Le Maroc traverse actuellement l’une des périodes les plus critiques de son histoire récente en matière de ressources hydriques. Confronté à une sécheresse persistante depuis plusieurs années, le royaume chérifien voit ses réserves en eau s’épuiser à un rythme alarmant, exacerbant un stress hydrique déjà structurel.
Cette situation dramatique a conduit le roi Mohammed VI à appeler son peuple à s’abstenir du traditionnel sacrifice de l’Aïd El Kébir en raison des conséquences désastreuses de la sécheresse sur le cheptel et les ressources en eau. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que les décideurs du royaume ont recours à cela. Son père, le roi Hassan II, avait pris une décision similaire pour les mêmes raisons en 1996. En 1963, le roi avait aussi annulé le rituel du sacrifice en raison de la «guerre des sables» entre le Maroc et l'Algérie, qui a affecté la situation économique du pays.
«Notre pays affronte des défis climatiques et économiques qui ont eu pour conséquence une régression substantielle du cheptel», a noté Mohammed VI dans un discours lu par le ministre des Affaires religieuses à la télévision publique. Une décision qui vise à éviter une surconsomma-tion d’eau pour l’abattage et à protéger un secteur agricole déjà fragilisé, tout en sensibilisant la population à la gravité de la situation. Il faut dire que depuis 2018, le Maroc subit une série de sept années consécutives de sécheresse. Avec une disponibilité en eau de seulement 500 m³ par habitant et par an, contre 2600 m³ en 1960, il figure désormais parmi les nations en situation de «stress hydrique sévère».
Selon des données du ministère de l’Equipement et de l’Eau, les précipitations ont chuté de manière drastique. Au cours de la saison 2024-2025, le déficit pluviométrique atteint 53% par rapport à la moyenne des 30 dernières années. Cette baisse a eu incontestablement des répercussions directes sur les réserves hydriques du pays. Il s'agit de la pire sécheresse depuis le début des années 1980.
Cette diminution reflète une tendance inquiétante : les apports en eau aux barrages ont atteint leur niveau le plus bas depuis 1945, avec une moyenne annuelle de seulement 3,6 milliards de mètres cubes.
Les dernières statistiques publiées par le ministère de l’Équipement et de l'Eau, le 18 février 2025, ont révélé que le taux de remplissage des barrages au niveau national s'élève à peine à 27,58%, ce qui reflète le déficit hydrique persistant dans ce pays, malgré l'enregistrement d'une légère amélioration dans certains bassins par rapport à l'année dernière.
Cette baisse continue du taux de remplissage des barrages suscite des inquiétudes quant à la sécurité de l'eau au Maroc, notamment avec la forte demande en eau due à la croissance démographique et aux changements climatiques qui ont entraîné une diminution des précipitations. Les experts appellent à la nécessité de renforcer les politiques de gestion de l'eau en améliorant les infrastructures hydrauliques, en développant des projets de dessalement de l'eau et en améliorant l'utilisation de ressources non traditionnelles, telles que le recyclage des eaux usées. Le plus grand défi auquel le Maroc est confronté reste l’approvisionnement en eau pour l’agriculture, l’industrie et la consommation domestique, notamment à la lumière du changement climatique et de la sécheresse persistante qui affecte les ressources en eau du pays.
Défi majeur pour l’agriculture
La sécheresse a des répercussions dramatiques sur le secteur agricole, pilier de l’économie marocaine, qui représente 14% du PIB et emploie près de 39% de la population active. Les cultures irriguées, en particulier celles destinées à l’exportation (agro-exportation), comme les agrumes et les légumes, souffrent d’un manque d’eau chronique. Un déclin de la production pourra entraîner une baisse des revenus d'exportation du Maroc et accroître par conséquent la vulnérabilité des agriculteurs, déjà soumis à un environnement de plus en plus aride.
Pour contrer cette crise, le Maroc a misé sur plusieurs stratégies. Le dessalement de l’eau de mer, bien que coûteux, est une priorité, avec des projets comme la station de Casablanca, toujours en chantier, qui devrait alimenter la mégalopole d’ici 2026. Néanmoins, le projet en question a accumulé un retard considérable.
Le programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation (2020-2027), doté de 150 milliards de dirhams, prévoit également la construction de nouveaux barrages et l’interconnexion des bassins hydriques, comme celle de Sebou-Bouregreg. Malgré cela, le débit d’eau a été réduit de 10% à Casablanca.
Cependant, ces projets se heurtent à des retards et à des défis structurels. La rationalisation de l’usage de l’eau dans l’agriculture reste un enjeu majeur, tout comme la lutte contre l’envasement des barrages existants.
Sans un centre de désensablement opérationnel et une réforme profonde des pratiques agricoles, le Maroc risque de voir son stress hydrique s’aggraver, avec des conséquences sociales et économiques encore plus lourdes.