Les Tunisiens appelés aux urnes le 24 décembre : Kaïs Saïed mise sur les gens humbles et l’arrière-pays

07/12/2023 mis à jour: 04:52
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Kaïs Saïed, président tunisien

Le 24 décembre incarnera le début pratique des élections d’une deuxième Chambre en Tunisie, conçue par le président Kaïs Saïed, pour exprimer les vœux citoyens et concevoir, avec leur participation, le développement de leurs régions. Le Conseil national des régions et des districts sera élu en trois étapes, locales par les citoyens, régionales par les représentants locaux et nationales par les délégués régionaux. 

Ledit Conseil a pour vocation, selon l’article 84 de la nouvelle Constitution, validée par référendum populaire le 25 juillet 2022, de cautionner les plans de développement régionaux, tout en assurant un équilibre inter-régional. Pour cette première étape du 24 décembre, les électeurs vont choisir les membres des Conseils locaux, par des élections au niveau de leur quartier (Imada). Le découpage électoral a donné 2155 circonscriptions, où vont concourir 6177 candidats. 

Par ailleurs, une personne handicapée sera choisie par tirage au sort dans chacun des 279 conseils locaux. L’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) a enregistré 1028 candidatures de personnes handicapées. Les statistiques ont également donné 21,1% de candidats jeunes de moins de 35 ans et 13,4% de candidates femmes.

Les élections du 24 décembre lanceront ce nouveau modèle de représentation citoyenne, direct dans cette phase locale, avant de passer à un mode indirect à travers une nomination trimestrielle tournante entre les élus locaux pour former le Conseil régional. Les élus locaux choisiront au départ l’élu ayant obtenu le plus de voix aux élections de sa circonscription, avant de procéder au tirage au sort pour choisir leur représentant au niveau régional lors des trimestres suivants. 

«Pareille conception pousse à un suivi collégial par les membres du Conseil local des différentes activités du Conseil régional, puisque, tôt ou tard, chaque membre du Conseil local siégera au Conseil régional et débattra des problèmes posés au niveau régional», explique Mohamed Ben Mahmoud, activiste de la société civile, favorable à ce modèle de rotation de la représentativité. 

Par ailleurs, parmi les élus régionaux, trois vont être élus par leurs pairs pour siéger pour cinq ans au Conseil national des régions et des districts. 

En plus, comme la Tunisie est désormais divisée en cinq districts, consistant en des bandes régionales reliant les gouvernorats de la côte à ceux de l’intérieur, chaque Conseil régional élira un de ces membres pour le représenter dans le Conseil du district, qui élira également un membre au Conseil national. En somme, ledit Conseil national des régions et des districts réunit 77 membres, 72 venants des 24 triplés régionaux et cinq des districts.
 

Avis partagés

Cette nouvelle Chambre, incarnant une représentation citoyenne, partant du local vers le central, a certes répondu au vœu du président Saïed de voir représenté le peuple des petites localités. Le président tunisien insiste beaucoup sur l’écoute des petites gens et la représentativité de l’arrière-pays dans les décisions stratégiques, comme le traduit la division du pays en cinq districts horizontaux, reliant la côte à l’intérieur du pays. Toutefois, ce modèle n’acquiert pas l’aval de tout le monde. 

«Il suffit de faire la spectrographie des candidats pour comprendre que les compétences de la Tunisie ne croient pas à pareil projet utopiste, l’écrasante majorité étant composée de personnes aux quotients intellectuels réduits», remarque l’universitaire Sami Aouidi, qui conclut à «l’absence de possibilités d’éclosion de projets stratégiques et implantations cohérentes pour le développement du pays». 

Néanmoins et en faisant le tour des profils des candidats, El Watan a trouvé des jeunes cadres cherchant à s’embarquer dans la nouvelle expérience. Ainsi, Aymen Zaâzaâ, candidat à Ben Arous (banlieue de Tunis), 40 ans, responsable dans une entreprise industrielle, croit que «ce modèle de représentativité citoyenne pourrait constituer une véritable opportunité pour une participation effective des citoyens dans la gestion de leur quotidien». 

Aymen rappelle que «c’est une nouvelle expérience, qui va se forger dans la pratique pour corriger ses défauts, car seule la mise en marche pourra l’améliorer», concluant que «nul n’est né parfait ; il faut juste s’armer de bonne volonté et de désir de faire du bien pour son pays». Aymen assure que «plusieurs candidats ont des profils similaires au sien et je suis optimiste». 

Du côté du monde politique, l’opposition crie au manque de transparence de l’Instance supérieure indépendante des élections dans ce processus électoral, alors que le président de cette dernière, Farouk Bouasker, assure que «l’ISIE n’a écarté personne et n’a rejeté aucune candidature ou demande d’accréditation». La Tunisie ouvre avec ces élections une nouvelle page de son histoire.
 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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