Nouvelle crise diplomatique entre l’Algérie et la France ? : Alger fustige la détention d’un agent consulaire

14/04/2025 mis à jour: 12:38
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Siège du ministère des Affaires étrangères

Les relations déjà compliquées entre l’Algérie et la France connaissent un nouvel accès de tension. Le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé, dans un communiqué publié samedi, une vive protestation suite à la mise en examen et au placement en détention provisoire d’un de ses agents consulaires en poste en France. 

Ce dernier est visé dans une affaire liée à l’activiste et youtubeur Amir Boukhors, alias «AmirDZ», dans le cadre d’une enquête judiciaire française pour un présumé enlèvement remontant à 2024. C’est lors d’une audience officielle au siège du ministère à Alger que le secrétaire général, Lounès Magramane, a convoqué l’ambassadeur de France, Stéphane Romatet, afin de lui transmettre la position officielle de l’Etat algérien.
 

Dans son communiqué, l’Algérie insiste d’abord sur les conditions jugées «inacceptables» de l’interpellation de son agent consulaire. «Sur le plan de la forme, l’Algérie rappelle que l’agent consulaire a été arrêté en pleine voie publique puis placé en garde à vue sans notification par le canal diplomatique et en flagrante contravention aux immunités et privilèges rattachés à ses fonctions près le Consulat d’Algérie à Créteil ainsi qu’à la pratique prévalant en la matière entre l’Algérie et la France», est-il noté.

Sur le plan du fond, le gouvernement algérien exprime son rejet catégorique des motifs invoqués par le parquet antiterroriste français. Il fustige, selon les termes employés, «la fragilité et l’inconsistance de l’argumentaire vermoulu et farfelu» reposant sur un élément qu’il juge dérisoire : la présence du téléphone portable de l’agent consulaire «autour de l’adresse du domicile de l’énergumène Amir Boukhors».

«Campagne de faconde anti-algérienne 

Pour Alger, cette affaire révèle surtout une instrumentalisation de la justice française à des fins politiques. «Ce tournant judiciaire, inédit dans les annales des relations algéro-françaises, n’est pas le fruit du hasard», peut-on lire dans le communiqué. Il serait, selon Alger, destiné à torpiller «le processus de relance des relations bilatérales convenu entre les deux chefs d’Etat lors de leur récent entretien téléphonique». 

Aussi, l’Algérie appelle à la «libération immédiate» de son agent consulaire et «exige que les droits rattachés à ses fonctions, aussi bien dans le cadre des conventions internationales que des accords bilatéraux, soient scrupuleusement respectés en vue de lui permettre de se défendre convenablement et dans les conditions les plus élémentaires».

L’Algérie va plus loin en accusant certaines parties françaises de nourrir délibérément une escalade. Le communiqué évoque ainsi «le choix cynique fait par les fossoyeurs de la normalisation des relations bilatérales», et dénonce une action «préméditée» prenant appui sur le cas AmirDZ pour raviver une «campagne de faconde anti-algérienne». L’Algérie se dit particulièrement surprise par la différence de traitement entre la célérité de cette affaire et «la passivité longtemps affichée dans le traitement des demandes d’extradition émises par les autorités algériennes à l’encontre de cet activiste subversif et lié à des organisations terroristes». 

Ce contraste, pour Alger, souligne le deux poids deux mesures et l’instrumentalisation du droit au détriment d’une relation fondée sur la réciprocité et le respect. Le ton du communiqué devient plus solennel encore lorsqu’il évoque les conséquences diplomatiques à venir. «Nous ne pouvons nous empêcher d’être surpris sur le choix cynique fait par les fossoyeurs de la normalisation des relations bilatérales concernant le nervi utilisé comme levain de cette nouvelle action préméditée», a souligné le MAE, ajoutant que «ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable causera un grand dommage aux relations algéro-françaises et ne contribuera pas à l’apaisement». 

L’Algérie affirme «n’avoir pas l’intention de laisser cette situation sans conséquences». Elle déclare qu’elle «veillera à assumer pleinement et résolument la protection de son agent consulaire». 

Ce nouvel épisode survient à un moment charnière, où les deux pays tentaient difficilement de remettre sur pied un dialogue diplomatique mis à mal ces dernières années. Si les chefs d’Etat avaient affiché une volonté de relance, et la visite du ministre français des Affaires étrangères à Alger semblait sceller le dégel, cette affaire pourrait en constituer le point de rupture.  Amel Blidi

 

 

Primas : « Il n’est plus question de dénoncer les accords de 1968
Invitée du «Grand Jury RTL-Le Figaro-Public Sénat-M6», la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, a affirmé que la France et l’Algérie ont dépassé la période du «durcissement». «Le moment du durcissement est passé, de la confrontation, du rapport de force. Nous sommes aujourd’hui dans la discussion», a-t-elle déclaré hier sur RTL. Elle a indiqué que la dénonciation des accords franco-algériens de 1968 ne figure plus sur la table des négociations entre les deux parties.
«Il y a un moment où nous voulions dénoncer les accords de 1968, aujourd’hui il n’en est plus question», a-t-elle affirmé. Alger et Paris comptent discuter sur les accords de 1994 qui concernent les reconduites à la frontière  d’Algériens sous Obligation de quitter le territoire français (OQTF). «Ce qui nous convient parfaitement et qui est conforme au droit international», précise Sophie Primas. R. P.

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