L’ONU a mis en garde Israël contre «toute mesure qui vise à étendre son invasion» à la ville de Rafah, frontalière avec l’Egypte, qui abrite plus de deux millions de réfugiés palestiniens. «Les bombardements aveugles de zones densément peuplées peuvent constituer des crimes de guerre», a averti un responsable onusien. Cette escalade de la guerre contre Ghaza intervient au moment où le coordonateur des secours d’urgence à l’Onu, Martin Griffiths, saluait «les premiers signes» de ce qu’il a qualifié d’«avancée potentielle» dans les négociations pour un cessez-le-feu et la libération de tous les otages.
Alors que les Palestiniens entamaient hier le cinquième mois de la guerre menée par Israël contre la population de Ghaza, 123 martyrs ont été ajoutés à la liste des victimes, pour atteindre 21 708 morts et 67 147 blessés, et ce, après une nuit particulièrement terrifiante dans le sud de l’enclave, marquée par de violents bombardements, notamment à Khan Younès, mais surtout à Rafah, ville censée être sécurisée, selon les autorités israéliennes.
Densément peuplée et limitrophe de l’Egypte, Rafah était non seulement assiégée par de nombreux chars de l’armée d’occupation, mais surtout bombardée, faisant craindre le pire aux deux millions de réfugiés qui ont fuit les combats à Khan Younès et à Ghaza.
Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, s’est déclaré, hier, «particulièrement alarmé» par les informations selon lesquelles l’armée israélienne aurait l’intention «de se concentrer sur Rafah», après Ghaza, et a averti qu’une «telle action aggraverait de façon exponentielle ce qui est déjà un cauchemar humanitaire avec des conséquences incalculables», avant de réitérer «l’appel pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat et la libération inconditionnelle de tous les otages».
Avant lui, c’est le chef de l’Ocha (Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’Onu) qui a alerté sur d’éventuels «crimes de guerre» en cas «d’invasion» de Rafah.
En effet, lors d’une conférence de presse, tenue mardi en fin de journée à Genève, le porte-parole de l’Ocha, Jens Laerke, a mis en garde contre «toute mesure prise par Israël pour étendre son invasion de Ghaza à la ville de Rafah, dans le sud de l’enclave palestinienne, extrêmement surpeuplée» qui, selon lui, «pourrait conduire à des crimes de guerre qui doivent être évités à tout prix».
Sans prendre de gants, le responsable a prévenu : «Nous, en tant qu’Onu et Etats membres de l’Onu, pouvons en témoigner. Nous pouvons préciser ce que dit la loi… Selon le droit international humanitaire, les bombardements aveugles de zones densément peuplées peuvent constituer des crimes de guerre.»
Laerke a mis en garde contre une «augmentation» des frappes à Rafah, pendant que des milliers de civils fuyant les bombardements intenses à Khan Younès continuaient à y affluer.
«Pour être clair, l’intensification des hostilités à Rafah dans ce contexte pourrait entraîner des pertes de vies civiles à grande échelle et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter cela», a relevé le responsable onusien.
Cette alerte de l’ONU est intervenue après celle lancée par Mustapha Barghouti, du parti INP (Initiative nationale palestinienne). Selon lui, «toute opération militaire à Rafah, avec son espace limité et sa surpopulation avec plus de 1,5 million de Palestiniens déplacés par l’armée israélienne, conduirait à des massacres brutaux sans précédent dans l’histoire moderne».
En fait, il anticipait sur les conséquences des propos du ministre de la Défense israélien, Yoav Galant, qui présentait Rafah comme «prochaine cible» des opérations militaires israéliennes, et comme «dernier bastion du Hamas».
Prémices d’un cessez-le-feu sur fond d’intensification des raids
Durant la nuit de mardi à hier, les raids aériens sionistes ont ciblé un immeuble qui abrite des réfugiés, tuant une dizaine d’entre eux et blessant autant d’autres, majoritairement des femmes et des enfants.
Cette escalade de la guerre contre Ghaza intervient au moment où le coordonateur des secours d’urgence à l’Onu, Martin Griffiths, saluait «les premiers signes» de ce qu’il a qualifié d’«avancée potentielle» dans les négociations pour un cessez-le-feu et la libération de tous les otages.
Evoquant des «nouvelles potentiellement positives» sur les «efforts énormes» menés par l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis pour la paix à Ghaza, Griffiths a parlé d’une «possible longue période de pause (dans les combats) pour permettre aux otages et aux prisonniers palestiniens de sortir», précisant que «cette phase pourrait ensuite être suivie d’une autre période de calme, qui pourrait conduire à la fin de la guerre» entre le Hamas et Israël, a-t-il expliqué, lors d’un point de presse hier à Genève.
Ces négociations pour un cessez-le-feu humanitaire interviennent alors que l’Ocha faisait état d’«une grave pénurie de matériel chirurgical et de sutures», en soulignant qu’il ne reste «environ que quatre jours de carburant nécessaire pour alimenter les générateurs des hôpitaux».
Hier, l’agence onusienne a confirmé, dans un communiqué, le rejet par Israël de 22 demandes soumises au cours du mois dernier pour ouvrir les points de contrôle installés dans la «Vallée de Ghaza» afin d’acheminer l’aide humanitaire aux populations civiles de l’enclave.
Lui emboîtant le pas, le porte-parole de l’Onu, Stéphane Dujarric, a affirmé qu’Israël «continue d’empêcher» l’arrivée de la plupart de l’aide dans le nord de Ghaza, notant que «seules 10 sur 61 opérations humanitaires ont atteint le Nord le mois dernier».
Ainsi, après quatre mois de bombardements, «trois Ghazaouis sur quatre sont désormais déplacés. Plus de la moitié sont des enfants, et tous sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau, d’abris et de médicaments», ont déclaré les agences humanitaires de l’ONU, alors que l’Unrwa a averti que «les bombardements des écoles accueillant des personnes déplacées internes se poursuivaient».
L’Unrwa, dont plus de 120 de ses agents ont été tués par l’armée israélienne, a révélé «qu’au moins 282 incidents ont touché ses installations abritant des familles déplacées, faisant quelque 377 morts et 1365 blessés depuis le début des bombardements israéliens en réponse aux attaques du Hamas».
Depuis son invasion terrestre, l’armée d’occupation a divisé Ghaza en trois zones militaires, où elle a installé des points de contrôle par lesquels le passage, y compris l’entrée de l’aide humanitaire, n’est pas autorisé sans l’accord de l’entité sioniste.
Pour l’Onu, 2,2 millions de personnes risquent de mourir de faim dans cette enclave qui subit une guerre sans relâche depuis le 7 octobre dernier, qui a ciblé 84% des établissements de santé, selon l’Unrwa, qui a précisé que «seulement 22 restent opérationnels, dans un contexte d’attaques incessantes contre les travailleurs humanitaires par les forces armées israéliennes».
L’ONU avait averti que «depuis plus de deux semaines, de violents combats continuent d’être signalés près des hôpitaux Nasser et Al Amal à Khan Younès, mettant en danger la sécurité du personnel médical, des blessés et des malades, ainsi que celle des milliers de personnes déplacées internes cherchant refuge dans les deux hôpitaux».
C’est dire qu’un cessez-le-feu est plus que jamais nécessaire pour arrêter la machine de guerre, soulager les souffrances des Palestiniens et acheminer l’aide humanitaire nécessaire aux 2,5 millions de Palestiniens désormais déportés.
Une revendication non seulement du chef de l’ONU, Antonio Guterres, mais aussi des responsables des agences onusiennes, de nombreux pays, notamment l’Algérie, qui défend, depuis une semaine, auprès du Conseil de sécurité de l’Onu, un projet de résolution allant dans ce sens.
En attendant, l’armée d’occupation israélienne poursuit ses raids criminels y compris à Rafah, où s’entassent plus de 2 millions de réfugiés.