L’inflation est partout, aux Etats-Unis, en Europe et dans beaucoup d’autres pays, à l’instar de l’Algérie. Le phénomène est spectaculaire et des dirigeants de ces pays semblent prendre très au sérieux la menace... Tous les pays, sans exception, connaissent une inflation galopante qui devient de plus en plus forte depuis une année déjà.
Aux Etats-Unis, le taux de 7,9%, enregistré au mois de février dernier, marque une hausse des prix jamais égalée depuis 40 ans. Les prévisions pour les mois à venir renseignent sur la poursuite de la tendance haussière de ce taux.
En Europe, les indices des prix connaissent aussi une sensible accélération. Même s’ils n’atteignent pas le taux enregistré aux Etats-Unis, ils demeurent très inquiétants.
La banque centrale américaine (FED) vient, à l’issue de sa dernière réunion du mois de mars, annoncer sa disposition à prendre les mesures susceptibles de contrôler l’envolée d’une inflation qui ne revêt plus un caractère temporaire.
Ces mesures portent sur un resserrement de la politique monétaire. Primo en levant le taux d’intérêt de 25 points et de 50 points en pourcentage.
Cette augmentation devant se poursuivre sur l’année. Deuxio : la réduction de la taille de son bilan d’une part, en ne réinvestissant plus les flux de trésorerie perçus dans le cadre des énormes stocks de la dette publique et semi-publique. Cette opération devant permettre une réduction de bilan de quelque 95 milliards par mois et de 1100 milliards de dollars par an.
La Banque centrale européenne ne devrait pas tarder à prendre, à son tour, les mesures nécessaires pour réduire l’offre de monnaie et de renchérir le taux d’intérêt.
L’Algérie n’échappe pas à ce phénomène «mondial». L’inflation s’installe de façon durable et s’accélère d’une façon très ressentie.
- L’Algérie a enregistré une inflation de 9,2% en octobre dernier. Se peut-il, d’après vous, que ce niveau ait été dépassé si l’on tient compte de l’envolée des prix actuellement ?
Le taux de 9,2% annoncé par le gouverneur de la Banque d’Algérie ne peut être que dépassé. Considérant la forte augmentation des prix des produits et des services sur les marchés mondiaux, plus particulièrement après le déclenchement de la crise russo-ukrainienne, ce taux devrait se situer entre 13 et 14%. Nous sommes actuellement à un taux d’inflation à deux chiffres.
- Ce phénomène serait-il une fatalité, compte tenu de la conjecture mondiale, du fait déjà des effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine ? Les autorités algériennes doivent-elles, d’après vous, combattre ce phénomène et, dans l’affirmative, comment ?
La situation est compliquée, du fait de la vulnérabilité de l’économie algérienne et de sa forte dépendance en matière d’approvisionnement en produits finis et en intrants des marchés mondiaux qui connaissent de fortes fluctuations à la hausse.
La rigidité de l’appareil de production national (tous secteurs confondus) et les retards enregistrés dans la mise en œuvre des réformes structurelles rendent les choses encore plus complexes.
Un réajustement de la politique monétaire est plus qu’indispensable. Ce réajustement est indispensable mais pas suffisant, dans la mesure où sans l’accélération du processus de transformation de l’économie réelle et de son enivrement commercial et financier, le phénomène inflationniste pourrait prendre une envolée aux conséquences fâcheuses sur l’économie algérienne.
Plus les reformes seront retardées, plus les conditions de leur mise en œuvre (sur le plan économique et social) seront contraignantes.
- Quelles sont, selon vous, les conséquences de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages et de l’investissement qui, faut-il le dire encore, patine malgré tout ?
Il est clair que le pouvoir d’achat est en érosion continue, et ce, malgré les mesures prises par les pouvoirs publics d’atténuer les effets de la crise sur les couches à moyens et à faibles revenus.
Le phénomène inflationniste, s’il s’installe dans la durée, serait surtout préjudiciable pour l’investissement, notamment dans cette conjoncture particulière (post-Covid). Il entraînera à la fois une augmentation des taux d’intérêt et une baisse des profits des entreprises (baisse des dépenses, renchérissement des facteurs de production, baisse de la croissance, licenciement …).
- Les conséquences sur les performances de l’économie mondiale, et partant sur les cours du pétrole dont le pays tire d’importants revenus, ne sont-elles pas à redouter ?
Après une reprise prometteuse, l’économie mondiale risque de replonger dans la récession. Une situation qui affectera directement la demande de pétrole qui, après une reprise durant l’année 2021 et le premier trimestre de l’année 2022, risque de baisser et donc de se répercuter sur les niveaux du prix à nouveau.
Les pays dépendant des revenus pétroliers risqueraient de voir leurs équilibres financiers intérieurs et extérieurs se détériorer encore plus. Le recours à l’endettement extérieur se fera alors dans des conditions (notamment de taux d’intérêt) beaucoup plus défavorables de ce qui était offert hier et de ce qui est proposé aujourd’hui.
Propos recueillis par Ali Benyahia