Meziane Meriane. Pédagogue et ancien coordinateur du Snapest : «Les candidats au BEM n’étaient pas préparés aux questions d’intelligence»

27/06/2023 mis à jour: 07:08
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Photo : D. R.

Pédagogue et ancien syndicaliste, Meziane Meriane livre ici son analyse sur les résultats catastrophiques en mathématiques et en physique enregistrés au BEM 2023. Il cite de nombreuses causes et appelle à une évaluation scientifique du système éducatif national.

  • Le BEM 2023 est marqué, encore une fois, par des résultats en deçà des attentes en mathématiques et d’autres filières scientifiques. A votre avis, pourquoi les élèves calent-ils dans ces matières ? 

En ce qui concerne les résultats de cette année, je vois deux causes essentielles pour expliquer les faibles notes en mathématiques et d’autres matières scientifiques.

Le problème en mathématiques, et c’est valable aussi pour d’autres matières, est qu’il y a eu des lacunes et des bavures accumulées pendant la période de Covid-19 qui n’ont pas été rattrapées. Ces bavures sont dues au nombre d’heures de travail qui ont été diminuées.

Et quand on arrive à la fin de l’année de la 4e AM, il y a des pré requis qui n’ont pas été établis et rattrapés. Le deuxième problème concerne le sujet des mathématiques, dont une bonne partie a comporté des questions d’intelligence qui sont notées à plus de 7 points.

Pour chaque question d’intelligence, l’élève est appelé à déterminer quatre étapes cachées. Je dirais quatre sous-questions cachées que l’élève doit déterminer par intelligence. Et je pense que l’élève n’a pas été entraîné, pendant l’année scolaire, à des questions d’intelligence.

Ces dernières sont nécessaires pour arriver à un enseignement de qualité et avoir une bonne base en mathématiques, en physique et dans d’autres matières. Mais on doit préparer l’enfant à ce genre de questions en l'entraînant dans ce domaine et en l’évaluant pendant toute l’année scolaire.

Dans certains pays, on utilise ces questions pour évaluer le degré d’intelligence de l’enfant. Il y en a certains qui peuvent répondre à une question à trois étapes cachées, d’autres à quatre ou cinq.

Et c’est en fonction de ces réponses qu’on arrive à déterminer le degré d’intelligence de l’enfant. Donc pour cette année, des questions d’intelligence très importantes ont été posées, mais, je pense que l’enfant n’a pas été préparé en conséquence.

  • Cette problématique des faibles résultats en mathématiques revient à chaque année et à chaque examen. Cela n’est-il pas lié également à une défaillance de la préparation de l’enfant dès le primaire ?

Il est vraiment très complexe de déterminer les causes qui font que nos élèves échouent et n’ont pas de bonnes bases en mathématiques, contrairement, il faut le dire, aux années 1970 et 1980.

A cette époque, on avait de très bons élèves en mathématiques, à tel point que lorsqu’on envoie des élèves pour participer à ce qu’on appelait les «Olympiades des mathématiques», ils arrivaient à se placer parmi les 10 premiers au niveau mondial.

Malheureusement, on a reculé. On doit vraiment faire une étude scientifique approfondie pour déterminer les causes de ce recul.

Car les mathématiques, et certains responsable le disent, c’est la base. Si on veut réussir en sciences et dans tous les domaines, on doit avoir des bases logiques qui sont des bases de mathématiques. Donc, il faut se pencher vraiment sur les causes de ce recul. Je peux en citer quelques-unes.

Par exemple, les coefficients attribués aux différentes matières font que l’élève pense, seulement, à avoir une bonne moyenne générale. Pour cela, il se base sur des matières secondaires par rapport aux mathématiques.

Il suffit d’avoir un 14/20 en histoire-géographie (coefficient 2) et un 15/20 en éducation islamique (coefficient 2) pour compenser un 7/20 en mathématiques. Pour l’élève, l’objectif est atteint. Mais ce système ne le guide pas vers les mathématiques.

C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui à revaloriser le coefficient des mathématiques pour amener l’élève à s’intéresser à cette matière. A cela, il faut ajouter aussi la formation des enseignants de mathématiques.

On ne doit pas envoyer n’importe qui pour enseigner les mathématiques. Il faut faire un tri, pour choisir de bons profils afin de mieux transmettre le savoir. Car l’enseignant, c’est le vecteur transmetteur des connaissances.

Si on a un mauvais émetteur, à savoir l’enseignant, le récepteur qui est l’élève ne reçoit automatiquement rien. S’il y a un bon émetteur et mauvais récepteur, – l’élève, qui est causé par une mauvaise orientation – on aura aussi un échec programmé en mathématiques.

  • Selon ce que vous venez d’expliquer, c’est tout le système éducatif national qui doit être revu… 
    Oui, on doit revoir tout le système.

Mais comment le faire ? Il ne s’agit pas de tout chambouler, mais de faire une halte. Il y a une réforme qui est en train d’être appliquée sur le terrain. Elle doit être évaluée et de façon scientifique. On a des objectifs assignés à cette réforme, et on doit se poser la question de savoir pourquoi ils ne sont pas atteints.

On a cité l’exemple des mathématiques, on doit comprendre pourquoi les objectifs visés à travers l’enseignement de cette matière ne sont pas atteints. Une fois la cause déterminée, on pourra procéder à la remédiation.

J’ai toujours cité un exemple pédagogique; à savoir celui d’un cultivateur qui plante un champ et à chaque année il doit voir si les arbres ont donné des fruits. Si ce n’est pas le cas, il doit chercher à comprendre pourquoi.

C’est la même chose pour l’école. On doit chercher à savoir pourquoi elle ne forme pas des cadres de valeur et pourquoi on n’arrive pas à avoir un enseignement de qualité.

Car, on peut dire que nous avons réussi à atteindre l’objectif au plan quantitatif avec plus de 10 millions d’élève scolarisés, mais sur le plan quantitatif, beaucoup reste à faire.

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