Musée Zabana d’Oran : Une journée scientifique sur l’importance du patrimoine immatériel

20/11/2024 mis à jour: 07:01
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Hafsa Elagag, universitaire, et Abdellah Abdellaoui, directeur de l’unité de recherche

Une journée scientifique portant sur le patrimoine immatériel a été organisée lundi au musée Zabana, une initiative commune entre cette institution et  l’Université Oran 2 par le biais de sa faculté des sciences sociales et son unité de recherche en sciences humaines.
 

Divers approches ont été développées durant cette rencontre avec, dans le  programme des interventions, des universitaires comme Bencherki Benmeziane, Mebarka Bellahcen, Abdellah Abdellaoui, Hafsa Elagag, Djemil Nassima, Mehdi Souiah ou Chedad Khadidja qui ont, chacun de son côté, éclairé cette problématiques selon leurs spécialités ou simplement leur centres d’intérêt intellectuel.

 Tous ont montré l’intérêt qu’il y a à non seulement protéger ce patrimoine, mais aussi à le faire vivre et le perpétuer pour assurer la transmission intergénérationnelle, utile pour la consolidation de l’identité collective nationale, une identité non figée car en constante évolution et surtout censée ouverte à l’autre. Bencherki Benmeziane qui est justement intervenu sur la notion de patrimoine commun a salué le travail qui a été fait par le ministère de la Culture durant les 10 à 15 dernières années et qui a mis beaucoup de moyens pour, à titre illustratif, réaliser des coffrets de chansons traditionnelles et de toutes les régions du pays, leur offrant ainsi un accès potentiellement  généralisé et une préservation utile.

 Il y a également les efforts de transcriptions, mais aussi l’arsenal juridique mis en place ainsi que la prise en compte des aspects sécuritaires impliquant une spécialisation des services concernés pour (concernant le patrimoine dans sa globalité) contrôler et garantir la préservation des œuvres contre toute forme de trafic ou de contrebande. Mebarka Bellahcène s’est intéressée aux valeurs humaines véhiculées par le patrimoine considéré comme une richesse culturelle inestimable. 

Son centre d’intérêt a concerné le Sahara africain pour montrer comment les conditions climatiques peuvent également contribuer à l’éclosion d’un patrimoine commun au-delà des diversités socioculturelles, en donnant l’exemple de l’habit spécifique à toute la région et impliquant plusieurs pays sahéliens.

 Les facteurs d’échanges sont nombreux pour concerner autant les alliances, les échanges commerciaux ou autres tels les confrontations. L’adoption de la culture soufie entre dans ce cadre-là. Présent à la rencontre, Boucif Belhachemi, le doyen pour la région ouest de l’Office national des droits d’auteur et droits voisins (ONDA) dont il a été membre fondateur, aujourd’hui retraité (depuis 2020), a considéré que cette instance, hormis le fait qu’elle a beaucoup œuvré pour la préservation du patrimoine, représente en quelque sorte un «Etat civil intellectuel», car c’est la seule institution qui garantit la paternité des ouvertes. 

Fondée en 1973, à la place de la Sacem française qui a continué à activer en Algérie jusqu’à cette date, il expliqué que son travail a été utile et que c’était une personnalité comme Blaoui El Houari qui, avant l’indépendance, avait à un moment présidé la commission qui devait statuer sur la validité des œuvres présentées. Cela se faisait par parrainage et c’est ainsi que lui-même, pourtant élève d’Abdelkader El Khaldi, a eu à statuer sur les œuvres de son maître à son époque. Selon lui, on pouvait considérer aussi les poètes anciens comme des chroniqueurs de leur temps, un des exemples toujours cité étant l’œuvre de Lakhdar Benkhelouf sur la bataille de Mazagran contre les Espagnols au milieu du XVIe siècle (1558). 

De son côté, Abdellah Abdellaoui, directeur de l’unité de recherche évoquée plus haut, s’est intéressé au rôle de la philosophie (c’est sa spécialité) dans la préservation du patrimoine immatériel, la spécialité garantissant le renouveau de la réflexion sur ce patrimoine considéré comme une dynamique ayant la capacité de s’adapter et d’évoluer tout en maintenant le lien avec l’autre. Il s’est intéressé aux programmes éducatifs, à l’art en général, mais aussi à la transmission et son éthique avec le souci d’une certaine justice sociale pour éviter toute forme d’exclusion autant dans la production que dans l’accès. Il met en avant l’importance des  plateformes numériques et l’évolution technologique en général  dans la diffusion. 

Devant intervenir sur la mémoire orale et la consolidation du patrimoine immatériel dans la société algérienne, Hafsa Elagag prône la démarche pragmatique en faisant sienne la définition de l’Unesco datant de 2003 concernant la notion d’«entretien» et non pas seulement de «préservation» du patrimoine et pas seulement celui lié aux savoir-faire artisanaux. Le souci dans ce cas est de mieux assurer la transmission. 

Elle cite plusieurs exemples dans le monde, dont un concernant l’Afrique avec la création au Sénégal d’une centre de Griots, ces poètes chanteurs, souvent décrits comme dépositaires de la parole mêlant récits historiques, légendaires, etc. L’exemple est intéressant parce qu’il renvoie à l’idée avancée par Belhachemi concernant le lien existant parfois entre la poésie populaire et la chronique.

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