut atteindre en hiver 64 mg/m3 vs 37 mg/m3.
L’Algérie est classée à la 58e place en matière de pollution atmosphérique avec un taux de 17,8 microgrammes par mètre cube d’air, soit 4 fois plus supérieur que la valeur indicative annuelle de PM2,5 de l’OMS. La charge de morbidité liée à la pollution de l’air est de 24% à l’échelle mondiale et de 25% dans les pays en voie de développement dont l’Algérie qui enregistre chaque année 2500 décès liés à la pollution de l’air dont la cause essentielle est les émanations automobiles en milieu urbain. Les concentrations journalières moyennes mesurées dans différentes études universitaires sur les PM1, PM2,5 et PM10 induites par le trafic routier varient entre 10,45 à 26,24 μg m-3, 18,53à 47,58 μg m-3 et 43,8 à 91,62 μg m-3.
La consommation nationale de produits pétroliers a atteindra 20 millions de tonnes en 2024 contre 17 millions en 2022, soit une augmentation de 3,5% sous l’effet de la dynamique économique que connaît le pays. La consommation de butane a atteint 1,2 million de tonnes et la consommation de propane a atteint 130.000 tonnes. L’exploitation de la troisième communication nationale de l’Algérie à la convention cadre des nations unies sur le changement climatique en octobre 2023 et le rapport d’inventaire national des émissions et des séquestrations des gaz à effet de serre (volume 1) de 1994 permet d’avancer le chiffre de 280 équivalent CO2 MT soit un ratio par habitant de 6,5 équivalent CO2(t). Pour la période 2002-2022, les émissions de GES de l’Algérie ont enregistrées une hausse de 61%, passant de 175,47Mt (CO2eq) à 281,97Mt (CO2eq). Les principales sources de ces émissions sont dans un ordre décroissant l’énergie, l’industrie, les déchets et l’agriculture. Les principaux composants de ces GES sont N2O, CH4 et CO2 avec respectivement 1%, 28% et 71%.
Quelle stratégie pour protéger l’environnement et la qualité de vie ?
Les principales atteintes à l’environnement et à la qualité de vie ont comme source :
• Un aménagement du territoire non intégré et non durable ;
• Une industrie ne prenant pas en charge tous ses rejets ;
• Une urbanisation essentiellement sur des terres à vocation agricole ;
• Une absence de commodités dans les quartiers et dans les cités dortoirs ;
• Un transport encore polluant et âgé générant des nuisances ;
• Une production de déchets constituant un gisement de matières non exploité ;
• Des eaux usées très hétérogènes peu recyclées ;
• Difficulté à gérer les nuisances, les pollutions, les eaux usées et les déchets.
Aménagement intégré durable du territoire à travers un SCOT (Schéma de cohérence des territoires) qui permet à court, moyen et long termes permettrait de faire un réel diagnostic technico-écologique induisant une identification des espaces homoécologiques avec leurs caractéristiques géographiques, écologiques, physiques évaluant les potentialités induisant la stratégie d’exploitation durable.
Industrie et énergie :
Deux sources principales d’atteintes à l’environnement et à la qualité de vie, l’encouragement de nouvelles sources d’énergies renouvelables, telles que le solaire, le GPL, le LPG/C et le GNC induisant une réduction des émissions de substances nocives comme l’ozone et les polluants atmosphériques. Chaque unité de production doit être dotée d’un programme issu d’un audit environnemental et d’une étude de danger réalisés par des bureaux d’études réellement spécialisés.
L’urbanisation :
L’arrêt de l’extension des villes dépassant les 250 000 habitants afin de maintenir un environnement propre et une qualité de vie en optant pour le concept d’aires métropolitaines. Orienter l’urbanisation vers les Hauts-Plateaux et le Sud en intensifiant les voies de liaison. La politique urbaine source d’impacts environnementaux et de qualité de vie devrait être la principales préoccupation du secteur en imposant une urbanisation durable où le Coefficient d’Occupation du Sol (COS) doit être remplacé par le Coefficient d’Utilisation du Sol (CUT), réserver une superficie appréciable pour l’infrastructure d’accompagnement, éloigner les barres de bâtiments d’au moins 50 m, ne construire que des bâtiments individuels ne dépassant pas les 20 logements, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (isolation thermique et phonique), l’augmentation du ratio espace verts de 4 à au moins 10 m2 par habitant, la réservation d’espaces pour les places publiques, les jardins publics et des trottoirs larges acceptant les arbres d’alignement et l’institution d’un syndic de gestion des cités collectives.
L’agriculture :
Avec le Barrage vert sa conception doit être revue au regard de l’échec antérieur en favorisant l’agroforesterie, la réhabilitation des steppes, la production local d’espèces adaptées et endémiques à la région méridionale (genévrier, balanites, robinier, acacia, lentisque. Rénover les techniques de plantation à travers de nouvelles techniques de production et d’agréage des plants à utiliser. Les écosystèmes forestiers doivent être adaptés au réchauffement climatique à travers une nouvelle approche d’agriculture durable évitant les intrants et les pesticides chimiques et de synthèse, interdire toute destruction d’écosystèmes steppiques,
Le transport :
Ce secteur reste impactant l’environnement et la qualité de vie en permanence et doit opter pour une interdiction des véhicules diesel de circuler en ville. A cela s’ajoute un contrôle technique rigoureux des véhicules suivi d’un remplacement des carburants liquides par des alternatives alimentées au gaz, comme le GPL et le GN. Promouvoir les transports en commun. Installer des stations de transfert dans la périphérie des villes afin de diminuer l’entrée en ville de camions et de bus. Réhabiliter le stationnement réglementé côté pair et impair ce qui permettra de diminuer le nombre de véhicule en ville de 50%
Les déchets :
Ils constituent un gisement inépuisable estimé à plus de 10 millions de tonnes annuellement auxquels il faut ajouter au moins 300 000 tonnes de déchets industriels et 1 million de tonne de déchets composés de gravats divers. Il y a lieu de réviser toute la stratégie de gestion des déchets en ayant comme objectif l’élimination des CET en installant une déchetterie par 200 000 habitants pour dynamiser le tri à la source puisque les déchets valorisables seront vendus selon un coût réglementé au niveau national pour éviter la circulation des déchets.
Cette opération permettra dans un temps relativement court de diminuer le volume d’au moins 30%. Il y a lieu de prévoir des encouragements fiscaux et des subventions du fond de l’environnement pour la mise en place d’unité de traitement et de valorisation des déchets. Il faut abandonner le concept de pollueur-payeur au profit d’obligation à toute installation polluante de prendre ou sous-traiter ses déchets et nuisances. Les entreprises du bâtiment doivent recycler leurs déchets inertes souvent dangereux et déposés dans des décharges sauvages ou semi-contrôlées sans aucun impact financier.
Les CET ne doivent que recevoir les déchets ultimes avec possibilité d’opter pour l’incinération au lieu de l’enfouissement à travers un choix écologique de technique d’incinération pour éviter d’avoir à transformer chaque année plus de 200 ha en dépotoir.
La santé :
Elle reste étroitement liée à la qualité de vie donc à l’écologie et l’environnement mais le système de santé algérien subi depuis 30 ans les conséquences d’une transition sanitaire accélérée. On assiste aujourd’hui à une double morbidité caractérisée par la persistance des maladies transmissibles et l’émergence des maladies chroniques qui touchent près de 60% de la population. Une situation favorisée par une transition démographique caractérisée par le vieillissement, une urbanisation ignorant la qualité environnementale, un transport et une industrie polluants et des déchets dangereux pour la salubrité et la santé. Seule une politique volontariste axée sur l’écologie, l’environnement, le pouvoir d‘achat, l’application de la réglementation, une réelle écoute de la société civile à travers des conseils consultatifs et une protection des territoires protégés des altérations permettent de préserver la qualité de vie.
Conclusion
Les principales sources de dangers sur l’environnement et la qualité de vie sont de trois catégories : L’industrie (rejets et impact sur l’air, l’eau, le sol et les êtres vivants), le transport (nuisances, maladies, pollution atmosphérique) et l’urbanisation (nuisances, bruits, impacts urbains, population, consommation, déchets).
La protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie restent tributaires d’un Schéma de Cohérence des Territoires (SCOT) identifiant les potentialités de chaque paysage homogène d’où une révision totale du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) et des SRAT où les volets écologie et qualité de vie doivent être pris en charge. Le concept des PDAU est à revoir pour instaurer l’éco-quartier seule alternative pour préserver l’environnement et la qualité de vie. Le processus de durabilité urbaine et industrielle peut aussi provenir de la société civile, mais cela reste rare en Algérie puisque les responsables ne sont pas souvent à l’écoute de la société civique et ses critiques constructives. Dès lors, la durabilité se met davantage en œuvre sous la forme de politiques publiques qui doivent largement s’appuyer sur des pratiques de participation citoyenne.
Le terme d’écoquartiers doit permettre d’asseoir et de corriger les approches politiques car la dimension de «quartier» durable constitue un vaste champ de questionnement. Le quartier durable est celui qui est souhaité comme tel par la collectivité locale porteuse ; elle cherche à y mettre en œuvre un urbanisme durable.
Les impacts sur l’écologie et ses composantes que sont êtres vivants, les écosystèmes et la géographie sont alarmants et se traduisent par une augmentation des maladies dues au stress, à la pollution de l’air, de l’eau, des végétaux, des déchets et des rejets industriels toxiques. En dépit d’une réglementation assez riche et précise, notre environnement reste menacé par des comportements faisant fi de ces textes. L’homme constitue le réceptacle de ces pollutions qui affectent sa santé et sa qualité de vie puisqu’il se positionne au sommet de la chaîne alimentaire et de la pyramide écologique.
Par le Pr K. Benabdeli ,
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Spécialité : Management environnemental