Le dossier de l’incompatibilité de l’exercice d’une activité professionnelle avec le mandat de parlementaire domine les débats des députés dans les instances de l’Apn et les discussions de coulisses.
Le nombre de parlementaires ayant été élus en violation de la Constitution de novembre 2020, laquelle, en son article 118, impose à l’élu de ne se consacrer qu’à son mandat parlementaire, est hallucinant.
Selon des sources parlementaires, pas moins de 89 députés seraient visés par ce rappel au respect de l’ordre constitutionnel. Pour éviter que le dossier ne prenne l’allure d’un scandale qui porterait ombrage à l’institution parlementaire, le sujet est appréhendé sous le prisme d'une simple opération technique de mise en conformité avec la légalité constitutionnelle. L'aspect délictuel du dossier est superbement évacué du débat.
Depuis l'élection de la nouvelle Apn, en juin 2021, des députés exercent leur mandat de parlementaire tout en continuant, par ailleurs et au mépris de la loi, à vaquer normalement à leurs obligations professionnelles. Alors que l'opinion attendait que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur contre les cas de cumul de fonctions constatés une année après leur prise de fonction, c'est une solution à l'amiable qui est proposée aux députés ayant contrevenu à cette exigence légale en leur offrant la possibilité de choisir entre leur carrière professionnelle et leur siège de parlementaire.
En plaçant le curseur sur la faute administrative, l’Apn cherche manifestement à absorber cette crise, intra-muros, pour éviter d’éventuelles polémiques et autres tentations velléitaires de refaire l’histoire des dernières élections législatives contestées. Mais pour autant, ceci exonère-t-il la responsabilité de la commission de validation des mandats des députés qui n’avait pas relevé l'entorse à la loi lors de l'examen des dossiers des députés qui font polémique aujourd’hui ?
De la même façon, en amont, la responsabilité de la commission nationale indépendante de surveillance des élections législatives se trouve également pleinement engagée dans cette affaire pour n’avoir pas veillé à vérifier la conformité des dossiers des candidats avec la loi sur ce point précis de l’incompatibilité du mandat parlementaire avec l’exercice d’une activité professionnelle.
Placés devant le choix non négociable de troquer leur carrière professionnelle, leurs activités lucratives, pour certains, contre un siège éphémère de député, quand on est entrepreneur, avocat, médecin libéral, le choix entre l'ambition politique et le projet de vie est facile à faire.
Bien évidemment beaucoup s'interrogent sur les motivations du pouvoir de sortir ce dossier maintenant. Tentation de légitimation institutionnelle à rebours ? La menace d'une démission collective brandie par les députés épinglés pour faire pression sur le pouvoir et l'amener à revoir sa copie rend l'équation d'autant plus complexe à résoudre face au risque d'instabilité qui pèse sur l'institution parlementaire. S'achemine-t-on vers une crise institutionnelle ?