Plus de 26 000 morts à Ghaza après 112 jours de tueries : «La situation est au-delà des mots»

27/01/2024 mis à jour: 18:00
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Au 112e jour de la campagne punitive israélienne contre la population de Ghaza, et tandis que la Cour internationale de justice statuait sur la plainte sud-africaine contre Israël pour «génocide», l’effroyable machine de guerre de Benyamin Netanyahu a commis de nouvelles boucheries qui ne font que conforter les accusations portées contre l’occupant sioniste. Dix-neuf massacres ont été perpétrés par l’armée israélienne en vingt-quatre heures, entre jeudi et vendredi, a indiqué hier le ministère de la Santé dans la Bande de Ghaza. Ces nouvelles tueries ont fait au moins 183 morts et 377 blessés, précise la même source. Ce cortège de victimes porte à 26 083 morts et 64 487 blessés le bilan de la guerre contre Ghaza. 

Comme tous les vendredis, hier, les soldats sionistes ont réprimé violemment les habitants d’Al Qods qui se rendaient à la mosquée Al Aqsa pour la prière d’Al Joumouâa. Selon l’agence Wafa, seuls 12 000 fidèles ont pu accéder au troisième lieu saint de l’islam pour accomplir l’office religieux. «Les forces d’occupation israéliennes poursuivent, pour le quatrième mois de suite, le siège de la mosquée Al Aqsa et la vieille ville d’Al Qods, empêchant les fidèles d’y prier», écrit l’agence Wafa. Les troupes de l’occupant ont utilisé des gaz lacrymogènes au niveau de Haï Wadi Al Jouz, dans Jérusalem occupée, pour obliger les Palestiniens à rebrousser chemin. 
 

Une marée humaine fuyant Khan Younès

Hier, des milliers d’habitants et de déplacés massés au sud de la Bande de Ghaza tentaient de fuir la ville de Khan Younès qui est devenue le théâtre d’exactions massives et «l’épicentre de la guerre», selon une formule de l’AFP. «A Rafah, quelques kilomètres plus au sud, des dizaines de milliers de déplacés s’entassent dans des conditions désespérées, massés dans un périmètre très réduit contre la frontière fermée avec l’Egypte», relève l’agence de presse française. 

«Une marée humaine est forcée de fuir Khan Younès pour se retrouver à la frontière avec l’Egypte», s’est ému jeudi soir le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, cité par l’AFP. Des flux toujours plus importants de déplacés hagards, sans défense, engagés dans une quête «sans fin de sécurité», compatit Lazzarini. 

Parmi les dernières atrocités de l’armée israélienne dans l’enclave palestinienne, les frappes aveugles qui s’en sont pris gratuitement à de pauvres civils dont le seul «tort» est qu’ils attendaient la réception de l’aide humanitaire à la sortie de la ville de Ghaza, ce jeudi, en se tordant de faim. «L’occupant commet un nouveau massacre contre des milliers de bouches affamées qui attendaient de l’aide humanitaire à Ghaza en provenance de Rafah», assène Ashraf Al Qudra, porte-parole du ministère de la Santé de Ghaza. «Ce massacre a entraîné la mort de 20 Palestiniens et la blessure de 150 autres», a affirmé Ashraf Al Qudra. Le nombre de victimes, estime-t-il, «est susceptible d’augmenter en raison des dizaines de blessés graves».

«Les gens allaient chercher de la nourriture et de la farine, puisqu’ils n’avaient rien à manger. Et tout à coup, des chars sont arrivés et ont commencé à tirer sur eux. Certains ont été coupés en morceaux», fulmine un proche d’un blessé d’après un témoignage recueilli par l’AFP. «Sur la route qui longe la mer, des habitants fuyant Khan Younès tentaient jeudi de gagner Rafah, plus au sud, leurs bagages empilés sur le toit des voitures, à bord d’un tracteur ou dans une carriole tirée par un âne», décrit l’agence française. «Je ne sais pas où je vais. Je n’ai rien pris, pas de couvertures, pas de tente, rien du tout», frémit un déplacé. 
 

Un refuge de l’UNRWA ciblé, Paris s’indigne

Les crimes compilés par l’Etat hébreu ne se comptent plus. Mercredi, des chars israéliens ont ciblé un abri de l’Unrwa à Khan Younès, où se sont entassés des milliers de déplacés. Les tirs de tanks ont fait 13 morts et 56 blessés, dont 21 dans un état critique, selon l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. Thomas White, directeur de l’Unrwa à Ghaza, a fait savoir que «deux chars ont frappé un bâtiment qui abrite 800 personnes».

 «Le centre a été touché par deux obus et a pris feu», a ajouté M. White, d’après le site d’information des Nations unies. Le coordinateur humanitaire a condamné «le non-respect constant des principes fondamentaux du droit humanitaire international : distinction, proportionnalité et précautions dans la conduite des attaques». Réagissant à cet attentat, le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, a dénoncé une «violation flagrante» des règles de la guerre, précisant que les coordonnées de ce refuge avaient été «partagées avec les autorités israéliennes». 

Cette boucherie a soulevé l’indignation de Paris et même de Washington, alors que ce n’est pas la première fois qu’Israël pilonne des structures de l’Unrwa, tuant plus de 150 de ses employés dans la Bande de Ghaza. «Les sites des Nations unies et les personnels humanitaires, dont le travail est indispensable aux populations civiles de Ghaza, doivent absolument être protégés», a souligné le Quai d'Orsay. «Nous déplorons l’attaque perpétrée contre le centre de formation des Nations unies à Khan Younès», a déclaré de son côté le porte-parole adjoint du Département d'Etat, Vedant Patel, selon des propos rapportés par l’AFP. M. Vetel a qualifié cet assaut de «terriblement préoccupant». 

«Vous m’avez déjà entendu le dire, vous avez déjà entendu le secrétaire d’Etat (Antony Blinken) le dire : les civils doivent être protégés et la fonction protectrice des installations de l’ONU doit être respectée», a martelé le représentant du Département d'Etat. La porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison- Blanche, Adrienne Watson, a également réagi en disant : «Nous sommes sérieusement préoccupés par les informations de frappes ayant visé un bâtiment de l’Unrwa.» 

La cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock s’est dite à son tour «extrêmement préoccupée par la situation désespérée» des civils à Khan Younès, avant d’appeler à un cessez-le-feu humanitaire. «Israël doit de toute urgence augmenter l’aide humanitaire à Ghaza et adapter la conduite de ses opérations», a plaidé Mme Baerbock. 
 

L’émotion du directeur de l’OMS

Alors que les raids meurtriers israéliens continuent à s’abattre sauvagement et de façon indiscriminée sur Ghaza, l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis ont repris leur action de médiation en vue d’une nouvelle trêve. Selon une information du Washington Post et du site d’information américain Axios, le chef de la CIA, William Burns, va se rendre dans les prochains jours en Europe pour s’entretenir dans ce sens avec le chef des services de renseignement égyptiens Abbas Kamel, celui du Mossad David Barnea, ainsi que le Premier ministre du Qatar Mohammed Ben Abdelrahmane Al Thani. 

Le site Axios rapportait par ailleurs, il y a quelques jours, qu’Israël «a soumis au Hamas une proposition, par l’intermédiaire de médiateurs qataris et égyptiens, qui comprend jusqu’à deux mois de pause dans les combats, dans le cadre d’un accord en plusieurs phases en vue de la libération de tous les otages restants, détenus à Ghaza». 

En attendant l’issue de ce nouveau round de tractations, Hamas a diffusé, hier via le réseau Telegram, une vidéo de trois otages israéliennes, dont deux militaires. «Les trois femmes ont été formellement identifiées par l’AFP, sur la base de sources officielles ou communautaires, comme étant retenues comme otages depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre sur Israël», précise une dépêche de l’agence d’information française.

De leur côté, les agences humanitaires intensifient leurs appels à un cessez-le-feu durable. C’est encore le cas du directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui a insisté une nouvelle fois sur l’urgence d’un arrêt des frappes sur Ghaza. Au cours d’une session du Conseil exécutif de l’OMS à Genève, Dr Ghebreyesus a été submergé par l’émotion en tentant d’attirer l’attention sur l’ampleur de la dévastation dans l’enclave palestinienne pilonnée sans relâche depuis 112 jours. 

Une vidéo devenue virale sur le réseau social «X» le montre tétanisé devant son microphone, incapable de prononcer un mot. Retenant difficilement ses larmes, il articule à peine quelques phrases. Il bredouille d’une voix tremblante : «I’m struggling to speak because... Because the situation is beyond words…» («J’ai du mal à parler parce que… Parce que la situation est au-delà des mots…»). 

Un peu plus tard, il poste ce message sur X : «Un cessez-le-feu à Ghaza aurait dû avoir lieu depuis longtemps.» Il ajoute : «La solution existe. Seule la volonté est nécessaire. Choisissons la paix.»
 

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