Cette semaine, à l’issue d’une enquête de commodo et incommodo et après les avis techniques rendus par les directions de l’exécutif de wilaya, l’APW d’Aïn Témouchent a adopté un plan de protection et de mise en valeur (PPMVSA) du mausolée dit de Syphax.
Ainsi, ses dispositions constituent désormais un outil juridique opposable au tiers. Il devra par la suite être conforté par un arrêté du ministère de la Culture, ce qui permettra au site de bénéficier de l’inscription d’une opération en vue de concrétiser les aménagements projetés dessus par le PPMVSA.
Pour rappel, ce monument date de la période de l’antique Massaesylie, soit le royaume de Syphax qui s’étendait jusqu’à Constantine à l’Est et qui, à l’Ouest, avait pour frontière naturelle l’oued Melwiya. Pour l’anecdote, cela rappelle qu’Oujda était incluse dans le territoire numide et ne relevait pas alors de la Maurétanie occidentale, l’actuel Maroc. Siga, la capitale de l’aguelid Syphax, est située en bordure de l’embouchure de la Tafna, à Rachgoun. Ses vestiges ont fait l’objet, eux aussi, d’un PPMVSA en mars 2024.
De la sorte, il y est préconisé des travaux d’urgence, tels des coulis de chaux pour l’étanchement des structures, la consolidation et la dévégétalisation ainsi que le désherbage, le nettoyage et le repérage des vestiges apparents. Concernant la mise en valeur proprement dite, elle doit se traduire par un bornage du périmètre et la protection du site après analyse des données archéologiques, historiques, architecturales, techniques, sociologiques et économiques. Koudid Abdelali, le directeur de wilaya de la culture, a déclaré que «l’objectif ultime est de faire de ce site un pôle économique patrimonial grâce à l’injection de structures de base dont le traçage d’un circuit de visite à l’intérieur du site et d’en faire une destination touristique». L’autre aspect essentiel, a-t-il ajouté, est de susciter l’intérêt des archéologues et d’impulser des travaux de fouilles. Cela par contre ne sera pas aisé : le chantier qu’auront à entreprendre les archéologues sera de longue haleine sachant que sur le même site, quatre villes anciennes se superposent.
La première remonte aux IIIe et IVe siècles avant l’ère chrétienne, puis c’est au tour de Siga, suivie de la ville romaine et, enfin, une cité médiévale dont la prospérité a été vantée aux Xeᵉet XIe siècles de notre ère. La décadence de cette cité serait intervenue cinq siècles plus tard, suite à la Reconquista espagnole sur la rive sud de la Méditerranée d’où étaient montés en pays ibère les «conquistadores musulmans».
Pour ce qui est du mausolée royal de Syphax, localement désigné par Karkar Laâraïss, il est situé à 12 km de Béni Saf, à 221 m d’altitude sur le mont Skhouna. Inscrit depuis 2002 sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco et classé patrimoine national en mai 2016, ce monument dynastique trône sur un belvédère avec vue sur Siga, elle, étalée en contrebas sur le versant est de la Tafna. Mais Syphax n’y fut pas enterré puisqu’il est mort en captivité à Rome, en 203 avant J.-C., au terme de la 2e guerre punique ayant mis aux prises Romains, Carthaginois et Numides. Après la chute de son fils Vermina qui lui avait succédé et l’extinction de la Massaessylie, le tombeau est aussitôt victime de destruction de la part de son ennemi de toujours Bocchus, aguellid de la Maurétanie occidentale.
Pour les historiens, ce qui n’est aujourd’hui qu’un tumulus constitue malgré tout l’un des plus importants monuments de l’histoire antique de l’Afrique du Nord, à l’instar d’Imedrassen (Batna), des mausolées du Khroub, de Maurétanie (Tipasa), de Dougga (Tunisie) et de Sabratha (Libye). Il est composé de deux parties distinctes, une structure aérienne en pierre de taille et un souterrain formant une galerie étalée sur 45 m, laquelle aligne une succession de dix chambres constituant des caveaux funéraires. Si ce qui reste de la structure aérienne s’élève à 5 m du sol, sa hauteur initiale atteignait 17 à 18 m, avec une tour qui la coiffait.