Dans cet entretien, Meziane Meriane, ancien syndicaliste et pédagogue, nous livre son analyse sur les résultats du bac de cette année et explique les raisons du recul de certaines filières. Allant au-delà des constats, il formule des propositions concrètes pour valoriser cet examen allant jusqu’à recommander une réforme. Un examen mieux connecté à l’enseignement supérieur et moins concentré sur les épreuves finales.
- Quelle lecture faites-vous des résultats du bac 2023 sur le plan qualitatif et quantitatif ?
Concernant le côté qualitatif, je pense que beaucoup reste à faire, il y a de très bonnes moyennes, mais le pourcentage des admis, dont la moyenne dépasse 15 sur 20 par rapport au nombre de candidats reçus, ne dépasse pas 12%. Pour le plus grand pourcentage des admis, leur moyenne se situe entre 10 et 12, ces chiffres nous poussent à penser sérieusement à réformer le baccalauréat sans pour autant faire de l’écrémage.Quant au côté quantitatif, il y a globalement 50% d’admis.
En d’autres termes, cela veut dire qu’il y a aussi 50% d’échecs. Ce taux d’échec doit amener incontestablement les spécialistes des sciences de l’éducation à faire une halte et marquer une pause pour déterminer avec lucidité les causes de cette situation.
On constate qu’il y a incapacité des élèves à accomplir les tâches, à savoir réussir aux examens associés à leur programme d’études. Sincèrement, une refonte globale du système éducatif est nécessaire. Ceci dit, le taux de scolarisation dans notre pays est très satisfaisant : plus de 10 millions d’élèves scolarisés comparativement à la première année de notre indépendance où on avait à peine 829 000 élèves tous cycles confondus. Le pari de la qualité doit être gagné pour avoir une université performante.
- Comment expliquez-vous le déclin, voire le recul de la filière littéraire ? Est-ce un manque d’intérêt ou par manque de motivation ?
Les élèves de la filière littéraire sont victimes de leur orientation, une bonne orientation garantit la réussite et une mauvaise orientation mène tout droit à l’échec. On a jamais orienté un très bon élève du collège vers la filière littéraire. On part du principe qu’un élève qui ne peut pas suivre une filière mathématiques, ni celle des sciences est orienté presque automatiquement vers la filière littéraire !
Il y a des élèves qui ont raté leur bac scientifique ou mathématique qui peuvent décrocher le baccalauréat littéraire haut la main. Il y a lieu de revenir au test psychotechnique pour déterminer les capacités intellectuelles des élèves en quatrième année du moyen et non pas faire une orientation aléatoire. Il faut faire confiance aux encadreurs psychopédagogiques pour réaliser une excellente orientation. Certains pays s’intéressent à ce type d’orientation dès la quatrième année primaire.
- Au regard des résultats, que préconisez-vous pour avoir un meilleur rendement lors des prochaines années ?
Il s’agit d'ores et déjà de penser à une évaluation des résultats du baccalauréat d’une façon scientifique avant la prochaine rentrée scolaire. Il s’agit de mener un examen en profondeur des données et être guidé par un esprit éclairé pour déterminer les causes exactes de l’échec.
Une fois les causes cernées, entamer une remédiation en extension. On a subi des contraintes pédagogiques très contraignantes à cause de la pandémie, à la rentrée avant d’entamer une nouvelle leçon s’assurer que les pré requis sont assimilés par les enfants, essayer d’équilibrer le volume des leçons avec le volume du travail. Un programme qui nécessite d’être finalisé pendant l’année en 34 semaines ne peut pas être réalisé en moins de 28 semaines de travail. Il y a une inadéquation qui entraîne un montage impossible.
- Faut-il aller vers une réflexion globale pour valoriser davantage le bac ou aller carrément vers une réforme plus profonde comme vous l’avez toujours exigée ?
Il y a nécessité de revenir à un baccalauréat de trois jours pour éviter toutes les contraintes qui pèsent lourdement sur les candidats, le stress, la fatigue et la lassitude. Revenir à un baccalauréat de trois jours où l’élève va composer uniquement dans les matières spécifiques à sa filière plus les langues nationales.
Les notes des autres matières non examinées au baccalauréat vont être portées sur une fiche de synthèse qui viendront s’ajouter avec un coefficient bien établi à la moyenne finale. On aura un baccalauréat de qualité qui va engendrer un niveau universitaire plus appréciable. D’un autre côté, il faut envisager d’augmenter les coefficients des matières essentielles à chaque filière et envisager des questions d’intelligence.