Le dernier round de tensions entre Paris et Alger est engagé. Après le refus par Alger d'une liste de 60 ressortissants que la France souhaite expulser, l’Exécutif français multiplie les déclarations et les surenchères. Lundi, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, évoquait une «riposte graduée» contre l’Algérie. «Je regrette que l’Algérie refuse d’appliquer le droit international», a-t-il réagi sur X, précisant sur France Inter : «La réponse de l’Algérie, nous l’attendions.
Cela signifie qu’Alger ne respecte pas l’accord de 1994.» Mardi, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, enfonçait le clou en annonçant le possible rappel de l’ambassadeur français en Algérie. «Il n’y a plus d’ambassadeur d’Algérie en France depuis plusieurs mois, mais nous avons toujours un ambassadeur à Alger. Il faut le rappeler, me semble-t-il», a-t-il soutenu.
Plus tard dans la journée, le Premier ministre français, François Bayrou, déclarait que «l'annulation de l'accord de 2007 avec l'Algérie, qui exempte les détenteurs de passeports diplomatiques de visa, est sur la table. Nous devons traiter l'Algérie avec fermeté, mais sans fermer la porte au dialogue et à la coopération avec elle». Face à ces menaces, Alger campe sur sa position et refuse toute injonction.
Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères a rejeté «catégoriquement» les «menaces et velléités d'intimidation» françaises. Selon Alger, la procédure suivie par Paris est irrégulière et ne respecte pas l’accord de 1994 régissant les expulsions entre les deux pays.
Pour rappel, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Lounès Magramane, a convoqué lundi le chargé d’affaires de l’ambassade de France en Algérie pour discuter de la liste transmise par Paris le 14 mars. L’Algérie a remis une note verbale réaffirmant son rejet catégorique des «injonctions, ultimatums et tout langage comminatoire». Alger rappelle que toute demande d’expulsion doit suivre le circuit préfectoral et consulaire habituel et insiste sur l'importance du respect des droits des personnes concernées.
La question des expulsions d'étrangers en situation irrégulière est devenue un véritable enjeu politique en France, alimenté par la droite et l'extrême droite. Marine Le Pen a estimé sur X que «l’heure n’est plus aux déclarations d’intention», appelant le gouvernement français à agir sans délai.
Elle demande notamment le gel des visas et des transferts de fonds privés, la fin de l’aide publique au développement, ainsi que des accords de 1968. Fin février, François Bayrou avait menacé de dénoncer ces accords de 1968 – censés accorder un statut particulier aux Algériens en matière de circulation, de séjour et d’emploi – si l’Algérie ne reprenait pas ses ressortissants sous six semaines.
Dans une interview au Parisien, Bruno Retailleau avait même menacé de quitter le gouvernement si Paris renonçait à ce bras de fer.
De son côté, Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et diplomate, a commenté la situation en affirmant que «l'Algérie ne se soumettra pas à la France et la crise se poursuivra jusqu’en 2027».
Selon lui, la France ne dispose d’aucun levier de pression efficace sur l’Algérie, qui bénéficie désormais d’une autosuffisance économique et financière. M. Rahabi souligne que la question migratoire a été politisée par Paris et instrumentalisée à des fins électorales. Amel Blidi