Meziane Meriane. expert en éducation et ex-coordinateur du Snapeste : «Le niveau des connaissances acquises par les élèves a fortement baissé»

03/04/2022 mis à jour: 06:19
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  • Même si le ministère n’a pas encore donné son évaluation des résultats des dernières compositions, les indicateurs semblent être au rouge. Qu’en pensez-vous ? 

Au fait, c’est relatif. L’évaluation, à travers les compositions trimestrielles, doit contrôler les connaissances apprises en classe. Elle permet de voir si l’élève a assimilé les connaissances enseignées par le professeur, sous forme de cours et d’exercices. Toutefois, dans l’évaluation des élèves dans notre système scolaire, on utilise l’évaluation diagnostique uniquement. Ceci, au détriment de l’évaluation formative. On s’attarde sur la réussite ou l’échec de l’élève sans pour autant s’intéresser à la détermination des causes pour pouvoir remédier à un éventuel échec scolaire de l’enfant. Il n’est donc pas tout à fait juste de parler de résultats catastrophiques des élèves. Il se pourrait que cela soit possible dans les matières essentielles mais les notes restent correctes dans les autres matières. Il faut aussi savoir que le niveau des élèves actuel comparé à leurs camarades d’il y a trois ans, a diminué. 

Cette diminution est due à la baisse du volume de connaissances requis. La cause est connue, c’est la pandémie de Covid-19. Les élèves ont perdu tout le dernier trimestre 2019-2020. L’année scolaire d’après, ils ont également perdu plus de deux mois francs jumelé au système d’enseignement par alternance qui a nécessité la diminution du volume horaire de travail. Idem pour cette année scolaire. Ceci sans compter le climat pédagogique défavorable. Tout ceci s’est répercuté sur le volume de connaissances acquises par les élèves et de facto sur leur niveau. 

  • Les parents d’élèves font part d’une baisse considérable des résultats de leurs enfants... 

Les parents doivent beaucoup s’inquiéter si leurs enfants n’ont rien appris à l’école, s’ils n’ont pas assimilé leurs leçons ou si la composition a porté sur toutes les leçons du trimestre et leur enfant a échoué. Là, il doit y avoir inquiétude surtout si la différence entre le premier trimestre et le deuxième dépasse les 3 points. Même dans ce cas, l’évaluation doit prendre en compte les résultats de la classe. Si tous les élèves ont échoué, ce n’est pas l’élève qui est à blâmer mais le professeur qui doit revoir avec ses élèves ces chapitres et d’une meilleure manière. Je suis de ceux qui disent qu’en corrigeant les copies de mes meilleurs élèves, je corrige mes propres erreurs. A travers ma carrière dans l’éducation, je considère que l’accumulation de petites lacunes et les mauvaises orientations peuvent conduire à l’échec scolaire. De plus, il y a la diminution du volume horaire de travail sans diminuer le volume de connaissances.  On fait une course contre la montre pour terminer le programme sans laisser de temps nécessaire à l’enfant pour assimiler. C’est horrible !

  • Vous appelez donc à revoir le système d’évaluation des élèves…

Effectivement. Évaluer les élèves est une nécessité pédagogique. Toutefois, elle ne doit pas être un objectif, une fin en soi ou être versée dans la logique de sanctionner les élèves. Les sujets doivent s’adapter au niveau des élèves et surtout qu’ils tiennent compte des conditions dans lesquelles ils ont évolué. Il faut avoir des sujets abordables pour un élève moyen et avec des difficultés croissantes dans les sujets pour éviter un blocage dès la première question. Il faut aussi éviter les réponses pré-requises des autres questions et élargir les sujets sur toutes les leçons du trimestre pour permettre à l’élève d’être à l’aise. En effet, le problème de la refonte du système d’évaluation de nos élèves se pose avec acuité. Il est impératif de revoir les coefficients des matières avec objectivité scientifique, revoir les méthodes d’enseignements des langues. 

Ce n’est pas en octroyant à la langue arabe un coefficient 5 et aux mathématiques un coefficient 4 qu’on pourra améliorer les connaissances de notre langue nationale. Il faut mener une réflexion et déterminer la bonne méthode et ne pas rester statique. On doit former des élèves intelligents, brillants qui raisonnent d’une façon cartésienne qui pourront être bons dans les matières scientifiques et dans les matières littéraires. 

Propos recueillis par Asma Bersali

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