Lutte contre la corruption en Tunisie : Le président Saïed s’attaque à de «gros poissons»

11/11/2023 mis à jour: 04:09
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Le peuple tunisien soutient la campagne de moralisation de la vie publique lancée par le président Saïed

Le groupe Mabrouk a toujours tiré son épingle du jeu, même après la chute de Ben Ali en 2011. Gérant des portefeuilles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse le milliard d’euros, la fratrie, composée de Mohamed Ali, Ismaïl et Marouane Mabrouk, ne s’est pas attirée la colère des gouvernements successifs, en parvenant à passer à travers les mailles des divers contrôles. 

Les frères Mabrouk ont surtout défendu le fait que leur fortune était antérieure au mariage de Marouane avec Cyrine Ben Ali en 1996. Le couple est aujourd’hui divorcé. L’aïeul des Mabrouk détenait, il est vrai, la confiserie Saïd, spécialisée dans les biscuits et les chocolats. 

Aujourd’hui, le groupe Mabrouk est le plus grand actionnaire de la principale banque privée en Tunisie (BIAT), la chaîne Monoprix, ainsi que la confiserie Saïd. Dans l’extension de la fortune du groupe, il y a de quoi se poser des questions. Le cadet des Mabrouk, Marouane, est également dirigeant d’Orange Tunisie où son ex-femme, Cyrine Ben Ali, détenait également des parts, confisquées aujourd’hui par l’Etat. C’est ce dossier «Orange» qui intéresse aujourd’hui les brigades d’investigation financière, puisque Marouane Mabrouk est toujours dirigeant à Orange où l’Etat est actionnaire. Il y aurait des malversations et c’est l’affaire pour laquelle le cadet des Mabrouk se trouve en garde à vue. 


Le dossier Marouane Mabrouk attire l’attention des observateurs en Tunisie puisqu’il s’agit d’un homme d’affaires qui a toujours répondu présent aux interpellations par la justice. Son avocat, Lamjad Nagati, a considéré, sur les ondes d’IFM, qu’il s’agit d’une arrestation chaotique et qu’il ne comprenait rien à cette situation. Maître Nagati a rappelé que son client a pourtant adhéré au processus de réconciliation fiscale, annoncé par le Président Saïed, depuis plusieurs mois. Il y a donc de l’inquiétude dans le milieu des affaires. 

L’universitaire syndicaliste Sami Aouadi appelle à plus de transparence, de la part de la justice, dans pareilles affaires, pour que «justice soit rendue». «Nous nous attachons à l’objectif visé par le président Saïed, visant à ce que chaque sou du peuple serve l’intérêt du peuple. Mais, nous insistons sur la transparence pour ne pas crisper davantage le monde des affaires», insiste le syndicaliste, soucieux de la stabilité économique de la Tunisie. 


Réouverture de dossiers

La lutte contre la corruption revenait, de temps à autre, au-devant de la scène durant la décennie qui a suivi la chute de Ben Ali en 2011. La confiscation de biens s’est, essentiellement, limitée à la liste de près de 150 personnes, publiée sur le Décret-loi du 14 mars 2011 et ses ajouts. Elle concerne le président déchu et son proche entourage. Les tentatives de récupération de biens à l’étranger est, jusque-là, vouée à l’échec. Pire encore, le nom de Marouane Mabrouk a été retiré de la liste des 48 Personnes qui font l’objet du gel de leurs avoirs à l’Union européenne, suite à une intervention du gouvernement Chahed auprès des juridictions européennes concernées. La décision a été rendue publique le 30 janvier 2019. 

Du coup, durant la dernière décennie, ce sujet de lutte contre la corruption ne revenait que pour faire du buzz, comme ce fut le cas, en mai 2017, quand les Fonds et les biens de huit personnes impliquées dans des affaires de corruption et de contrebande ont été gelés. Il s’agissait alors de Chafik Jarraya, Yassine Chennoufi, Néjib Ben Ismaïl, Ali Grioui, Kamel Ben Ghoulem Fradj, Mondher Jenayeh, Mongi Ben Rabah et Hlel Ben Messaoud Bchiri. Ils sont tous connus pour être de gros barons de la contrebande. Ils ont été arrêtés ou mis en résidence surveillée, en attendant leur comparution devant la justice pour implication dans des réseaux de corruption et de contrebande, voire même atteinte à la sûreté de l’Etat. 

Après ce bruit d’éclat ayant servi à animer quelques articles, émissions audio et plateaux télévisés, plus rien. Ils ont été vraisemblablement acquittés par la justice. Ainsi, Néjib Ben Ismaïl, qui vient d’être arrêté de nouveau, avant-hier, fait partie de ce groupe. Les circonstances de sa libération, en 2017, après avoir été détenu pour des faits de contrebande, d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent, seraient passées à la loupe en ce moment. 

Deux anciens magistrats sont également poursuivis pour implication dans la même affaire. Il y a, semble-t-il, un retour aujourd’hui sur les anciens dossiers. Ainsi, un autre homme d’affaires est poursuivi pour avoir acheté le palais de Sakhr Materi, l’un des ex-gendres de Ben Ali pour, seulement, trois millions de dinars (900 000 euros), alors que sa valeur était initialement évaluée à 11 millions de dinars (3,3 millions d’euros). 

Une deuxième expertise, clairement complaisante, a rabaissé le prix à trois millions de dinars. L’homme d’affaires concerné a revendu le palais, quelques mois plus tard, à plus de dix fois son prix d’achat, sans payer même la plus-value foncière requise. 

Par ailleurs, l’homme d’affaires et, néanmoins, ex-lieutenant de Ben Ali, Abderrahim Zouari, a été également mis aux arrêts ces derniers jours, suite à une affaire de présomptions de corruption en 2019/2020, alors qu’il est à la tête du groupe Stafim/Peugeot. Zouari est le dernier ministre des Transports sous Ben Ali. Il est désormais en garde à vue pour cinq jours renouvelables depuis le 7 novembre. 

Il est donc clair que le ministère des Domaines de l’Etat, essentiellement, est en train de réviser toutes les cessions de biens publics ainsi que les affaires de corruption, examinées durant la dernière décennie. Bien des têtes risquent de tomber. Mais une chose est certaine, le peuple tunisien est derrière son Président. 
 

Tunis 
De notre correspondant  Mourad Sellami

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