Portrait d’une famille palestinienne déchirée : «Mes enfants sont sous les décombres»

28/12/2023 mis à jour: 06:06
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Photo : D. R.

Alors que Hanan et Mazen Rakik, deux habitants de Ghaza et parents de cinq enfants, se trouvaient en Cisjordanie pour soigner le fils aîné, un bombardement a tué leurs quatre enfants laissés chez leur tante maternelle à Tell Al Hawa. Une histoire bouleversante semblable à celle de milliers de foyers palestiniens dévastés.

C’est une histoire déchirante comme il y en a tant dans l’enfer de Ghaza depuis le début de la campagne militaire sioniste contre l’enclave assiégée. Celle d’une famille dont la vie bascule dans l’horreur après s’être vu atrocement amputée de la chair de sa chair.

Hanan et Mazen Fayez Rakik habitent à Ghaza. Ils sont parents de cinq enfants, trois filles et deux garçons : Nourane, Malka, Tala, Fadi et Awad. Alors qu’ils se trouvaient en Cisjordanie, au chevet du fils aîné, Fadi, 29 ans, tétraplégique, et qui est hospitalisé dans un établissement à l’autre bout de la Palestine éclatée, ils perdent tous leurs autres enfants qu’ils avaient confiés à leur tante maternelle, dans un bombardement. Nourane, Malka, Tala et Awad.

Morts tous les quatre, sur le coup, fauchés à la fleur de l’âge, de même que leur tante, son mari et d’autres membres de la famille. Cela s’est passé le 19 décembre dernier, à Tell Al Hawa, au sud de la ville de Ghaza. Cette histoire bouleversante, nous l’avons découverte sur Al Jazeera. Le sujet a été diffusé le 25 décembre dernier.

On peut le consulter aussi sur aljazeera.net. Dans le témoignage filmé diffusé par la chaîne qatarie apparaissent le papa et la maman endeuillés au chevet de leur dernier enfant, Fadi, allongé sur un lit d’hôpital, incapable de bouger. Il est comme absent.

Hanan, elle, a les yeux rougis par les larmes. Elle est encore sonnée, hagarde, incrédule. Son récit, saccadé, est ponctué de sanglots. Elle répète inlassablement «Weladi istach’hadou» (mes enfants sont tombés en martyrs).

Hanan et Mazen n’avaient pas vu leurs gosses depuis huit mois, depuis exactement «le 30 avril» précise la maman. Leur fils Fadi a été victime d’un accident de travail à Ghaza. La gravité de sa blessure a nécessité son transfert à l’un des hôpitaux de la Cisjordanie occupée où il va être soigné dans un premier temps dans un hôpital israélien.

Après le déclenchement de l’offensive sioniste contre Ghaza, Fadi est chassé de l’hôpital israélien. Il poursuit dès lors ses soins dans un hôpital palestinien, toujours en Cisjordanie.

Là, les médecins découvrent avec effroi que le jeune homme a été victime de «plusieurs erreurs médicales» dans l’hôpital israélien. Et c’est à cause de cela qu’il est devenu tétraplégique. Son état nécessite plusieurs interventions chirurgicales.

«Ma fille est enterrée dans le jardin»

Désemparés, les parents devaient se démener pour prodiguer les soins nécessaires à leur fils. Ils devaient se saigner aux quatre veines pour supporter leurs frais de subsistance loin de chez eux, surtout que leur séjour en Cisjordanie ne faisait que s’étirer.

Et depuis le début de la guerre punitive d’Israël contre la population de Ghaza, ils se tenaient le ventre tous les jours en se demandant comment leurs quatre enfants allaient s’en sortir au milieu de cette folie meurtrière. Les derniers jours avant la tragédie, «il n’y avait pas de communication avec Ghaza», témoigne la maman. «Nous n’avions plus de nouvelles des enfants depuis deux semaines. Ils étaient chez ma sœur pendant notre absence.

Je consultais sans cesse les réseaux sociaux pour essayer d’avoir des nouvelles et d’obtenir la moindre information. En vain !» Dans la foulée, elle précise : «Ils ont dû changer neuf fois de maison à la recherche d’un abri.» De guerre lasse, sa sœur «est revenue dans son domicile à Tell Al Hawa où elle est tombée en martyre avec les enfants».

«J’avais un mauvais pressentiment», insiste-t-elle. «Mon cœur me disait que quelque chose s’est produit». «Ils ont été bombardés par un F-16 juste après la prière d’Al Maghrib», affirme la mère dévastée. Hanan Rakik poursuit : «A présent, mes enfants sont sous les décombres.

Nul n’a pu les retirer. Seul un fils de ma sœur a survécu, et il m’a dit qu’il n’y avait que le corps de ma fille Malka qui a été retrouvé. Il l’a drapée d’un linceul et l’a enterrée dans le jardin de la maison.»

Mazen fait défiler sur son smartphone des photos de ses enfants disparus. Apparaissent furtivement les images de deux de ses filles, ravissantes et pleines de vie. La voix étranglée par l’émotion, le père affligé a un mot tendre pour chacun de ses enfants, comme pour signifier qu’ils n’étaient pas une statistique, des chiffres froids à ajouter au bilan quotidien des morts et des blessés.

Ils étaient de chair et de sang, ils avaient une vie, des rêves, des projets, des ambitions… «Ma fille Malka a terminé ses études de biologie. Elle était spécialisée en biologie cellulaire du cancer. Elle était adorée de tout le monde. Elle avait ouvert un restaurant qui faisait vivre 15 familles.

Durant le Ramadhan, elle distribuait des dattes et des biscuits, et elle venait en aide financièrement à des familles nécessiteuses. Ma fille Nourane, elle, était ingénieure.

Elle était fiancée et ses noces étaient prévues après l’Aïd. Elle était pieuse et bienveillante, et avait appris le Coran comme tous mes enfants. Mon fils Awad, lui, devait passer son bac cette année. Il me disait : ‘‘Papa je veux que tu sois fier de moi.

Je serai parmi les dix premiers. Après le bac, tu vas me trouver une fiancée. Et le voici parti en martyr. Quant à la benjamine, ‘‘c’est ma fille Tala. Elle avait 13 ans. Elle était très gentille. Elle ne m’a jamais contrarié.» Et le père éploré de lancer : «Nos enfants n’avaient pas de roquettes. Nous remettons notre sort à Dieu.» 

 

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