Dans son dernier discours prononcé jeudi dernier au siège du Commandement des forces de défense aérienne du territoire (CFDAT), le chef d’état-major de l’ANP a appelé à la mobilisation de l’ensemble du corps social pour lutter contre l’hydre intégriste.
Le général d’armée Saïd Chanegriha cite comme exemple la cellule familiale et l’école, qui doivent constituer le socle de ce combat contre l’obscurantisme religieux. La réussite de la guerre déclarée à l’extrémisme islamiste passe inéluctablement par l’école, appelée, selon les vœux du chef d’état-major de l’ANP, à «inculquer aux générations montantes une bonne éducation civique, basée sur l’ancrage des valeurs de la citoyenneté et l’enseignement des devoirs du citoyen envers son pays et sa société».
Le but est de préparer un citoyen ouvert sur le monde, «apte à relever les défis du XXIe siècle».M. Chanegriha met ainsi le doigt là où ça fait mal.
En effet, les extrémistes religieux s’attellent depuis de longues années à transformer l’école en un lieu de formatage idéologique. Ce constat est partagé par de nombreux observateurs qui alertent sur les conséquences d’une école qui tombe sous l’emprise de l’islamisme.
«Une constituante de l’éducation»
Contacté par nos soins, Meziane Meriane, pédagogue et ancien syndicaliste, appuie ce constat en affirmant que «l’école a toujours été le théâtre de la lutte idéologique et politique» au détriment de l’apprentissage de l’enfant. «L’école est certes une machine qui véhicule la culture et les valeurs de la nation.
Malheureusement, chez nous, certains programmes scolaires donnent l’occasion aux extrémistes d’utiliser cet endroit à des fins politiques», affirme-t-il. Comment donc faire pour que l’école ne soit pas dévoyée de sa mission véritable ? M. Meriane estime que cela doit se faire par un «contrôle rigoureux» de l’exécution correcte des programmes scolaires et plus particulièrement de ceux de l’éducation islamique. «Il faut justement, selon lui, trouver le moyen d’empêcher ces individus d’utiliser l’école comme un vecteur idéologique qui est néfaste à l’apprentissage de l’enfant.»
Pour ce faire, enchaîne-t-il, «on a suggéré dans le passé d’avoir ‘‘une constituante de l’éducation’’, c’est-à-dire écrire clairement noir sur blanc quels sont les objectifs assignés à telle ou telle matière enseignée». Cette «constituante» devait permettre, selon lui, de mieux maîtriser l’enseignement de l’éducation islamique à l’école.
L’enseignant doit être mieux formé
Car, pour ce pédagogue, le danger ne vient pas forcément du programme lui-même mais de celui qui l’enseigne. «Il est important d’étudier l’éducation islamique à l’école, car elle fait partie de nos valeurs. C’est notre islam, notre religion», souligne-t-il. Mais, poursuit M. Meriane, il faudra veiller à ce que le contenu corresponde à nos valeurs ancestrales. «Si on met cette matière (éducation islamique) entre les mains d’un extrémiste, il en fera le vecteur idéologique opportun pour porter atteinte à l’Islam et à l’éducation des enfants», craint cet ancien syndicaliste, qui insiste dans ce sillage sur la formation des enseignants de cette matière. «On ne va pas cacher le soleil avec un tamis, si on confie l’éducation islamique à un extrémiste, il fera de ses élèves des extrémistes.
Un enseignant honnête va enseigner l’éducation islamique comme matière. Je préfère qu’elle soit enseignée à l’école qu’à l’extérieur. Enseignée à l’école, il faut la maîtriser et la contrôler. Elle ne doit pas sortir du cadre religieux, la religion de nos ancêtres et non pas les préceptes importés avec tous ces extrémistes que l’on voit à travers le monde», suggère-t-il, estimant que l’institution en charge du secteur «doit veiller à l’application stricte des programmes scolaires» par le renforcement du contrôle de cette matière par le corps inspectoral.
«Désarmer l’esprit»
La famille, poursuit-il, «doit également jouer son rôle dans cette lutte contre l’extrémisme religieux. Il y va de l’avenir de l’Algérie. On a payé un lourd tribut. Ce qu’on a vécu (décennie noire) on ne doit plus le revivre». M. Meriane cite au passage un pédagogue qui a dit qu’«avant de penser à désarmer la main, il faut penser à désarmer l’esprit». Tout l’enjeu est donc là. «Si l’esprit n’est pas désarmé, s’il est alimenté par l’extrémisme à tout instant, automatiquement, vous ne pouvez pas désarmer la main», avertit-il. «Cela est très important, d’autant plus que la Constitution protège l’école des luttes et influences idéologiques, à travers notamment son article 65», relève-t-il.
Pour lutter efficacement contre l’extrémisme religieux dans la société, il faudra donc protéger davantage l’école de ceux qui n’hésitent plus à en faire un lieu d’embrigadement dans le seul but de faire avancer leur projet politico-idéologique.
Il y a quelques années, Nouria Benghebrit avait combattu l’extrémisme religieux dans les écoles. Arrivée en 2014 à la tête du ministère de l’Education nationale avec un important programme de réforme, Mme Benghebrit est limogée en 2019 sans avoir réussi à réaliser son ambition.