Procès de l’affaire dite des SMS : La défense de Saïd Bouteflika réclame l’annulation des poursuites

20/04/2023 mis à jour: 08:04
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Mahieddine Tahkout et Tahar Missoum sont deux personnages clés dans l'affaire dite des SMS

Le procès en appel de l’affaire dite des SMS a repris hier avec les plaidoiries de la défense relatives aux vices de forme. Bon nombre d’entre eux ont fait état devant la présidente de la chambre pénale près la cour d’Alger, de «violations» de la procédure. 

Mais c’est la défense de Saïd Bouteflika qui a pris le plus de temps pour passer au crible toutes les étapes de l’instruction avant de réclamer l’annulation de la poursuite. Membre du collectif, Me Salim Hadjouti axe sa plaidoirie sur le droit à la défense qui, selon lui, «a été violé». «Nous sommes prêts à être jugés mais avec une enquête légale et une perquisition légale», déclare l’avocat. 

Revenant sur la jonction des 14 affaires, il rappelle «qu’en vertu du code de procédure pénale, il n’y a que la chambre d’accusation et le juge du siège qui ont droit d’assembler ces dossiers», puis s’interroge : «Sur quelle base on lie Saïd Bouteflika au chauffeur d’un camion, au directeur des barrages et aux familles de Tahkout et de Mazouz ? Les dossiers ont été assemblés sans qu’il y ait de liens entre eux. Pourquoi n’avons-nous pas saisi la chambre d’accusation ? Tout simplement parce que nous n’avions pas été informés. Comment voulez-vous qu’on aille dans le fond de l’affaire alors que la forme n’a pas été respectée du début jusqu’à la fin ?» 

L’avocat décortique toutes les étapes de l’instruction et s’attarde particulièrement sur deux, liées aux commissions rogatoires et aux perquisitions. «Mais avant, dit-il, il faut savoir que tout le dossier repose sur le listing des appels téléphoniques entre Bouteflika et les hommes d’affaires, Zeghaimi, Benhammadi, Kouninef et Metidji, obtenus par la gendarmerie sans passer par le juge d’instruction. Il y a eu 70 appels avec Kouninef, où est le problème ? Est-ce une preuve d’un quelconque délit ? Ce n’est pas le cas. Malgré cela le dossier est instruit. Dès le départ, la procédure était biaisée.» 

Poursuivant sa plaidoirie, Me Hadjouti précise que ce listing date du 31 mars 2019, «soit une journée avant que Bouteflika ne soit assigné à résidence», puis entame l’étape de l’instruction sur la base de l’ouverture d’une information judiciaire en date du 28 octobre 2020, par le parquet du pôle pénal, sur le «blanchiment d’argent», «abus de fonction» et «dissipation de biens illicites». 

«Le juge a décidé d’ajouter le blanchiment dans le cadre d’une organisation criminelle, alors qu’il était tenu de rester dans le contenu de la demande du parquet», a lancé l’avocat qui dénonce le fait que son mandant n’a pas pu avoir accès au dossier pour se défendre. «Lorsqu’il a vu que le juge ne lui a pas donné le dossier, il a refusé de répondre aux questions et de signer le procès-verbal d’audition.» Sur la perquisition de l’appartement de Bouteflika, Me Hadjouti affirme qu’elle a été «faite sans ordre de la justice »

«La perquisition est faite sans mandat du juge»

«L’appartement et le parking portent des numéros différents et des livrets fonciers différents. On ne peut pas venir avec un ordre de perquisition pour le parking et perquisitionner l’appartement en plus. C’est une violation des articles 76 et 84 du code de procédure pénale», souligne-t-il. 

Pour lui, les 24 plis trouvés dans le garage «n’ont pas fait l’objet de PV d’inventaires et ils n’ont été présentés qu’en octobre et étaient déjà ouverts. Ce qui constitue une autre violation de la procédure. Mieux encore, dans le PV on parle de 26 plis. D’où les ont-ils ramenés ? En tant qu’avocat, j’ai le droit de dire qu’ils ont été ajoutés au dossier. Certains documents peuvent appartenir à Bouteflika, mais d’autres font l’objet de suspicion. Nous voulons juste que la loi soit appliquée. Ces plis devaient être ouverts en présence du concerné. Cela n’a pas été fait». 

Pour mieux convaincre la juge, Me Hadjouti cite le chèque de 3 millions de dinars, trouvé lors de la perquisition et présenté comme étant celui de Mahieddine Tahkout, alors qu’il s'est avéré qu’en 2009, le concessionnaire de Hyundai était Issad Rebrab. «Saïd Bouteflika a déjà été jugé et condamné pour ces faits. Pourquoi on le ramène une seconde fois devant le tribunal Toutes les commissions rogatoires dont Bouteflika a fait l’objet ne lui ont pas été notifiées. C’est une violation de l’article 168 du code de procédure pénale qui oblige le magistrat à le faire», s'est-il exclamé. 

Durant plus d’une heure, l’avocat n’a pas arrêté de citer les points de droit qui, selon lui, ont «été foulés au pied lors de l’instruction».

La juge appelle Tahar Missoum, ancien député poursuivi pour «complicité dans le blanchiment d’argent», fait lié au présumé rachat des sociétés de Mahieddine Tahkout en France. Il commence par nier les faits avant de lancer : «J’avais dénoncé en tant que député de 2012 à 2017 la corruption et depuis j’ai subi le pire. Ils m’ont envoyé le fisc qui me réclamait 380 millions de dinars et fermé ma laiterie qui nourrissait 135 travailleurs.» 

«Les gendarmes ne quittaient pas ma demeure»

La juge le ramène à la transaction avec Tahkout. «Il n’y a rien eu. Ce n’était qu’un boulon sur lequel chacun a fait des propositions. Je n’ai rien signé. Au début je voulais céder la laiterie pour sauver les travailleurs du chômage. Ils m’ont menacé et éloigné de ma région. J’avais commencé à parler des bracelets électroniques importés par le ministre de la Justice Tayeb Louh, ils m’ont monté 63 affaires en justice et signé une décision d’expulsion de la laiterie. Mais j’ai continué à dénoncer ouvertement la corruption en citant l’ancien ministre Abdessalem Bouchouareb. Les gendarmes ne quittaient pas ma demeure. Tous les jours ils pointaient soit à la laiterie soit chez moi. Je subissais l’enfer. Je voulais vendre les vaches mais personne ne voulaits les acheter à cause de mes déboires.» 

La juge : «Tahkout n’avait pas peur ?» 

Missoum : «Bien sûr qu’il n’avait pas peur. C’était lui l’autorité. Il m’avait dit qu’ils ne me laisseraient pas tranquille.» 

La juge s’adresse à Tahkout qui apparaît sur l’écran. Elle l’interroge à distance à partir de la prison de Babar à Batna, où il est détenu. «Qu’avez-vous à dire», lui demande-t-elle. 

Tahkout : «Ce n’est pas vrai. On s’est entendu qu’en échange de la laiterie, je lui donne dix logements avec garage et une villa à Bouzaréah. Il est venu avec ses enfants et il est parti en France où il a payé pour faire ses papiers.» 

La juge : «Expliquez-moi cette ''moubadala''  (échange)» 

Tahkout : «Je vous ai dit que l’échange portait sur sa laiterie et deux stations-service, contre dix logements avec garages et la villa de Bouzaréah. Il est venu en France.» 

Missoum conteste : «La moubadala a eu lieu à Alger, mais je n’ai rien signé. J’ai été le voir dans son bureau à Réghaïa pour signer le brouillon.»  

La juge : «Vous vous contredisez. Vous venez de dire que vous n’avez rien signé.» 

Missoum : «J’ai signé un brouillon en attendant le contrat.» 

Tahkout persiste à faire croire qu’il n’y a jamais eu de brouillon mais qu’il s agit d’un contrat, faisant répliquer Missoum : «Ce brouillon a été retrouvé dans son bureau, pas chez moi. J’ai récupéré le dossier de la laiterie. Les sociétés françaises ont été vendues après aux membres de la famille Meslrk.» 

Le procureur général : «Tahkout affirme que c’est lui qui s’est désisté en raison de l’arrêt des stations-service.» 

Missoum : «Ce n’est pas vrai. Une station était en activité et la seconde n’a pas démarré à cause de l’agrément qu’ils ne voulaient pas m’accorder.» 

Le prévenu reprend sa place et ce sont les directeurs de l’Onou (Office national des œuvres universitaires) pour les wilayas de Tlemcen et de Mostaganem qui lui succèdent à la barre. Ils sont poursuivis pour avoir attribué des marchés de transport des étudiants à la société de Tahkout «sans respecter» le code des marchés et le cahier des charges. 

Tous ont nié les faits en affirmant avoir agi en «respect de la loi». Mahieddine Tahkout précise à la magistrate qu’il a déjà été jugé et condamné pour la même affaire. 

L’audience à été levée au milieu de l’après-midi et reprendra lundi prochain.  

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