Les présidents américain et philippin vont se rencontrer demain : Quarante ans après la dictature, Washington soutient un autre Marcos

07/05/2023 mis à jour: 18:00
AFP
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Le président philippin Ferdinand Marcos Jr avait 28 ans lorsqu’il s’est enfui aux Etats-Unis à bord d’un avion militaire américain, après qu’une révolution a chassé son père dictateur du pouvoir et envoyé sa famille en exil. Près de 40 ans plus tard, c’est à bord de son avion présidentiel que M. Marcos s’est rendu à Washington, où il a été accueilli sur un tapis rouge et salué par le président américain Joe Biden comme le meilleur des partenaires. 

La rencontre entre MM. Marcos et Biden, lundi, est l’aboutissement de plusieurs mois d’intenses tractations diplomatiques de la part de Washington, qui cherche à renforcer ses alliances dans la région Asie-Pacifique pour contrer la puissance croissante de la Chine. Avant d’être renversé en 1986, le défunt père de Marcos a dirigé les Philippines d’une main de fer pendant 20 ans, avec le soutien de Washington qui voyait en lui un rempart contre l’expansion du communisme durant la guerre froide.  A l’époque, les Etats-Unis disposaient de deux grandes bases militaires au nord de la capitale Manille, qu’ils utilisaient pour déployer des troupes dans le cadre de la guerre du Vietnam. 

Ces bases ont été fermées au début des années 1990, mais les troupes américaines ont par la suite été autorisées à revenir aux Philippines pour des entraînements et des exercices conjoints. Après la mort de son père en 1989, Ferdinand Marcos Jr et le reste de sa famille sont rentrés au pays où ils ont entamé leur retour en politique, couronné en 2022 par sa victoire à l’élection présidentielle. Son succès dans les urnes a été facilité par une vaste campagne de désinformation sur internet, dépeignant la dictature comme un âge d’or pour l’archipel.
 

Écueil en mer de Chine 

Son prédécesseur Rodrigo Duterte a pendant son mandat de six ans désavoué l’alliance avec les Etats-Unis. Durant sa campagne, Marcos a semblé lui aussi réticent à s’opposer à la Chine au sujet des différends territoriaux en mer de Chine méridionale. Après avoir remporté l’élection, il a cependant rompu avec son prédécesseur en matière de politique étrangère en indiquant qu’il souhaitait des liens plus étroits avec les Etats-Unis, tout en jurant qu’il ne laisserait pas la Chine empiéter sur les droits maritimes de son pays. 

Un accord de 2014 donnant aux troupes américaines l’accès à cinq bases militaires philippines, devenu inactif sous Duterte, a été élargi pour inclure quatre sites supplémentaires, dont un près de la mer de Chine méridionale contestée et un autre non loin de Taïwan. Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, faisant fi d’un jugement international de 2016 en vertu duquel ses prétentions n’ont pas de fondement légal. 

La Chine y a réaménagé et militarisé, ces dix dernières années, des milliers d’hectares de récifs. Craignant d’irriter Pékin, premier partenaire commercial de son pays, Ferdinand Marcos Jr a pris ses précautions avant son arrivée aux Etats-Unis cette semaine, assurant que son pays ne servirait pas de base pour des actions militaires. Selon l’analyste politique Richard Heydarian, M. Marcos souhaite avec Washington «une coopération juste suffisante pour que les Philippines disposent d’une monnaie d’échange et d’une certaine capacité de dissuasion face à la Chine, mais pas une coopération trop poussée qui (...) pourrait provoquer la Chine». 

La visite de M. Marcos à la Maison Blanche, la première en plus de dix ans pour un président philippin, témoigne de la manière dont «le pragmatisme l’emporte sur les principes», regrette Andres Bautista, qui a dirigé une agence gouvernementale philippine chargée de traquer les richesses mal acquises des Marcos.Marcos père et son épouse Imelda auraient pillé les caisses de l’Etat et présidé à des violations généralisées des droits humains. 

Des dizaines de procès ont été intentés contre la famille aux Etats-Unis et aux Philippines, sans qu’aucun de ses membres ne soit jamais emprisonné. Ferdinand Marcos Jr est toujours sous le coup d’une décision de justice américaine pour outrage au tribunal, la famille n’ayant pas versé les indemnités dues à plusieurs milliers de victimes de violations des droits humains commises sous la dictature. 

En 1986, peu avant l’effondrement du régime Marcos, le sénateur Joe Biden accusait le dictateur et ses partisans d’avoir pratiqué «la fraude, l’intimidation et la violence à grande échelle» lors d’élections qui n’étaient «ni libres ni équitables», comme le montrent les archives du Congrès. Mais lundi, alors qu’il accueillait M. Marcos dans le bureau ovale, M. Biden a déclaré: «je ne pourrais rêver de meilleur partenaire que vous».
 

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