Passion africaine

23/01/2024 mis à jour: 11:15
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L’Afrique se montre au monde dans ses beaux et prometteurs atours à l’occasion de la CAN-2024.   Spectacle haut en couleur dans les gradins des stades et leurs alentours, convivialité spontanée et festive dans les rues, passions et performances sportives de haut niveau sur les terrains… 

Les belles images qui parviennent de la Côte d’Ivoire depuis le début de la plus prestigieuse compétition continentale réussissent même l’exploit de faire oublier que l’Afrique est un vaste territoire miné de manière endémique par la pauvreté et les impasses politiques nationales, et livré historiquement aux travers économiques et géopolitiques d’un système mondial inégalitaire et peu enclin à s’amender. 

Il y a d’abord cette jeunesse qui, débordante d’énergie, reprend ses droits le temps d’une édition et montre l’étendue de ses aspirations à se réaliser et arrimer ses ambitions au pouls compétitif du monde. Tout le culte réservé aux stars du foot en Afrique provient sans doute de ce besoin d’identification avec le succès et à l’abolition des frontières qui empêchent d’y accéder. 

Derrière ces instantanées de tribunes chamarrés, parées pour l’événement à des standards mondiaux, et ce bonheur contagieux d’un public aux prestations aussi attractives que celles des joueurs sur la pelouse, se profile en creux un envers du décor beaucoup moins serein et fait, entre autres, de récits d’errance migratoire trop souvent tragiques vers le Nord. La compétition est l’occasion de venir applaudir une «diaspora» sportive qui sert de modèle dynamique à une jeunesse confrontée, encore et encore, à l’obstruction de ses horizons.      
 

Réservoirs reconnus de talents, les terrains vagues des faubourgs poussiéreux du continent continuent à voir pousser des rêves de gloire calqués sur ceux qui ont vu des gamins anonymes taper dans le ballon pieds nus et finir par tutoyer des sacres sportifs prestigieux en Europe. 

On vient donc célébrer ces success stories inspirantes et le récit abouti des possibles, d’autant que la plupart des stars accomplies majorent leur aura par des contributions substantielles à l’épanouissement des jeunesses de leurs pays respectifs (financements complets d’infrastructures sociales et  sportives, investissements économiques…). Les réseaux sociaux et les médias africains font la chronique, régulièrement et avec fierté, des nombreuses participations du prodige Sadio Mané par exemple, à l’essor social de son village d’origine dans le sud du Sénégal. 

A côté de son statut de sportif d’exception, le discret Mané, qui a reçu le prix Socrates pour son engagement dans le caritatif et le social il y a deux ans,  en est aujourd’hui l’une des stars les plus adulée à travers le continent. Nulle part ailleurs au monde, à l’exception peut-être de l’Amérique latine, le footballeur n’est investi autant de la vocation sociale de s’impliquer dans l’amélioration de la vie des siens et faire la démonstration de son attachement à ses origines. L’attente est parfois poussée jusqu’au point de le voir investi des plus hautes missions politiques, comme cela a été le cas pour le seul Africain détenteur du Ballon d’or européen, autant dire mondial. 

Georges Weah, après un long engagement dans l’action sociale, a tenté la carrière politique pour être élu, en janvier 2018, président de la République du Liberia. Il vient tout juste de passer le témoin. 

Pour exceptionnelle et rare qu’elle soit, et indépendamment de son bilan, l’expérience Weah est sans doute à prendre comme un révélateur de l’ancrage de la religion football en Afrique et du rôle catalyseur de ses icônes, dans la jachère économique et politique qui continue à damner le continent.          
 

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