Au lendemain de la «chute» de Damas et de la fuite de Bachar Al Assad, plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne, le Danemark, la Belgique, la Norvège, la Suède et la Grèce, ont annoncé, en cascade, la suspension de l’examen de demandes d’asile, émanant de Syriens. Le Royaume-Uni et la Suisse les ont immédiatement suivis. L’Autriche est allée jusqu’à annoncer qu’elle préparait un programme de rapatriement et d’expulsion de réfugiés syriens !
Le Commissaire européen à l’immigration de nationalité autrichienne a suggéré que les pays de l’Union européenne s’engagent dans des programmes de retours volontaires des exilés vers leur pays d’origine, quitte à recourir à des incitations financières !
La nouvelle du gel de l’examen de demandes d’asile, est d’autant plus incompréhensible qu’elle est choquante. Pourquoi prendre une telle mesure qui concerne à peine un peu plus de 100 000 demandes, réparties à travers plusieurs pays du Vieux Continent et surtout, pourquoi maintenant ? Une décision inopportune pour le moins, alors que tout le monde, surtout au sein de la diaspora syrienne vivant à l’étranger, s’attendait à ce que l’Europe fasse preuve de plus mansuétude, appelle à la réconciliation des Syriens et contribue à l’apaisement général, sur la base du respect des droits de l’homme et du droit international.
Mais certainement pas à une mesure pareille, d’autant que l’intégrité du pays est aujourd’hui fortement menacée par la présence militaire étrangère, turque, américaine, iranienne et israélienne sur le sol syrien, et par l’occupation d’une partie du territoire, à savoir le Golan, annexé depuis 1981 par Tel-Aviv. Et à propos duquel, le Premier ministre sioniste, Benyamin Netanyahu, a dit faisant désormais partie intégrante de l’entité sioniste et qu’il était exclu d’envisager sa restitution.
La décision des Européens ne fait que plonger davantage la Syrie dans l’incertitude et l’inconnu. Depuis 2011, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) a enregistré près de 800 000 Syriens accueillis en Allemagne, 200 000 en Suède, 95 000 en Autriche, et 45 000 en France.
Alors que la Turquie, à elle seule, en a accueilli plus de 3 millions, le Liban aux potentialités limitées plus de 700 000, soit plus que tous les pays européens réunis, à l’exception de l’Allemagne ! La Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et l’Egypte ont donc accordé l’asile à près de 5 millions de personnes, sur les 6 millions comptabilisés par le HCR.
Comment alors expliquer la réticence européenne à l’égard des demandeurs d’asile syriens ? Si ce n’est, a priori, par la crainte d’une montée par les urnes, de l’extrême droite dans les pays respectifs. Des forces d’extrême droite qui n’hésitent pas à exploiter, à des fins électoralistes, l’immigration en provenance, en grande partie, de Syrie.
Laquelle immigration est accusée d’être à l’origine de difficultés économiques, des problèmes d’insécurité et d’un risque de regain du terrorisme, partout en Europe. Mais le comble de la perfidie ne s’arrête pas là. En effet, doit-on rappeler que pas plus loin que l’été dernier, une dizaine de pays européens ont plaidé en faveur du régime de Bachar Al Assad, devenu à leurs yeux subitement fréquentable !
C’est le retour vers leur pays d’origine, de Syriens réfugiés au Liban fuyant les bombardements israéliens, qui semble avoir suggéré à ces capitales du Vieux Continent que le moment était venu pour tous les autres Syriens accueillis en Europe de faire de même, c’est-à-dire de retourner au «Balad Sham».
Comble de l’hypocrisie, ils se sont dits, d’ailleurs, prêts à coopérer avec le régime de Bachar Al Assad, afin de créer les conditions d’un «retour, sûr, volontaire et digne», des réfugiés syriens. On a du mal à imaginer quelles pourraient être les conséquences sur l’avenir de la Syrie, si le retour de ces millions d’exilés devait se faire sans une stabilisation politique de la situation intérieure et un rééquilibre des rapports qu’elle aura avec les pays voisins.
Pour l’instant, la communauté internationale ne semble pas avoir pris cela en considération, à la grande satisfaction d’Israël qui reste plus que jamais le parfait exécutant de ce remodelage du Moyen-Orient, cher aux Etats-Unis.