Le long métrage slovène «Jezdeca» projeté aux 8es Journées du film européen d’Alger : Sur le chemin de la liberté, du rêve et du doute

27/02/2024 mis à jour: 00:59
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Une séquence du film «Jezdeca» réalisé par Dominik Mencej

«Jezdeca» est le premier long métrage de Slovénie projeté en Algérie. Le public de la Cinémathèque d’Alger a découvert un échantillon de ce cinéma particulier de l’Europe centrale.
 

Réalisé par Dominik Mencej, «Jezdeca» (Cavalier) a été projeté, dimanche 25 février, à la faveur des 8es Journées du film européen qui se poursuivent jusqu’au 29 février. L’histoire se passe au printemps 1999. 

A l’époque, on faisait courir le bruit «d’un grand bug» mondial dans les systèmes informatiques, en raison du passage à un autre millénaire. Cette fausse idée est exploitée dans le film mais d’une autre manière. Tomaz (Timon Šturbej) vit seul avec sa mère dans le village Prlekija, au nord-est verdoyant de la Slovénie, non loin des frontières avec l’Autriche, la Hongrie et la Croatie. Ils gagnent leur vie en nettoyant l’église et en s’occupant du cimetière. Une vie ordinaire mais calme. Croyant, Tomaz rêve d’entrer par une porte céleste, le haut d’une colline, une nuit de pluie. A l’opposé, Anton (Petja Labović), moins rêveur et quelque peu turbulent, quitte son travail de facteur de village en ouvrant les lettres qu’il était censé distribuer, après une dispute avec le patron. Il vient proposer à Tomaz de passer un week-end à Ljubljana, la capitale de la Slovénie, pour retrouver une copine. Tomaz, peu habitué aux airs de la grande ville, hésite, ne veut pas laisser sa mère seule. 

Les deux jeunes hommes transforment dans un garage leurs mobylettes en choppers et s’engagent sur la route. Ils rencontrent une jeune fille (Anja Novak) habillée en religieuse. «Vous ressemblez à un pingouin», se moque Anton. La fille, en quête de liberté elle aussi, s’embarque avec eux dans l’aventure. Elle se débarrasse de son foulard comme pour s’offrir une nouvelle vie.
 

De nouvelles vérités

Tomaz et Anton font la rencontre aussi de Drago (Nikola Kojo), un vieux routier solitaire et triste à la recherche de lui-même. En cours de route, les deux amis découvrent de nouvelles vérités. Tina, la copine de Ljubljana, refuse de suivre Anton. Ce dernier confie qu’il n’a pas connu son père. Et Tomaz ne sait pas s’il doit aimer ou pas la fille du couvent. Les visions religieuses reviennent souvent le hanter. Il rejoint un groupe de motards qui, en cours de route, viennent «bénir» leurs motocyclettes par le curé. Anton et Tomaz se disputent. Leur amitié est mise à rude épreuve. La sortie du village a permis de dévoiler la personnalité encore instable des deux garçons.Tout dans ce film qui peut relever du cinéma contemplatif à la Terrence Malick invite à la remise en cause. 

Remise en cause des choix de vie, des décisions du passé, des relations à établir avec les autres...Les images soignées de Janez Stucin permettent d’apprécier l’harmonie des paysages de la Slovénie et de la Croatie avec les forêts, les lacs, les collines, les prairies, les rivières... Tomaz et Anton évoluent dans une beauté naturelle qui paraît les dépasser, voire les submerger. Dominik Mencej fait, pour l’occasion, un savoureux plaidoyer pour la nature. Le montage délicat de Andrej Nagode et de Matic Drakulić donne du rythme à un road-movie poétique et psychologique sur la quête de soi. Est-on réellement le «produit» de son environnement ? Quelle est donc la place de la religion dans la vie des jeunes ? La confiance peut-elle résister à l’épreuve du temps ? Une foule de questions que ce long métrage porte sur le sens de l’existence et de l’identité.

Tomaz, Anton et la fille du couvent se recherchent, s’engagent sur la route à la recherche de réponses. Le film questionne aussi le rôle de la famille. Tomaz n’a pas de père, Anton n’a pas d’image de son père, la fille n’a pas de parents et Drago n’a aucune attache familiale. 
 

Un millénaire «technologique»

Peut-on vivre sans famille ? L’autre grande question posée au nouveau millénaire. Un millénaire «technologique» qui finira-peut-être-par écraser l’humain en prétendant «chercher» son «confort», son «progrès» et son «bonheur». «Jezdeca» est le premier long métrage de Dominik Mencej, 38 ans. Un début prometteur pour ce cinéaste grand amoureux du réalisme magique qui ose la narration non conventionnelle comme dans «Jezdeca». Un film qui donne un aperçu sur le cinéma de qualité qui est produit dans la région des Balkans et en Europe orientale mais qui ne trouve pas toujours son chemin vers «les grands» festivals internationaux. 

Des festivals qui s’installent dans l’ennui oppresseur du conformisme. Outre la Slovénie, «Jezdeca» a été coproduit par l’Italie, la Croatie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine.  Le film a reçu une dizaine de prix dans les festivals organisés dans les Balkans. Lors du 25e Festival du film slovène, il a décroché quatre distinctions. Mérité ! 
 

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