Quatre jours après l’adoption par l’ONU d'une résolution de soutien à l’UNRWA : Guterres saisit la CIJ sur les obligations d’Israël

25/12/2024 mis à jour: 10:42
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Juges de la Cour internationale de justice (CIJ)

La Cour internationale de justice (CIJ) a annoncé, lundi en fin de journée, la saisine par le secrétaire général de l’Onu demandant un avis consultatif sur «les obligations d’Israël en ce qui concerne la présence et les activités des Nations unies, d’autres organisations internationales et d’Etats tiers dans les Territoires palestiniens occupés et en lien avec ces derniers». 

Dans son communiqué, diffusé en fin de journée, cette haute juridiction onusienne a affirmé que la demande d’avis consultatif «a été transmise à la Cour par le secrétaire général des Nations unies par une lettre datée du 20 décembre 2024 et reçue au greffe le 23 décembre 2024».

 Cette saisine a été faite en vertu d’une résolution votée le 19 du mois en cours par l’Assemblée générale de l’Onu, dans laquelle celle-ci prie la CIJ de donner, conformément à l’article 65 du Statut de la juridiction, «à titre prioritaire et de toute urgence, un avis consultatif sur la question (…)», en tenant en compte plusieurs facteurs. 

Parmi ces derniers «les principes du droit international, dont, notamment, la Charte des Nations unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les privilèges et immunités applicables en vertu du droit international aux organisations internationales et aux Etats, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, l’avis consultatif de la Cour en date du 9 juillet 2004 et l’avis consultatif de la Cour en date du 19 juillet 2024, dans lequel celle-ci a réaffirmé l’obligation pour la puissance occupante d’administrer le territoire occupé dans l’intérêt de la population locale et estimé qu’Israël n’avait pas droit à la souveraineté sur quelque partie des Territoires palestiniens occupés et ne saurait y exercer des pouvoirs souverains du fait de son occupation». 

A ce titre, la résolution de l’Assemblée générale de l’Onu a demandé à la CIJ de donner une réponse juridique à la question suivante : «Quelles sont les obligations d’Israël, en tant que puissance occupante et membre de l’Organisation des Nations unies, en ce qui concerne la présence et les activités de l’Organisation, y compris ses organismes et organes, d’autres organisations internationales et d’Etats tiers dans les Territoires palestiniens occupés et en lien avec ceux-ci, y compris s’agissant d’assurer et de faciliter la fourniture sans entrave d’articles de première nécessité essentiels à la survie de la population civile palestinienne, ainsi que de services de base et d’une aide humanitaire et d’une aide au développement, dans l’intérêt de la population civile palestinienne et à l’appui du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ?» 


« Il est urgent de maintenir l’aide aux Palestiniens»

Présentée par l’Afrique du Sud, l’Algérie, Arabie Saoudite, Belize, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Egypte, Espagne, Guyana, Indonésie, Irlande, Jordanie, Koweït, Libye, Malaisie, Namibie, Norvège, Qatar, Slovénie, Yémen et l’Etat de Palestine, la résolution a été entérinée le 19 décembre et vise en réalité le maintien de l’aide humanitaire dans les Territoires palestiniens occupés.  

L’Assemblée générale avait ainsi décidé, par 137 voix pour, 12 contre et 22 abstentions, de demander l’avis consultatif de la CIJ sur les obligations d’Israël en ce qui concerne la présence et les activités de l’ONU, d’autres organisations internationales et d’Etats tiers dans les Territoires palestiniens occupés. 

Son objectif «est de protéger et de préserver les actions humanitaires de l’Onu et d’autres partenaires sur les Territoires palestiniens occupés», avait expliqué la Norvège, porte-plume du texte, dans un plaidoyer des plus poignants, en se déclarant «particulièrement préoccupée par une législation israélienne prenant directement pour cible l’Onu, et en particulier l’Unrwa» (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). 

Dans les attendus de la demande adressée par le secrétaire général de l’Onu à la CIJ, il est fait référence à la lettre de ce dernier, adressée à CIJ en date 28 octobre 2024, dans laquelle il appelle «d’urgence son attention sur des faits nouveaux susceptibles d’empêcher l’Unrwa de poursuivre ses activités essentielles dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est», avant de noter que, selon cette lettre, «l’on peut aisément comprendre que puisse exister une situation donnant lieu à une divergence de vues entre l’Onu et l’Etat d’Israël quant à, entre autres, l’interprétation ou l’application de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, à laquelle Israël est partie» puis pris acte «de ce que le secrétaire général indique dans sa lettre qu’il lui serait reconnaissant de tout conseil ou appui qu’elle voudrait bien lui apporter à ce moment». 

L’Assemblée général a en outre noté que le secrétaire général de l’Onu a «de nouveau porté la situation» à son attention et à celle «du Conseil de sécurité, le 9 décembre», rappelé «l’ensemble de ses résolutions sur la question, notamment celles qu’elle a adoptées à sa dixième session extraordinaire d’urgence, du Conseil de sécurité sur la question, notamment celle du 23 décembre 2016» et souligné «l’obligation qu’ont tous les Etats membres de remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la Charte des Nations unies, dont celle d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité, dont celle du 30 décembre 2022, dans laquelle elle a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte de l’Onu, de demander à la CIJ de donner, en vertu de l’article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif». 

Et de citer, au passage, celui rendu par la cette même juridiction onusienne le 19 juillet 2024, relatif «aux conséquences juridiques découlant des politiques d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, et de l’illicéité de la présence continue d’Israël dans ces territoires». 

L’Assemblée générale a, par ailleurs, réaffirmé, «compte tenu de l’avis consultatif de la CIJ, que le peuple palestinien doit jouir du droit à l’autodétermination, conformément au droit international et à la Charte des Nations unies, et qu’Israël, en tant que puissance occupante, a l’obligation de ne pas entraver l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, y compris son droit à un Etat indépendant et souverain sur l’intégralité des Territoires palestiniens occupés, coexistant avec Israël dans la paix et la sécurité à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues». 
 

«Épine dorsale»

Pour elle, par cet avis consultatif, la CIJ «a estimé qu’Israël demeurait tenu d’observer l’obligation qui lui incombait de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et les obligations auxquelles il était tenu au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et que tous les Etats devaient veiller, dans le respect de la Charte des Nations unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin à toute entrave à l’exercice du droit du peuple palestinien à l’autodétermination résultant de la présence illicite d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés». 

Elle a aussi rappelé la résolution du 18 septembre 2024 à la suite de l’avis consultatif rendu par la Cour le 19 juillet 2024, en soulignant qu’il «importe de promouvoir le multilatéralisme et le rôle central de l’Organisation des Nations unies dans le système multilatéral», avant de se déclarer «gravement préoccupée par les projets et mesures, y compris les lois, adoptés par Israël pour entraver ou empêcher la présence et les activités de l’Organisation des Nations unies et des entités et organisations des Nations unies, y compris celles de l’Unrwa (…)». 

L’Assemblée générale a en outre réaffirmé que l’Onu et ses organismes doivent pouvoir s’acquitter pleinement de leurs mandats dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, sans subir d’ingérence. Elle a pris note de «la déclaration à la presse des membres du Conseil de sécurité sur l’Unrwa, en date du 30 octobre 2024, dans laquelle ceux-ci se sont dits gravement préoccupés par la législation adoptée par la Knesset et ont demandé à toutes les parties de permettre à l’Office de mener à bien son mandat, tel qu’elle l’a adopté», soulignant que «l’Office demeurait l’épine dorsale de toutes les interventions humanitaires menées à Ghaza et affirmant qu’aucune organisation n’avait les moyens de remplacer l’Office ou d’exercer à sa place son mandat, qui consistait à apporter l’aide humanitaire vitale dont les réfugiés et les civils palestiniens avaient urgemment besoin. 

Considérant que toute mesure prise pour entraver la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire à la population civile entraîne, outre des pertes de vies humaines et des souffrances inacceptables et généralisées, de nouveaux déplacements de population». Selon l’Assemblée générale, la Cour internationale de justice a estimé, dans son avis consultatif de juillet dernier, que «les politiques et pratiques d’Israël étaient contraires à l’interdiction du transfert forcé de la population protégée au regard du premier alinéa de l’article 49 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, en rappelant l’obligation de s’abstenir d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de rendre inutilisables les biens indispensables à la survie de la population civile». 

L’Assemblée générale de l’Onu a par ailleurs exprimé sa «profonde inquiétude» face aux mesures prises par Israël «qui entravent l’aide au peuple palestinien, notamment celles qui touchent la présence, les activités et les immunités de l’Onu, de ses organismes et organes, et celles d’autres organisations internationales, ainsi que la représentation d’Etats tiers dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, dont l’objet est de fournir, conformément au droit international, des services de base et une aide humanitaire dans les Territoires palestiniens occupés (…). 

Il est extrêmement urgent de maintenir cette aide essentielle et que, selon la lettre du secrétaire général, la cessation ou la restriction des activités de l’Unrwa priverait les réfugiés palestiniens de l’aide essentielle dont ils ont besoin», en estimant enfin que «ces évolutions exigent que la Cour, à titre prioritaire et de toute urgence, donne des indications en complément de l’avis consultatif qu’elle a rendu le 19 juillet 2024».  

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