Le SIPRI alerte dans son dernier Yearbook 2022 : Les grandes puissances relancent la course aux armes nucléaires

14/06/2023 mis à jour: 03:11
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Photo : D. R.

Les tensions géopolitiques grandissantes poussent les neuf pays dotés d’armes nucléaires à se lancer dans des programmes de modernisation et de renforcement de leurs arsenaux.

La course aux armements nucléaires reprend de plus belle. Selon le Sipri (Stockholm International Peace Research Institut), qui a publié hier les conclusions de son étude analytique de l’état de la situation actuelle des armements dans le monde, les stocks d’armes nucléaires devraient augmenter considérablement durant la prochaine décennie.

La raison ? Les tensions géopolitiques grandissantes poussent les neuf pays dotés d’armes nucléaires, à savoir les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord, à se lancer dans des programmes de modernisation et de renforcement de leurs arsenaux nucléaires. «Bien qu’il ait diminué légèrement entre janvier 2021 et janvier 2022, le nombre total d’armes nucléaires pourrait augmenter dans la prochaine décennie», avertit le Sipri dans son Yearbook 2022.

Plus de 9000 ogives potentiellement utilisables

Cet institut international de recherche sur les conflits, les armes, le contrôle des armements et le désarmement indique qu’au début 2022, un total de 12 705 ogives nucléaires a été recensé dans le monde. Parmi ces ogives, 9440 sont potentiellement utilisables, dont 3732 ont été déployées dans des missiles et des avions. Le Sipri précise qu’«environ 2000 d’entre elles – dont la quasi-totalité appartient à la Russie ou aux Etats Unis – étaient maintenues en état d’alerte opérationnelle élevé». Autrement dit, ces ogives sont prêtes à l’utilisation. En pleine guerre en Ukraine, la Russie a proféré des menaces ouvertes d’une éventuelle utilisation d’armes nucléaires.

La Russie et les Etats-Unis, faut-il le préciser, possèdent à eux seuls plus de 90% des armes nucléaires mondiales. Avec un ambitieux programme lancé depuis plusieurs années, la Chine arrive en troisième position. Son arsenal nucléaire est en pleine expansion. Il comprend, d’après cet institut, «la construction de plus de 300 nouveaux silos à missiles». «On pense que plusieurs ogives nucléaires supplémentaires ont été affectées aux forces opérationnelles en 2021 suite à la livraison de nouveaux lanceurs mobiles et d’un sous-marin», relève le Sipri.

La Corée du Nord intensifie, elle aussi, ses essais nucléaires dans l’océan Pacifique. «La situation actuelle appelle à redoubler d’efforts pour renforcer massivement la force militaire afin de garantir pleinement la souveraineté, la sécurité et les intérêts fondamentaux de la Corée du Nord, en réponse aux manœuvres militaires inquiétantes des Etats-Unis et d’autres forces hostiles», a déclaré Kim Jong-un, dirigeant suprême de la Corée du Nord, pour qui «la Corée du Sud est à la portée de frappes nucléaires». Le pays de Kim Jong-un «a maintenant à sa disposition 20 ogives et possède suffisamment de matière fissile pour un total de 45 à 55 ogives».

Manque de transparence

Le Sipri affirme aussi que «l’Inde et le Pakistan semblent étendre leurs arsenaux nucléaires en continuant à développer de nouveaux types de système de vecteurs». «Israël, qui ne reconnaît pas publiquement posséder des armes nucléaires, est également soupçonné de moderniser son arsenal nucléaire», ajoute la même source. L’Institut cite, également, la France, qui a officiellement lancé «son programme de développement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de troisième génération».

Le Royaume-Uni a, pour sa part, décidé d’augmenter le plafond de son stock total d’ogives, inversant ainsi des décennies de politique de désarmement progressif. «Tout en critiquant la Chine et la Russie pour leur manque de transparence sur leurs arsenaux nucléaires, le Royaume-Uni a également annoncé qu’il ne divulguerait plus publiquement les données sur le stock opérationnel d’armes nucléaires du pays, les ogives ou les missiles déployés», souligne cet institut basé à Stockholm.

Ces données font dire à Hans M. Kristensen, directeur du Nuclear Information Project à la Federation of American Scientists (FAS), que «la réduction des arsenaux nucléaires mondiaux après-guerre froide est terminée». De son côté, Wilfred Wan, directeur du programme armes de destruction massive du Sipri, assure que «tous les Etats dotés d’armes nucléaires augmentent ou modernisent leurs arsenaux et renforcent le rôle que jouent ces armes dans leur stratégie militaire».

Il s’agit pour lui d’une «tendance très inquiétante». Pour le directeur du Sipri, Dan Smith, «le risque d’utilisation d’armes nucléaires semble plus élevé aujourd’hui qu’à tout autre moment au plus fort de la guerre froide». Stefan Löfven, président du conseil d’administration du Sipri, a lié cette situation au contexte international marqué par la «détérioration des relations entre les grandes puissances mondiales».

Aussi, même s’ils considèrent que «la guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être mené», les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies «continuent d’étendre ou de moderniser leurs arsenaux nucléaires et semblent accroître la place accordée aux armes nucléaires dans leurs stratégies militaires», relève encore l’étude du Sipri. 

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