Les Européens tentent de se concerter sur l’avenir sécuritaire du Vieux Continent, alors que le président américain a annoncé cette semaine qu'il rencontrerait son homologue russe en Arabie Saoudite pour engager des négociations sur l'Ukraine, où l’intervention russe entrera le 24 février dans sa quatrième année.
Les dirigeants des «principaux pays européens» se réuniront aujourd’hui à Paris pour des discussions sur la sécurité européenne et l'Ukraine, au moment où l'administration américaine s'en prend à l'Union européenne (UE) et entend négocier directement avec la Russie pour mettre fin à la guerre.
Le président français, Emmanuel Macron, accueillera «les principaux pays européens» pour des discussions portant sur «la sécurité européenne», a indiqué hier le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, sur la radio France Inter, relayée par l’AFP. «Seuls les Ukrainiens peuvent décider d'arrêter de combattre et nous les soutiendrons tant qu'ils n'auront pas pris cette décision», a-t-il assuré.
Les Ukrainiens «n'arrêteront jamais tant qu'ils ne seront pas sûrs que la paix qui leur est proposée sera durable» et qu'ils n'auront pas de garantie de sécurité. «Qui apportera les garanties ? Ce seront les Européens», a dit le chef de la diplomatie française, martelant que «oui, les Européens seront d'une manière ou d'une autre partie prenante aux discussions» pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
«Le rôle des Etats-Unis, c'est d'amener Poutine à négocier», et ils pensent «y arriver par un mix de pression et de dialogue», a-t-il poursuivi. «Nous, ça fait longtemps qu'on a compris que c'était inutile de dialoguer et, à mon avis, ils vont vite comprendre que seule la pression sera susceptible d'amener Poutine à la table des négociations», a-t-il affirmé. Il n'a pas précisé qui participerait à cette «réunion de travail», mais selon une source diplomatique européenne, l'Allemagne, la Pologne, l'Italie, le Danemark, ainsi que le Royaume-Uni, hors UE, devraient être présents.
Les dirigeants européens, Ursula von der Leyen et Antonio Costa, ainsi que le chef de l'Otan, Mark Rutte, seront également présents, selon cette source. De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s'est dit certain, lors d'une interview à la télévision américaine NBC diffusée hier, que la Russie va «déclarer la guerre à l'Otan», si Donald Trump diminue son soutien à l'Alliance atlantique et qu'elle se retrouve affaiblie.
Il a indiqué que V. Poutine anticipe un «affaiblissement de l'Otan», qui pourrait intervenir si les Etats-Unis retiraient leur soutien militaire à l'Europe. «Je ne sais pas s'ils (les Russes) voudront 30% de l'Europe, 50%, je ne sais pas. Personne ne le sait. Mais ils auront cette possibilité», a-t-il prévenu, ajoutant que l'armée russe entraîne déjà «un grand nombre de soldats sur le territoire de Biélorussie».
La rencontre de Paris et les déclarations du président ukrainien interviennent à un moment particulièrement délicat dans la relation transatlantique alors que les initiatives de Donald Trump, qui a repris langue avec le président russe Vladimir Poutine, inquiètent les Européens. Le président américain a annoncé cette semaine qu'il rencontrerait son homologue russe en Arabie Saoudite pour engager des négociations sur l'Ukraine, où l’intervention russe entrera le 24 février dans sa quatrième année.
«Ecole réaliste»
La Conférence sur la sécurité de Munich (Allemagne), qui s'est tenue de vendredi à dimanche, a été marquée par un discours hostile du vice-président américain, JD Vance, à l'encontre de l'UE, accusée notamment de ne pas respecter la «liberté d'expression», et par la confirmation que les Américains envisageaient des négociations sur l'Ukraine sans les Européens. Interrogé à Munich sur l'éventuelle participation des Européens, l'envoyé spécial de Donald Trump sur l'Ukraine, Keith Kellogg, a répondu : «Je fais partie de l'école réaliste, je pense que ça ne va pas se produire.»
Lors de cette conférence, Volodymyr Zelensky a exhorté hier ses alliés européens au sursaut face à la Russie, les appelant à créer une armée commune pour éviter un accord forgé par les Américains «dans le dos» de l'Ukraine. «Je crois vraiment que le moment est venu de créer les forces armées de l'Europe», a indiqué le dirigeant dans un discours à la Conférence de Munich sur la sécurité, devant un parterre de responsables politiques internationaux. «Le temps où l'Amérique soutenait l'Europe simplement, parce qu'elle l'avait toujours fait, est révolu», a-t-il prévenu.
Lors de leur conversation, le locataire de la Maison-Blanche «n'a pas mentionné une seule fois que l'Amérique a besoin de l'Europe à la table des négociations», a mis en garde Volodymyr Zelensky. «Trump n'aime pas les amis faibles, il respecte la force», a-t-il souligné. Pour V. Zelensky, il ne faut «pas de décisions sur l'Ukraine sans l'Ukraine, pas de décisions sur l'Europe sans l'Europe», car «si nous sommes exclus des négociations concernant notre propre avenir, alors nous perdons tous».
Selon lui, le président russe «ne peut pas offrir de réelle garanties de sécurité, pas seulement parce que c'est un menteur, mais parce que le pouvoir russe dans son état actuel a besoin de la guerre pour se maintenir». Face au risque d'être marginalisés, «je vous exhorte à agir, pour votre propre bien», a lancé le président ukrainien. «L'Amérique n'offrira pas de garanties (de sécurité) à moins que les propres garanties de l'Europe ne soient solides», a-t-il ajouté.
Les chefs de la diplomatie française, allemande, polonaise, italienne, espagnole, britannique et ukrainienne se sont réunis mercredi à Paris. Ils ont alors appris avec sidération que Donald Trump s'est entretenu une heure et demie avec Vladimir Poutine. Les ministres ont alors affirmé à l'unisson qu'il n'y aurait pas de décision sur l'Ukraine sans Kiev ni sans eux, mais les Européens peinent à faire entendre leur voix.