Nous sommes à fond sur l’Afrique.» La vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, l’a redit fort hier au Ghana, pays où elle a atterri y a deux jours et représentant la première étape d’un périple africain qui la mènera également en Zambie et en Tanzanie.
La formule est de Joe Biden, dont l’administration tente de rattraper le terrain perdu sur le continent face aux puissances rivales, comme conséquence du désintérêt de son prédécesseur à la Maison-Blanche. Donald Trump ne croyait pas, et ne voulait pas croire, à l’enjeu stratégique que pouvait représenter le continent noir.
La Maison-Blanche a depuis opéré un profond paramétrage diplomatique d’autant que les événements se sont accélérés et ont imposé une recomposition de la carte géostratégique, après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
La tenue du sommet Etats-Unis-Afrique, en décembre dernier, marque un moment important dans ce nouveau plan américain. Joe Biden y avait annoncé un engagement de son administration à financer un partenariat avec les pays africains à hauteur de 55 milliards de dollars, durant les trois prochaines années. Le tout est assorti de l’autre engagement, diplomatique cette fois, de militer pour une représentation plus décisive du continent au sein des instances de l’ONU.
Kamala Harris est depuis le sommet, la cinquième haut fonctionnaire de la Maison-Blanche à se rendre en Afrique pour plaider des relations plus fortes et préférentielles auprès des dirigeants africains. Joe Biden est attendu, lui, dans le courant de l’année.
Les Etats-Unis sortent, on le voit, le grand jeu. Hier, à Accra, la capitale ghanéenne, la vice-Présidente a rencontré des entrepreneurs locaux pour vanter le potentiel africain et promettre le soutien de son pays. «Les idées et innovations africaines façonneront l’avenir du monde, et donc nous devons investir dans l’ingéniosité et la créativité africaines, qui déboucheront sur une croissance économique et des opportunités incroyables», s’est-elle enthousiasmée, le sourire triomphant. Ça change, c’est vrai, de l’austérité «lavrovienne».
A son arrivée dans le pays, avant-hier, Kamala Harris a annoncé 139 millions de dollars d’aide au Ghana, pris dans le piège serré d’une crise économique qui le contraint à solliciter le FMI (29,2 milliards de dette extérieure). Quelques jours auparavant, le ministre ghanéen des Finances s’était envolé pour… Pékin, où il a sollicité une restructuration de la dette bilatérale et l’obtention d'assurances susceptibles d’appuyer ses demandes auprès du FMI. Un autre illustré de ce chassé-croisé auquel se livrent Américains et Chinois.
Deuxième étape du périple de Kamala Harris, la Zambie est à son tour confrontée à une situation similaire sur le plan économique. Là aussi, on se tourne vers la Chine pour voir comment alléger sa dette. Les Américains s’apprêtent à remédier à ce «monopole» chinois, selon plusieurs sources, le staff de Kamala Harris devrait ainsi proposer son aide sur le dossier au deux pays.
L’opération de charme envers le continent devrait conduire également Kamala Harris en Tanzanie dans ce périple qui se terminera le 2 avril prochain. Interrogée par la presse sur le lien éventuel de sa visite avec les enjeux de rivalité géostratégique avec la Chine, Mme Harris a bien entendu répondu que le seul objet de son déplacement est de concrétiser des objectifs de partenariats profitables aux pays concernés.
Le déploiement américain, qui prend comme leitmotivs la bonne gouvernance, la démocratie et le développement durable – des notions et concepts qui présument souligner la différence avec les logiciels «autoritaires» de la Chine et de la Russie –, suscite pour l’heure un intérêt mesuré dans le continent.
Il est clair que les Africains peuvent tirer avantage de la compétition, appelée à s’accentuer, entre les trois puissances, dans la mesure où leur voix est désormais convoitée, ainsi que leurs richesses (terres rares, entre autres), pour arbitrer des rapports de forces régionaux dans la recomposition géopolitique en cours. Rien ne les presse de choisir un camp.