Le chanteur était l'invité du village Agouni-Fourrou : Hacène Ahres, le maquisard de la chanson sentimentale

01/03/2025 mis à jour: 15:31
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Hacène Ahres - Photo : D. R.

Hacène Ahres, ou celui que plus d'un qualifie de maquisard de la chanson d'amour, a eu, dernièrement, tout le loisir de mesurer sa popularité à l'occasion de la qaada qu'il a animée à Agouni-Fourrou, dans la région des Ouacifs.

Ils étaient nombreux et nombreuses ceux et celles, actuellement pères et mères de famille et dont la jeunesse et l'adolescence furent agréablement bercées par les chansons mélodieuses de l'artiste, à être au rendez-vous que constituait la venue au village de Hacène Ahres. Qu'ils soient d'Agouni-Fourrou ou des villages environnants, en solo, en famille ou en groupe, tous tenaient à ne pas manquer cette occasion qui leur était offerte de pouvoir approcher leur idole, dont ils se contentaient jusqu'ici de la voix et de l'image à travers la télévision, la radio et surtout les réseaux sociaux ces dernières années.

Et à ce titre, tout ce beau monde n'a pas cessé de remercier Tanekra, qui a initié cet atelier, dont il s'agissait du cinquième acte et dont Hacène Ahres fut, donc, l'illustre invité. Plus de deux heures durant, l'artiste a alterné entre interprétation de certaines de ses chansons et échange avec le public.

Comme fut le cas lors de la venue de Farid Ferragui, ce sont encore, cette fois-ci, les deux jumelles Déline et Délina Keddam, âgées de 9 ans, qui ont ouvert le bal en interprétant magistralement la fameuse chanson Ugadegh ad kem-zregh (J’ai peur de te rencontrer), l’une des toutes premières chansons du chanteur, reprise en chœur par une assistance visiblement en transe, chose qui a fortement ému Ahres, qui a tenu à accompagner les deux fillettes en les saluant pour leur prestation de premier ordre.

Ceci avant d’interpréter lui-même l’autre tube phare de sa carrière Tabratt b ul (La lettre du cœur), qu’il a chanté en duo avec Naima Ramdani, laquelle a tenu à être de cette rencontre, tout comme, d’ailleurs, l’autre ténor de la chanson sentimentale, Rabah Lani.

Ces deux derniers ont eu également à interpréter une chanson de Ahres, avant que le fils de Maatkas n’interprète un de ses tubes phares. Katia Ould-Amara, une jeune étudiante de la région de Aïn El Hammam, tout comme Samir Mokhtari et Mohand Hamcha ont interprété, chacun, une chanson de Ahres. Moh Arif interviendra en dernier en reprenant une chanson de l’illustre chanteur en compagnie des deux jumelles Déline et Délina. Ceci alors que Dahbia Mecefah a repris une des chansons fétiches de feu Hassène Abbassi et Djaffar Lahiani a interprété une de ses chansons avant de reprendre une chanson de Mouloud Zeddek.

Le jeune Mohand-Akli Ouarab, âgé d’à peine 15 ans, venu de Yattafène, a été contraint de reprendre deux chansons de Athmani, lui qui a été devancé par les deux sœurs jumelles dans l’interprétation de la chanson qu’il avait prévue de chanter. Comme quoi, Ahres continue de faire des émules parmi les très jeunes générations, qui n’hésitent pas à puiser d’abord dans les œuvres de leurs aînés avant de tracer, pour certains d’entre eux, leurs propres chemins.

Entre une chanson et une autre, l’invité de Tanekra satisfaisait la curiosité des présents, qui l’interrogeaient sur le moindre détail de son parcours d’artiste. Ainsi, l’on apprendra que pour l'illustre chanteur la chanson est comme un «don inné», puisqu’il affirme que tout enfant qu’il était, à peine deux ans, «mon père me dorlotait et me faisait dormir en me faisant écouter la radio». Et de poursuivre en affirmant qu’à l’âge de 8 ans, «je me suis débrouillé ma toute première guitare».

Et d’affirmer avoir «cherché après la chanson et elle m’a trouvé». Et c’est tout naturellement qu’en 1985, il édite son tout premier album avec notamment Ugadegh ad kem-zregh (J’ai peur de te rencontrer), tube par lequel il a d’emblée conquis les cœurs de nombreux mélomanes, suivi d’un deuxième sorti en 1991 avec comme titre Sedhs-itt (Fais-la sourire), une autre chanson sentimentale qui confirme davantage son talent.

Cependant ce deuxième album présentait une singularité du fait qu’il n’y avait pas de photo de l’artiste, avec comme illustration l'œil d’une femme dont le visage apparaissait en noir et blanc. Un fait dicté, explique-t-il, par «l’accomplissement, à cette époque, de mon service militaire qui ne m’autorisait pas à entreprendre quoi que ce soit, déjà que pour mon nom, il a fallu réfléchir pour un autre nom avant de décider de garder le mien mais sans photo».

Le «Maquisard» de la chanson sentimentale

Et quid de son penchant pour l’amour dans son œuvre, fortement caractérisée par une forte prédominance des chansons sentimentales qui ont bâti sa réputation et très tôt ? A cette question, Ahres avoue qu’il s’agit d’un «choix délibéré» qui lui a valu, d’ailleurs, le titre de «maquisard de la chansons sentimentale». A ce titre, Rabah Lani affirme que son ami est un «maquisard à sa manière, une grande école, la nôtre, auprès de qui nous avons beaucoup appris. C’est quelqu’un qui se casse beaucoup la tête et il a le mérite de tracer les premiers sillons que nous avons empruntés».

De sa proximité avec feu Kamel Messaoudi

Le fils du village Aadni, dans la région de Larbaâ Nath Irathen, est également revenu sur sa collaboration avec le défunt chanteur Kamel Messaoudi, avec qui d'aucuns lui trouvent bien de «similitudes». «C'était, il y a 34 ans, en 1991, chez un éditeur, que nous nous sommes rencontrés pour la toute première fois», se rappelle-t-il avec une charge d'émotion perceptible sur son visage. Depuis, une «complicité» est née entre les deux artistes, qui se rencontraient souvent en fin de journée chez le premier à Alger, pour des qaadas.

Cette complicité allait être couronnée d'une toute première chanson écrite par Ahres et que Messaoudi a interprétée, avant la fameuse chanson de feu Slimane Azem, dont Ahres a dû revoir la gamme pour permettre à Messaoudi de mieux l'interpréter. Et de révéler un projet qui devait lier les deux artistes. Il s'agit, explique Ahres, de «tout un album de sept chansons que j'ai préparé sur demande de Kamel.

Nous devions nous voir dans un studio d'enregistrement le 3 janvier 1999 pour les besoins de l'enregistrement de ces chansons, dont il a assuré les musiques. Mais c'était compter sans le terrible destin qui en a décidé autrement, puisque Messaoudi périra quelques jours avant dans un accident de la route, le 10 décembre 1998».

A propos d'une éventuelle édition de cet album à titre d'hommage à son ami, Ahres n'exclut pas cette perspective. «J'ai pensé à un moment donné confier ces chansons à quelqu'un d'autre, avant d'y renoncer pour cause de refus de la famille du défunt, qui ne veut pas que quelqu'un d'autre que moi concrétise cet ultime projet de son fils chéri», confie-t-il, avant d'exprimer son désir «d'honorer» la mémoire de son ami en éditant cet album à titre d'hommage. Un album à propos duquel l'invité de Tanekra précisera que les sept chansons qu'il contient sont des «versions adaptées aux thématiques de chansons déjà chantées en arabe par Messaoudi».

L'artiste, qui comptabilise près de 200 chansons étalées sur une carrière d'une quarantaine d'années, n'est pas près de déposer sa mandoline. C'est que l'homme, même s'il lui arrive d'observer des «trêves», il ne chôme cependant pas en parolier de talent qu’il est. Car l’homme n'hésite jamais à «assister» d’autres chanteurs en leur composant des textes, voire même des musiques.

Une «clientèle» parmi laquelle l’on comptabilise même d'illustres chanteurs, dont il ne citera, cependant, aucun nom. Il lui arrive même d’aller «loin dans sa générosité» en mettant son studio d’enregistrement gracieusement à la disposition de chanteurs, comme en témoigne le chanteur Slimane Kaloun, le modérateur de cette rencontre, avec le poète Madjid Loualiche, qui a épaté l’assistance par la déclamation d’un poème qui a énormément plu à Ahres et ses accompagnateurs.

Seulement deux duos

Tout le long de sa carrière, Ahres a souvent chanté en solo, sauf à l'occasion de concerts publics où il est parfois accompagné de chorales. Mais il a rarement interprété en duo, sauf à deux reprises. D'abord avec Célina puis dernièrement avec Naima Ramdani, pour laquelle il a déjà composé tout un album et en a préparé deux autres.

De la qualité jaillit la qualité mais…

Interrogé sur le «fléau» des reprises par les jeunes interprètes de chansons d’anciens chanteurs, Ahres a, dans un premier temps, hésité d’émettre un quiconque avis avant de se «lâcher». Et Ahres usera d’une métaphore kabyle : «Am ufesqus wa yebba, wa ixus» (C’est comme le melon, il y a un qui a mûri et l’autre à qui manque de mûrissement) pour schématiser la situation marquée d’une inflation de reprises qui, regrette-t-il, parfois, pour ne pas dire souvent, «attentent aux versions originales par une mauvaise interprétation ou le rajout d’un instrument inadéquat». Mais il y a pire, «ces reprises se font le plus souvent sans demande de l’avis de l’artiste ou celui de sa famille», ajoute-t-il dépité. Ceci avant de finir, à ce sujet, en estimant que «de la quantité jaillit toujours la qualité».

Un nouvel album en vue

Ce travail «parallèle» n'est cependant pas de nature à éloigner l'artiste de la production. Il dit être en cours de préparation d'un nouvel album, dont il ne révélera pas la date de sortie, mais a concédé, ceci dit, à livrer un pan et pas des moindres du contenu. Ainsi, interrogé sur ce que représentait pour lui feu Lounès Matoub, Ahres a d'abord observé un petit silence avant de se laisser aller à la confidence : «Ceux qui l'ont tué ignoraient qu'ils lui ont rendu un immense service, puisqu'ils l'ont transformé en légende et l'ont fait introduire dans l'histoire par la grande porte.»

Un dialogue avec le Rebelle

Un destin, poursuit Ahres, que Matoub «n'a jamais craint, tenant mordicus à sa foi et à ses convictions qu'il n'a jamais accepté de marchander. Je pense que le temps a fini par lui donner raison». L’artiste confie que sa toute première rencontre avec le défunt Rebelle était à l'initiative de ce dernier, qui l'avait convié chez lui, lui qui appréciait fortement ses chansons.

Et de faire part d’une chanson prévue dans ce prochain album sous forme de «dialogue» d’avec feu le Rebelle avec, dit-il, «moi qui l’interroge et lui qui me répond». Et comme le veut la tradition, le chanteur a, d’abord, écrit sur le Livre d’or de l’association avant de se voir remettre un diplôme de remerciements.

 

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