Alors que les langues se délient et que les témoignages se multiplient sur les circonstances dans lesquelles Bachar Al Assad a fui la Syrie suite à la chute de Damas aux mains des insurgés, le président déchu est sorti pour la première fois du silence qu’il s’est imposé depuis sa fuite.
Dans un communiqué diffusé en arabe et en anglais sur la page Facebook de la Présidence syrienne daté du 16 décembre, et qui a été aussitôt relayé par plusieurs médias internationaux, le dictateur syrien a tenu à donner sa version des circonstances dans lesquelles il a été exfiltré vers Moscou.
A travers ce communiqué, il s’est surtout évertué à donner de lui l’image du leader courageux qui a tenté de résister jusqu’au bout aux assauts de ceux qu’il appelle « les terroristes » en parlant des activistes armés qui ont mis fin à plus d’un demi-siècle de règne de la dynastie Al Assad. «Avec l’extension du terrorisme en Syrie et son arrivée à Damas le samedi 7 décembre 2024, les questions ont commencé à fuser sur le devenir du Président et l’endroit où il se trouvait, au milieu d’un flot de désinformations et de récits loin de la vérité, visant à présenter le terrorisme international comme une révolution pour la libération de la Syrie» peut-on lire dans ce communiqué.
C’est donc en homme touché dans son amour-propre que le désormais ex-maître de Damas s’exprime, blessé qu’il est par ce qu’il considère comme des « supputations » le présentant comme un Raïs fuyard qui a abandonné son peuple à son sort sans se battre, en laissant tomber au passage ses collaborateurs les plus proches et même des membres de son clan, à l’instar de son frère Maher qui a dû gagner l’Irak par ses propres moyens selon Reuters et n’était pas en tout cas dans l’avion qui a «sauvé» le dictateur.
« Mon évacuation a eu lieu un jour après la chute de Damas »
D’emblée, Bachar al Assad a tenu à s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussé à observer le silence tout au long de ces dix jours qui ont succédé à son éviction : « Dans un moment aussi critique de l’histoire de la nation, où la vérité doit être la priorité, il est important de répondre à ces supputations. Malheureusement, les circonstances qui prévalent à l’heure actuelle, imposant un total black-out sur le plan de la communication pour des raisons de sécurité, ont retardé la publication de cette déclaration. Ceci ne remplace pas un compte-rendu détaillé des évènements qui se sont déroulés, et qui sera délivré lorsque les conditions le permettront » a-t-il indiqué.
Al Assad s’est appliqué ensuite à livrer sa version des dernières heures qui ont précédé son embarquement en catastrophe pour Moscou. « Tout d’abord, mon départ de Syrie n’a pas été planifié et n’a pas eu lieu dans les dernières heures des combats, comme certains l’ont prétendu » insiste-t-il, avant de préciser : « Au contraire, je suis resté à Damas, accomplissant mes tâches jusqu’aux premières heures du dimanche 8 décembre 2024 ». «Comme les terroristes infiltraient Damas, je me suis rendu à Lattaquié en coordination avec nos alliés Russes pour superviser les opérations de combat. En arrivant à la base aérienne de Hmeimim ce matin-là, il est apparu que les forces terrestres s’étaient complètement retirées de toutes les lignes de front et que la dernière position armée était tombée.
La situation sur le terrain continuait à se détériorer. La base militaire russe elle-même subissait des attaques intenses de drones. Sans moyen viable de quitter la base, Moscou a demandé au commandement de la base d’organiser une évacuation immédiate vers la Russie dans la soirée du dimanche 8 décembre.
Cette évacuation a eu lieu un jour après la chute de Damas, suite à l’effondrement des dernières positions militaires et à la paralysie de toutes les institutions étatiques restantes qui en a résulté » détaille le communiqué d’Al Assad. Et l’ex-président de souligner : « A aucun moment au cours de ces événements, je n’ai envisagé de me retirer pour chercher un refuge, et aucune proposition de ce type n’a été faite par un individu ou une quelconque partie. La seule solution était de continuer à lutter contre l’assaut terroriste ».
« Je n’ai jamais cherché à occuper un poste…»
Dans son «storytelling», l’autocrate de 59 ans a essayé ensuite de jouer sur l’émotion, s’attachant à se présenter comme un Président proche de son peuple, partageant son destin, et qui se sera battu jusqu’au bout pour sauver «sa» Syrie. «L’homme qui, dès le premier jour de la guerre, a refusé de troquer le salut de sa nation contre des gains personnels ou de trahir son peuple en échange de nombreuses offres et d’arrangements divers, est la même personne qui est restée aux côtés des officiers et des soldats de l’armée sur les lignes de front, à quelques mètres des terroristes sur les champs de bataille les plus dangereux et les plus intenses.
C’est la même personne qui, pendant les années sombres de la guerre, n’est pas partie mais est restée avec sa famille, aux côtés de son peuple, affrontant le terrorisme sous les bombes et les menaces récurrentes après les incursions terroristes dans la capitale pendant quatorze ans de guerre.
Cette personne qui n’a jamais abandonné la résistance en Palestine et au Liban, et qui n’a pas trahi les alliés qui l’ont soutenue, ne peut pas être la même personne qui laisserait tomber son peuple ou qui trahirait l’armée et la nation auxquelles elle appartient » martèle-t-il. « Je n’ai jamais cherché à occuper un poste en vue d’un profit personnel, renchérit-il, mais je me suis toujours considéré comme porteur d’un projet national, soutenu par la foi du peuple syrien qui croyait en sa vision. J’avais une conviction inébranlable quant à sa volonté et à sa capacité à protéger son territoire, à défendre ses institutions et ses choix jusqu’au dernier moment ».
Al Assad chute en s’avouant complètement désemparé, maintenant qu’il était lâché par tout le monde : « Mais avec la chute de l’Etat aux mains du terrorisme, et la perte de la capacité d’apporter une contribution significative, tout poste de responsabilité devient sans objet, rendant son occupation dénuée de sens » argue-t-il. « Cela ne diminue en aucune manière mon profond sentiment d’appartenance à la Syrie et à son peuple - un lien qui ne peut être cassé par aucune position ou circonstance.
Une appartenance remplie de l’espoir que la Syrie puisse redevenir libre et indépendante » conclut le message de l’exilé Bachar al Assad. Mustapha Benfodil