Le chef d’Ennahdha est actuellement en détention : Ce qui est vraiment reproché à Rached Ghannouchi

23/04/2023 mis à jour: 03:49
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Rached Ghannouchi, le chef du parti Ennahdha - Photo : D. R.

Retour sur la chute dans l’abîme de l’islam politique en Tunisie, accusé par le président Saïed d’être derrière l’actuelle grave crise traversée par la Tunisie. Certaines réserves occidentales n’ont pas empêché la Tunisie d’avancer dans cette purge.

Le parquet antiterroriste en Tunisie aurait attendu d’avancer dans les investigations sur l’affaire dite de «complot contre la sûreté de l’Etat», avant de procéder à l’arrestation du leader d’Ennahdha, le lundi 17 avril au coucher du soleil. Les premières déclarations de sources officieuses parlaient alors de «déclarations incitatives, lors de la veillée du 15 avril, organisée par le Front de salut national».

Mais, l’interrogatoire de Ghannouchi, organisé en présence d’avocats, a révélé qu’il s’agit de la même affaire de «complot contre la sûreté de l’Etat», déclenchée depuis la mi-février dernier, qui a motivé l’arrestation du leader d’Ennahdha. Un mandat de dépôt a été émis contre lui le jeudi 20 avril à l’aube.

Des avocats présents lors de l’interrogatoire ont révélé à El Watan qu’un très volumineux dossier récapitule les poursuites contre Ghannouchi, le leader d’Ennahdha.

Certaines sources officieuses prétendent même que la relance des relations tuniso-syriennes s’était accompagnée de la transmission de Damas à Tunis de révélations précises concernant les réseaux d’enrôlement de jeunes Tunisiens dans la guerre en Syrie et que le leader d’Ennahdha serait impliqué. Il s’agirait, semble-t-il, d’une reddition des comptes, en bonne et due forme, des principaux dirigeants de la décennie écoulée. Plusieurs dizaines de personnes sont sous les verrous à partir de février 2023, dans le cadre de cette affaire. Il ne s’agit pas uniquement de membres d’Ennahdha.

Il y a également le lobbyiste, faiseur de présidents, Kamel Letaïef, le président du Parti républicain, Issam Chebbi, la porte-parole du Front de salut national, Salma Aïssa et bien d’autres personnes. Ennahdha a considéré, dans un communiqué publié suite à l’arrestation de Ghannouchi, qu’il s’agit de «manœuvre de diversion pour contourner l’opinion interne contre l’échec de la politique gouvernementale en matière de lutte contre la grave crise socioéconomique et financière traversée par la Tunisie».

Ce n’est pas un simple hasard que l’arrestation de Ghannouchi ait été opérée au moment de la rupture du jeûne de la nuit du Destin. Il y a peut-être le côté symbolique de cette purge qualifiée de salvatrice par le président Saïed, que l’arrestation du principal responsable présumé soit faite en ce jour sacré. Mais, il y a aussi l’aspect sécuritaire puisque la ville est pratiquement vide en ce moment de la journée.

Zéro risque de contestation, puisque les Tunisiens sont concentrés sur les fêtes de l’Aïd. Par ailleurs, on ne saurait ignorer le fait que les sondages successifs d’opinion, organisés par Sigma Conseil, ont régulièrement confirmé que Ghannouchi serait la personnalité politique la plus haïe en Tunisie, avec des pourcentages parfois supérieurs à 90%. En gros, le parti Ennahdha a progressivement perdu sa popularité depuis les élections du 23 octobre 2011, quand il avait réuni plus de 1,5 million de votes favorables.

Trois ans plus tard, en octobre 2014, les votants pour Ennahdha sont descendus à 800.000, avant de chuter à 500.000 en 2019. C’est dire qu’il y a pratiquement désillusion de ce que pourrait apporter ce parti pour les Tunisiens démunis. La déception devient cruelle lorsque tout observateur constate à vue d’œil la transformation du niveau de vie des leaders nahdhaouis.

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a averti, hier, sur les risques de dérapage de la Tunisie par rapport à son orientation démocratique acquise, selon une dépêche d’hier de l’Agence France-Presse.

Baerbock a expressément signifié «la grande inquiétude de l’Allemagne» suite à l’arrestation de Rached Ghannouchi. Son de cloche identique du côté du département d’Etat américain. Ennahdha et les islamistes arabes en général avaient les faveurs des Américains et des Allemands au début du printemps arabe.

Critiques

Les donnes ont certes commencé à changer. Ces critiques n’ont pas empêché les Etats-Unis d’offrir à la Tunisie 25.000 tonnes de blé, après concertation avec la Banque mondiale, dans le cadre d’un programme de prévention des crises alimentaires. Le ministère tunisien des Affaires étrangères a remercié le gouvernement des USA pour cette initiative.

Sur un autre niveau, la crise socioéconomique et financière de la Tunisie inquiète l’Europe, spécialement l’Italie et la France, pour son impact sur la migration clandestine. D’où les réserves des Italiens à propos de sanctions contre la Tunisie.

L’Italie et la France ont apporté leurs garanties financières pour le prêt de la Tunisie auprès du FMI. En plus, Antonio Tayani, le ministre italien des Affaires étrangères, a constaté, hier, dans une intervention télévisée, la recrudescence des flux de migration irrégulière de provenance de la Tunisie, sans le moindre soutien de la part des autres pays de l’Union européenne, bien que ces migrants ne restent pas à Lampedusa mais se répartissent en Europe.

Tayani a appelé à soutenir financièrement la Tunisie pour l’aider à faire face à ses difficultés et réduire ces vagues de migrants. Donc, l’intérêt de l’Europe nécessite le sauvetage financier urgent de la Tunisie. Tout le reste peut attendre, démocratie comprise.

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