Le plastique est omniprésent dans notre environnement. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’environnement ainsi que sur la santé. En effet, ce produit, qui est en continuelle interaction avec l’environnement des individus, finit par s’infiltrer dans le corps humain, et cela, soit par ingestion, inhalation ou contact direct. D’ailleurs, de plus en plus de microparticules plastiques sont retrouvées dans le corps humain. Et les effets sur la santé peuvent être divers. L’environnement n’est pas épargné non plus. Il subit les conséquences de la croissance exponentielle de la production mondiale du plastique de plein fouet. Sachant que la production mondiale de plastique a explosé passant de 2 millions de tonnes en 1950 à plus de 400 millions aujourd’hui. Plus loin encore, les experts ont même estimé que cette production devrait doubler en 2040 et tripler en 2060. Dans ce dossier, El Watan revient sur les principales études réalisées au sujet de l’impact du plastique sur la santé et l’environnement qui a fait réagir des experts, chacun dans sa spécialité. Explications !
Impact du plastique sur le cœur
Des scientifiques ont établi un lien entre la présence de minuscules particules de plastique dans les artères et un risque accru d’AVC, d’infarctus et même de mort. A cet effet, le Dr Youcef Mohamedi Bouzina, cardiologue, assure que les scientifiques s’inquiètent depuis de nombreuses années déjà des effets nocifs possibles des micro-plastiques.
«Dans une nouvelle étude, des scientifiques ont mis au point une méthode de détection des microplastiques dans le sang humain. Ils ont trouvé des microparticules de quatre plastiques courants dans des échantillons de sang de 17 adultes en bonne santé sur 22», explique-t-il.
Selon lui, les populations sont exposées à une grande variété de substances chimiques toxiques et de microplastiques par inhalation, ingestion et contact direct avec la peau tout au long du cycle de vie du plastique. Précisant au passage que les particules de plastiques ingérées peuvent non seulement traverser la barrière intestinale et se retrouver dans le sang, mais aussi par la suite dans divers organes tels que le foie, les poumons.
Mais de quelle façon le plastique peut-il altérer la santé cardiovasculaire des individus ? «Des données provenant d’études récentes suggèrent que des micro et nanoplastiques spécifiques favorisent le stress oxydatif, l’inflammation et l’apoptose dans les cellules endothéliales et d’autres cellules vasculaires, et de ce fait favorise la formation des plaques d’athérome», explique le Dr Youcef Mohamedi Bouzina.
Et d’ajouter : «Les études montrent que les patients qui avaient des particules de micro et nanoplastiques dans leur plaque d’athérome avaient un risque 4,5 fois plus élevé de subir un événement cardiovasculaire (infarctus du myocarde, AVC) que ceux dont les plaques ne contenaient pas de plastique.
Mais des analyses statistiques indiquent aussi que des concentrations plus élevées de microplastique dans les caillots sanguins pourraient être associées à une gravité accrue de la maladie.» Et pour tenter de limiter ces risques, le spécialiste estime que quelques petits gestes individuels peuvent contribuer à limiter la consommation de microplastique et protéger, à la fois, la santé et l’environnement.
A titre d’exemple, le cardiologue préconise de privilégier les contenants alimentaires en verre et d’éviter les récipients alimentaires en plastique car peu importe la température, ils peuvent entraîner la fuite de microplastiques dans les aliments qu’ils contiennent.
Par ailleurs, Youcef Mohamedi Bouzina affirme qu’un consensus sur la nécessité de réduire l’utilisation des emballages en plastique émerge à l’échelle mondiale. «D’ailleurs, de nouveaux emballages ont été créés récemment pour remplacer ceux en plastique. Tels que des sacs de filet en cellulose biodégradable», conclut-il.
… sur les poumons
Les microplastiques présents dans notre environnement s’infiltrent décidément partout… Après avoir été retrouvées dans des échantillons de sang humain, ces particules viennent d’être mises en évidence dans des fragments de poumons humains de personnes vivantes. En effet, selon les conclusions d’une étude britannique publiée en 2022, des microparticules de plastique ont été retrouvées dans 11 des 13 poumons analysés. Les échantillons ont été prélevés sur les tissus de patients subissant une intervention chirurgicale.
Parmi les particules retrouvées, le polypropylène, utilisé dans les emballages plastiques et les tuyaux, et le PET utilisé dans les bouteilles. Si pour l’heure les recherches n’ont pas encore pu apporter une réponse définitive quant à l’impact de ces particules sur la santé respiratoire, le Dr Samy Akroun, pneumologue, explique que cela est dû à la grande variété de types de plastiques qu’on retrouve dans l’environnement sous forme de microplastiques.
«De plus, chaque type de plastique est lui-même composé de nombreux polymères et d’additifs chimiques différents (jusqu’à plus de 8000 pour un seul type de plastique), ce qui rend très difficile de déterminer avec exactitude l’effet potentiel et surtout la nocivité de ces polluants», poursuit le Dr Akroun. «Il y a aussi le fait qu’ils soient de taille micro (jusqu’à 70 fois moins épais qu’un cheveu), ce qui pose la question de la dose seuil : est-ce que des microparticules d’un plastique connu nocif à plus forte dose le seront aussi ?», précise le pneumologue.
Assurant au passage que beaucoup de composés chimiques entrant dans la composition de ces microparticules sont réputés nocifs, voire toxiques. «A titre d’exemple, le polyuréthane peut causer de graves réactions d’hypersensibilité au niveau des bronches, ressemblant à de l’asthme, mais pouvant rarement aller jusqu’à une destruction du poumon», affirme le Dr Akroun. C’est pourquoi il estime qu’il serait donc utopique de croire que ces microplastiques sont sans danger. «Mais il reste encore à définir à quel point ils sont dangereux.
Peut-être bien que d’ici 10 ou 20 ans, nous comprendrons qu’il n’y a vraiment pas de quoi s’alarmer outre mesure, ou bien on aura une redite de l’histoire de la cigarette, où il a fallu des décennies pour qu’on comprenne à quel point elle était dangereuse», assure-t-il.
Si l’inhalation est une des voies d’exposition aux microplastiques environnementaux, le pneumologue se désole qu’on ne puisse pas réellement s’en prémunir. «A moins de vivre cloîtrer chez soi avec des purificateurs d’air de grade industriel, ou de porter en permanence un masque à particules, il n’y a pas grand-chose à faire», affirme-t-il.
Et d’ajouter : «La seule solution pour réduire l’exposition serait peut-être de s’éloigner le plus possible des sources de pollution (industrie, circulation automobile...) ou vivre en altitude.» Toutefois, le Dr Akroun estime que le seul vrai moyen serait de changer en profondeur nos sociétés humaines, «mais cela prend du temps, voire beaucoup de temps, et surtout une prise de conscience et une réelle volonté de changer», conclut-il.
… sur le cerveau
Une étude récente publiée par des chercheurs de l’Université de São Paulo (Brésil) assure que des particules et fibres de plastiques peuvent gagner le cerveau via les cavités nasales. C’est en disséquant la matière grise de quinze résidents de São Paulo que les chercheurs ont retrouvé dans la majorité des cas des fibres et particules de plastique dans le bulbe olfactif, une région du cerveau qui se situe au-dessus de la cavité nasale.
Et cela n’est pas sans conséquences sur la santé. En effet, ces microplastiques et nanoplastiques pourraient augmenter le risque de neuroinflammation et de maladies neurodégénératives. Leur présence pourrait également «augmenter le risque de cancer et d’infertilité, ou encore porter atteinte au système immunitaire», indique l’étude.
D’ailleurs, une étude dirigée par l’Université de Vienne a réussi à démontrer que de minuscules particules de polystyrène peuvent être détectées dans le cerveau seulement deux heures après leur ingestion par des souris. Et cela, en dépit de la barrière hémato-encéphalique qui est censée permettre d’empêcher les agents pathogènes ou les toxines d’atteindre le cerveau, les microplastiques et les nanoplastiques (MNP) pourraient la franchir.
…sur le fœtus
Ce n’est plus à prouver ! Les microplastiques ont réussi à s’infiltrer partout, jusqu’à dans des placentas humains. C’est en tout cas ce qu’a récemment révélé une étude italienne. Sachant que ces microparticules ne sont pas sans danger sur les enfants. A cet effet, Mustapha Khiati, professeur en pédiatrie, assure : «Il est bon de savoir qu’un enfant consomme en moyenne plus de 130 litres d’eau par an.
Les bouteilles de plastique libèrent sous l’effet de la chaleur ambiante et lorsqu’elles manipulées des microparticules. La quantité moyenne d’eau absorbée pourrait apporter à l’organisme de l’enfant 16 000 microparticules de plastique chaque année.» De plus, le spécialiste assure que 62 particules de plastique ont été détectées dans un litre de soda suite au frottement répété du bouchon avec la bouteille et cela, après 20 ouvertures.
Sachant que ces particules sont des fragments 500 à 1000 fois plus fins qu’un cheveu, ils peuvent donc aisément passer dans le sang et aller se localiser au niveau de n’importe quel organe ou provoquer une inflammation locale. En ce qui concerne les principaux plastiques retrouvés, il y a le polypropylène, le polyéthylène et le polyéthylène téréphtalate. «Des expériences menées chez les animaux montrent que ces microparticules de plastique sont responsables de dysfonctionnements intestinaux et de déséquilibres du microbiote», poursuit le Pr Khiati.
De son côté, le Dr Yacine Iddir affirme que certains composés de microplastiques, manipulés au quotidien par les femmes enceintes, agissent comme des «imitateurs hormonaux». «Ils perturbent les hormones naturelles, ce qui peut affecter le développement du fœtus ou provoquer des déséquilibres chez la mère», prévient-il. Mais comment ces particules peuvent atteindre le placenta ? «Tout d’abord via le tube digestif. Après ingestion, ils traversent la paroi intestinale. Ou alors via les poumons. Il faut savoir que les microparticules inhalées atteignent la circulation sanguine en passant par les alvéoles.
Ces particules sont ensuite transportées par le sang, y compris jusqu’au placenta, une barrière pourtant essentielle pour le fœtus», explique le Dr Yacine. Une fois dans le placenta, celles-ci peuvent, selon lui, provoquer une inflammation placentaire, altérant ainsi les échanges entre la mère et l’enfant, mais aussi entraver le développement du fœtus en limitant la nutrition et l’oxygène. «Ces microparticules peuvent aussi libérer des substances toxiques, avec des effets potentiellement graves sur le développement cérébral ou physique du fœtus», met-il en garde.
… sur les reins
Des études indiquent que l’ingestion de microplastiques altère le bon fonctionnement des reins et pourrait même causer différents cancers. A cet effet, le Pr Farid Haddoum, chef de service de nephrologie au CHU Mustapha Pacha, affirme que les premières publications sur la toxicité rénale des microplastiques datent des années 2010 et plus. «On sait aujourd’hui détecter dans les urines les microplastiques», assure-t-il.
Selon lui, on arrive également à les déceler dans des fragments de tissu rénal. «En fait, les microplastiques se déposent dans les reins et entraînent des lésions de fibrose qui endommagent le tissu rénal», explique le Pr Haddoum. De plus, des dérivés des microplastiques se retrouvent aussi, selon le spécialiste, libres ou sous forme de calculs dans les urines.
Si, pour le moment, il n’y a pas de preuves du risque oncogène pour les reins et la vessie, «les microplastiques sont cancérigènes, selon de nombreux experts», rappelle-t-il. C’est pourquoi, il estime que la vigilance est de mise. «Agir en amont auprès des industriels et des distributeurs pour arrêter l’usage du plastique dans la consommation humaine est essentiel», suggère le Pr Haddoum.
D’ailleurs, le spécialiste assure que des recherches toxicologiques sont en cours pour réduire l’apparition de microparticules dans les eaux et aliments stockés dans les emballages en plastique. «La durée de l’emballage et la protection contre des facteurs qui les génèrent sont à l’étude avec des recommandations adressées aux consommateurs», poursuit-il. «Une autre piste est celle de ‘‘fixer’’ les microparticules par des changements dans la composition des plastiques alimentaires», conclut-il.
… sur le système endocrinien
Il a été démontré que l’exposition, à long terme, aux particules de plastique et aux produits chimiques associés épuise la fonction endocrine de la thyroïde en affaiblissant ses forces motrices dans la régulation de la croissance, du développement, du métabolisme et de la reproduction. Et compte tenu de la production de plastique exponentielle, l’exposition à ces substances ne peut qu’augmenter.
Et pour comprendre comment ces particules peuvent perturber le système endocrinien, il est important d’expliquer ce qu’est le système. «Ce système est aussi complexe que fascinant», explique tout d’abord le Dr Tanina Hakem, endocrinologue. «Il y a tout d’abord l’hypophyse qui est le chef d’orchestre. Elle est responsable de la gestion des différentes glandes endocrines et donc responsable du maintien et du bon fonctionnement de notre corps», affirme le Dr Hakem. Celui-ci contrôle, selon elle, en premier lieu la thyroïde qui fabrique des hormones thyroïdiennes.
Il contrôle aussi la surrénale qui fabrique le cortisol et les androgènes, responsables en partie du bon déroulement de notre puberté. «Le chef d’orchestre» contrôle également les gonades, organes destinés à la production d’hormones sexuelles et de reproduction. «Elle est responsable aussi de notre croissance par la fabrication d’une hormone de croissance, sécrétion de prolactine également, qui a une grande utilité pour l’allaitement,etc.» explique le Dr Hakem. «Il y a aussi le tissu adipeux, l’hypothalamus,…» ajoute-t-elle.
Ces hormones sont donc sécrétées pour aller au niveau de leur cible et ainsi provoquer une action précise, à savoir croissance, puberté, fertilité… «Et les perturbateurs endocriniens vont justement altérer tout ce système, en mimant l’action d’une ou de plusieurs hormones ou altérant leur fonctionnement», prévient la spécialiste.
Par quel mécanisme cela se produit-il ? Le Dr Yacine Iddir explique : «Ces particules imitent ou bloquent l’action des hormones naturelles en se fixant sur les récepteurs hormonaux, ce qui fausse les signaux biologiques en altérant la production normale des hormones, comme celles de la thyroïde, essentielles au métabolisme et au développement.»
Et les conséquences de l’altération de ce système peuvent être, selon l’endocrinologue, nombreuses, à l’exemple d’un retard de croissance, une puberté précoce, de l’obésité, du syndrome des ovaires polykystiques, une infertilité, des problèmes thyroïdiens, le syndrome métabolique, le diabète et même certains cancers.
«Malheureusement, nous ne pouvons éviter toutes les matières plastiques contenues dans notre alimentation, cosmétique, biberons…Il existe déjà une liste non exhaustive des PE. Cette liste est effrayante car elle démontre leur existence pratiquement partout dans notre environnement et ne nous pouvons pas tous les éviter», se désole-t-elle.
… sur la peau
Une étude de l’université de Birmingham, publiée en 2024, fournit la première preuve expérimentale que les produits chimiques présents dans les microplastiques peuvent s’infiltrer dans la sueur humaine et être ensuite absorbés par la peau, puis passer dans la circulation sanguine.
Pour le Dr Lamia Mekkour, dermatologue, cet effet peut se faire de deux manières différentes. En premier lieu, «via la toxicité directe par le produit lui-même ou en transportant des produits chimiques qui vont traverser la peau et induire des dégâts directs, comme des irritations, des inflammations, voire des cancers si l’exposition est chronique», explique la spécialiste.
En second lieu, «il y a l’impact en provoquant ou en exacerbant des dermatoses préexistantes, telles que des pousses d’eczéma, de dermatite atopique, urticaire ou autre», poursuit-elle. Selon le Dr Lamia Mekkour, les données récentes suggèrent que les microplastiques et les nanoparticules peuvent effectivement provoquer des altérations cutanées, des réponses inflammatoires et perturber l’homéostasie des fonctions physiologiques de la peau.
… sur l’écosystème marin
Les déchets en plastique sont omniprésents dans l’environnement : dans l’air, l’eau et les sols. Ils constituent une réelle menace pour les organismes marins et la santé des écosystèmes. Les animaux marins ont en effet tendance à les confondre avec de la nourriture, ce qui peut entraîner des blocages digestifs, des maladies et même leur mort.
Ces microplastiques peuvent aussi absorber et transporter des substances chimiques toxiques, telles que les polluants organiques persistants (POP), comme les pesticides, qui peuvent alors contaminer la chaîne alimentaire et avoir des effets sur la santé humaine. D’ailleurs, selon les récentes études, il y aura, en 2050, plus de plastique que de poissons dans les océans.
De ce fait, Samir Grimes, expert en environnement, explique que le déchet plastique en mer est un danger permanent pour la vie marine. Selon lui, le caractère nocif du plastique pour l’environnement s’exprime à divers niveaux du fait de sa taille variable entre macroplastique, microplastique et nanoplastique, sa composition chimique et surtout de la durée très longue de sa durée de décomposition. «Les plastiques sont des polymères qui sont obtenus par fragmentation ou craquage d’hydrocarbures, auxquels sont rajoutées diverses substances chimiques pour les rendre exploitables», ajoute-t-il. Ces additifs augmentent donc leur dureté, les ramollissent, les stabilisent et les colorent.
«Ce sont en réalité des milliers de substances qui y sont rajoutées par l’industrie du plastique à travers divers process provoquant des réactions chimiques avec des risques avérés sur l’environnement», poursuit M. Grimes.
Précisant que de nombreuses espèces sont extrêmement sensibles à cette pollution chronique et persistante. «Ils sont des vecteurs de contamination, entrent dans la chaîne trophique marine et se substituent aux organismes planctoniques parmi les matières ingérées par les espèces, qui ne les distinguent pas nécessairement de leurs véritables sources de nourriture», assure-t-il.
Et c’est de cette manière que ces espèces dépensent de l’énergie inutilement pour les absorber et les «digérer». Cela peut entraîner la mort de l’espèce. Par ailleurs, le spécialiste assure que le plastique en mer sous l’attaque des rayons solaires et de l’érosion due aux vagues voit sa surface se transformer et créer des microstructures transformant le plastique en microplastique.
Ces microstructures facilitent, selon lui, l’accumulation et la fixation des métaux lourds et des polluants organiques persistants, qui seront libérés par la suite pour affecter les espèces marines et probablement entraîner leur mort. «Le plastique peut perturber le cycle de reproduction des tortues marines ainsi que le cycle hormonal de nombreuses espèces du fait des concentrations de phtalates et les bisphénols qu’il peut contenir», affirme-t-il.
Ainsi, les macrodéchets et microdéchets en plastique, en servant de moyens de transport pour certaines espèces marines, «accélèrent le phénomène d’introduction des espèces non indigènes et interagissent ainsi comme facteur amplifiant ces introductions qui sont, dans de nombreux cas, nuisibles pour la biodiversité locale, pour la pêche, l’aquaculture et le tourisme», ajoute Samir Grimes. «Les effets directs sont l’obstruction des voies de la digestion, empêchant ou réduisant sensiblement la possibilité de passage des nutriments», soutient-il.
L’enjeu des prochaines années serait donc de réduire et de mettre en œuvre des mesures de gestion efficaces pour limiter la présence des microplastiques afin de préserver la santé des humains et l’environnement. «Il est évident qu’il faut une stratégie nationale pour limiter l’utilisation des plastiques, en particulier ceux qui posent des problèmes», assure M. Grimes. Cette stratégie de réduction du plastique dans la société ne peut être, selon lui, que graduelle et ne doit pas ompromettre le secteur pétrochimique national qui est considéré comme névralgique.
A ce titre, le chercheur estime important d’être très attentif aux négociations actuelles sur un traité international relatif au plastique, notamment marin. «Interdire totalement ou remplacer radicalement des produits fabriqués en plastique peut entraîner l’utilisation d’alternatives qui ont un impact beaucoup plus important sur l’environnement», suggère-t-il.
Il y a lieu de procéder, selon lui, progressivement concernant l’utilisation du plastique et appliquer la réglementation dans toute sa rigueur. «La réduction du plastique en mer doit privilégier des alternatives durables comme les matériaux biodégradables ou réutilisables», affirme-t-il. Par ailleurs, M. Grimes juge essentiel de sensibiliser les citoyens pour améliorer la collecte, le recyclage et la gestion des déchets plastiques dans les zones côtières et maritimes. «Actuellement, il n’y a aucune stratégie claire dans ce sens.
Il existe de plus en plus de solutions avec des coûts qui ont tendance à diminuer pour la collecte des déchets plastiques flottants et des systèmes de filtration qui pourraient aider à récupérer les déchets plastiques dans les oueds avant leur arrivée en mer ainsi que pour la récupération de ce type de déchets dans les ports et les zones confinées de la côte algérienne», conclut-il.
…sur la chaîne alimentaire
«Les dangers du plastique et de ses dérivés sur l’eau sont nombreux et variés, avec des impacts à la fois environnementaux et sanitaires», assure Soumeya Khaled-Khodja, docteur en Génie des procédés, Laboratoire de physico-chimie des matériaux, Faculté des sciences et de la technologie, université Chadli Bendjedid d’El Tarf.
Selon elle, les déchets plastiques, qu’ils soient de grandes pièces ou de minuscules microplastiques, polluent les océans, les rivières et les lacs. Selon elle, les plastiques ont la capacité d’absorber des polluants présents dans l’eau, tels que les pesticides, les éléments traces métalliques (ETM) et les produits chimiques industriels. Ces polluants peuvent ensuite être libérés dans l’environnement ou s’accumuler dans la chaîne alimentaire.
De plus, les produits chimiques présents dans le plastique peuvent, selon la spécialiste, être libérés dans l’eau et entrer en contact avec notre peau lors de la baignade ou des activités nautiques, sachant que certains de ces produits chimiques sont connus pour être perturbateurs endocriniens et cancérigènes. Ce qui n’est évidemment pas sans conséquences sur la santé des individus.
En effet, selon Mme Khaled-Khodja, les microplastiques et les polluants associés peuvent se retrouver dans les poissons et les fruits de mer que nous consommons. Par quel mécanisme ? «Les plastiques peuvent absorber des polluants présents dans l’eau (pesticides, ETM, etc.), qui se concentrent ensuite dans les tissus des organismes marins.
Ce phénomène de bioaccumulation se transmet à travers la chaîne alimentaire, d’un niveau trophique à l’autre, jusqu’à atteindre les prédateurs apex, comme les poissons que nous consommons», explique-t-elle. Sachant que les microplastiques se retrouvent dans de nombreux produits de la mer, tels que les poissons, les crustacés et les mollusques. «En consommant ces aliments, nous ingérons également ces particules, dont les effets sur la santé humaine ne sont pas encore entièrement connus», poursuit-elle.
Par ailleurs, la spécialiste explique que la pollution plastique peut perturber les écosystèmes marins, en affectant la reproduction, la croissance et la survie de nombreuses espèces. La disparition de certaines espèces clés peut entraîner un déséquilibre de l’écosystème et une perte de biodiversité. La pollution plastique représente une menace insidieuse et croissante pour les écosystèmes marins et terrestres, et par conséquent, pour notre chaîne alimentaire. C’est pourquoi, elle estime important de prendre des mesures pour réduire notre consommation de plastique et améliorer la gestion de nos déchets.
A cet effet, elle recommande de réduire notre consommation de plastique à usage unique et privilégier les emballages réutilisables et se renseigner davantage sur les enjeux de la pollution plastique et encourager un changement de comportement. «En conclusion, la réduction des microplastiques nécessite une action concertée de tous les acteurs de la société, à savoir citoyens, entreprises et pouvoirs publics. En adoptant des comportements plus responsables, nous pouvons contribuer à préserver la santé de notre planète et des générations futures», conclut-elle.
… en agriculture
L’agriculture utilise de plus en plus de plastique, que ce soit pour la production ou la conservation des produits dans l’agroalimentaire. Une utilisation qui n’est pas sans poser des interrogations en matière de pollution. «C’est dans le secteur du maraîchage que l’usage du plastique est le plus important en Algérie, en cause le développement de la culture sous serre», affirme Djamel Belaid, ingénieur agronome. «De nouveaux usages sont apparus. C’est le cas des balles rondes enrubannées pour le conditionnement du maïs ensilage, une technique très en vogue dans le sud du pays.
Le maïs est fauché, broyé puis conditionné sous formes de balles rondes d’un quintal ou le plus souvent une tonne», explique-t-il. Et afin que la conservation soit assurée durant deux ans, la couverture plastique doit être imperméable à l’air, ce qui oblige à utiliser plusieurs couches de film plastique. Sachant que le «paillage plastique avec utilisation de films de couleur noire se développe également pour la culture de pastèques et melons», précise M. Belaid. «Il est possible de recycler le plastique à usage agricole», assure néanmoins le spécialiste.
Selon lui, dans le cas des films plastiques, la difficulté est qu’il en existe de plusieurs sortes : transparent, blanc ou noir. Dans le cas du plastique transparent utilisé pour couvrir les serres, ce recyclage est, selon M. Belaid, possible à la condition qu’il ne soit pas souillé par de la terre. Mais cela exige une attention à chaque étape, à savoir au moment de la fabrication, lors de l’utilisation (pose, opérations culturales), de la dépose, de l’enlèvement et du stockage au niveau des points de collectes.
Par ailleurs, et avec l’introduction de nouvelles techniques agricoles, les usages et les types de plastique se diversifient. «La culture des pommes utilise par exemple des filets anti-grêle, les semences certifiées sont conditionnées en big-bag ou sacs en plastique de 50 kg, de même que les engrais. Pour leur part, les produits phytosanitaires sont contenus dans des bidons de plastique rigide», explique-t-il. Selon lui, face à la diversité des caractéristiques particulières des plastiques utilisés en agriculture, le tri à la source permet d’obtenir une bonne qualité de la matière collectée. «Le tri à la source est donc capital pour recycler la matière», précise-t-il.
…et dans le secteur agroalimentaire
«Dans le secteur agroalimentaire, l’utilisation du plastique est omniprésente, comme contenant, notamment dans les eaux minérales», assure M. Belaid. Là, aussi à la question de la mise en place de circuits de collecte, s’ajoute la question de la diversité des types de plastiques, à savoir plastique des bouteilles d’eau minérale, jus et sodas, film plastique des produits frais en barquette, plastique blanc des produits laitiers ou plastique à l’intérieur des boîtes de conserve.
Sachant que chacun de ces plastiques présente des risques sanitaires. «Le cas de l’huile d’olive est particulier», assure M. Belaid. Selon lui, certains plastiques contiennent des phtalates. «S’ils sont très peu solubles dans l’eau, ils présentent une forte affinité pour les corps gras. Des substances que l’on trouve en particulier dans les plastiques mous, tels les tuyaux qui peuvent être utilisés dans des opérations de transvasement de l’huile d’olive.
Quant aux contenants plastiques sans phtalates, ils sont fortement déconseillés par les professionnels», avance-t-il. C’est pourquoi, il estime important d’éviter de stocker l’huile d’olive dans des contenants en plastique, car ce matériau peut altérer la qualité de l’huile. «En effet, le plastique peut contenir des produits chimiques pouvant se dissoudre dans l’huile et donc la contaminer», ajoute-t-il.
Par ailleurs, le spécialiste assure que certains plastiques peuvent être recyclés en objets, tels les poubelles, arrosoirs, bancs et tables pour espaces publics, poteaux, voire être mélangés au bitume des routes. Outre la collecte et le recyclage du plastique, M. Belaid assure qu’il existe une alternative, à savoir remplacer, à chaque fois, par des matériaux naturel. «A cet égard, la distribution de couffins traditionnels peut être une initiative à étendre», conclut-il.
Attention aux vêtements de sport
«Leurs petites dimensions augmentent leur capacité à franchir la barrière cutanée, accentuant encore les appréhensions associées à une exposition prolongée», affirme le Dr Mekkour. Par ailleurs, la spécialiste met en garde contre certains vêtements de sport. En effet, des études ont démontré que les vêtements de sport fabriqués à partir de matières synthétiques, libèrent des microplastiques une fois portés.
A cet effet, la dermatologue explique : «En dehors du fait que la matière synthétique des vêtements de sport, associée à la transpiration, peut avoir des effets irritants, provoquer des allergies, perturber le microbiote cutané et favoriser les mycoses cutanées, les vêtements de sport peuvent contenir des produits chimiques toxiques notamment le bisphénol A.» Selon elle, cette substance est un puissant perturbateur endocrinien très nocif pour l’être humain.
C’est pourquoi, elle estime important que ces vêtements soient soumis à une réglementation et un contrôle stricts. De son côté, le Dr Yacine Iddir recommande de privilégier les textiles naturels, comme le coton ou le lin, plutôt que le polyester ou le nylon.
Le danger des biberons en plastique
Si les dangers provoqués par les particules de plastique ne sont pas encore totalement élucidés, comme leur regroupement au niveau d’une partie sensible d’un organe ou le passage de fragments dans les cellules, notamment cérébrales, il est toutefois vérifié que les bébés nourris au biberon en plastique consommeraient des millions de microplastiques par jour.
«Ces enfants absorbent des quantités importantes de microplastiques par jour en fonction du nombre de biberons donnés», assure le Pr Khiati. Selon lui, lorsque l’on chauffe un biberon en plastique pour le nettoyer jusqu’à ébullition de l’eau, la libération de ces particules est augmentée de façon importante. Les biberons en plastique ont d’ailleurs été déconseillés d’emploi pour des raisons d’hygiène, car leur nettoyage laisse toujours des bactéries qui peuvent être nocives. «La libération de microparticules de plastique n’était alors envisagée. Aujourd’hui, on peut dire que les biberons en plastique ne doivent pas être utilisés chez le bébé sauf pour un usage unique», explique le spécialiste.
Le problème concerne, selon lui, également les tétines utilisées avec les biberons même en verre, ou laissées dans la bouche de l’enfant pour qu’il ne pleure pas. «Dans ce dernier cas, elles peuvent déformer le palais de la bouche de l’enfant et lorsqu’elles sont remplies d’eau sucrée, elles peuvent aussi causer, par manque d’hygiène, des diarrhées», poursuit le Pr Khiati. C’est pourquoi, il recommande la généralisation de l’emploi de la bouteille en verre, principalement dans les hôtels et les restaurants. «L’Etat doit interdire l’usage des biberons en plastique. Les services de santé, en particulier les maternités et les PMI (protection maternelle et infantile), doivent sensibiliser les mamans aux dangers des tétines», conclut-il.