L’Algérie entame son mandat de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU : Le talent de la diplomatie algérienne au service des causes justes

06/01/2024 mis à jour: 05:15
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L’ambassadeur Amar Bendjama, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies - Photo : D. R.

Le 6 juin 2023, l’Algérie a été élue membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour une durée de deux ans (2024-2025). Elle entame en ce début d’année son mandat dans un contexte international extrêmement tendu, marqué par les crimes de masse israéliens à Ghaza.

C’est sans doute la grande nouvelle, sur le plan diplomatique, de ce début d’année 2024 : l’Algérie entame officiellement son mandat de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2025.

C’est pour la quatrième fois de son histoire, convient-il de le signaler, que l’Algérie siégera dans le prestigieux organe décisionnel onusien en qualité de membre non permanent après les mandats de 1968-1969, 1988-1989 et 2004-2005.

Pour rappel, c’est le 6 juin 2023 que la candidature de l’Algérie a été validée par un vote de l’Assemblée générale de l’ONU à une majorité écrasante de 184 voix sur 193.

Notre pays avait été alors élu en même temps que la République de Sierra Leone, la République de Corée (la Corée du Sud), la Slovénie et le Guyana (ne pas confondre avec la Guyane). Ces cinq pays devaient remplacer le Brésil, le Ghana, le Gabon, l’Albanie et les Emirats arabes unis à partir du 1er janvier 2024.

C’est désormais chose faite.Autre information à retenir concernant la composition du Conseil de sécurité de l’ONU : celui-ci est constitué de 15 membres, dont cinq permanents, à savoir la Chine, la Russie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Il compte en outre dix membres non permanents.

En plus de ceux que nous avons cités, il faut compter aussi le Mozambique, l’Equateur, le Japon, la Suisse et Malte. A noter que les membres non permanents participent aux débats ainsi qu’au vote des résolutions mais ne disposent pas du droit de veto, qui reste l’apanage des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.

C’est précisément le 2 janvier 2024 que l’Algérie a étrenné son mandat. C’est ce qu’a annoncé mardi dernier le ministère des Affaires étrangères via son site officiel. «L’Algérie a entamé aujourd’hui (mardi, ndlr), et pour la quatrième fois de son histoire, son mandat de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2024-2025.

En guise de cérémonie inaugurale, les représentants permanents des cinq pays entrants au Conseil de sécurité ont procédé au placement des drapeaux nationaux de leurs pays respectifs au sein de la célèbre Media Stakeout Area, l’endroit dédié aux déclarations à la presse devant l’entrée de la salle du Conseil de sécurité», peut-on lire dans le document du ministère des AE.

«La question palestinienne, une priorité absolue» 

«A cette cérémonie officielle, indique le document, le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies, l’ambassadeur Amar Bendjama, a réaffirmé l’engagement indéfectible de la diplomatie algérienne, sur les instructions du président Abdelmadjid Tebboune, à contribuer activement à la promotion des valeurs de paix et des vertus du dialogue afin de surmonter les différends et de renforcer la coopération internationale.

L’ambassadeur Bendjama a également souligné que, durant son mandat, l’Algérie sera la voix des peuples opprimés et sous domination coloniale pour réaliser leur droit à l’autodétermination, et s’attellera à renforcer le multilatéralisme, à défendre les règles et principes du droit international, notamment le principe du règlement pacifique des conflits conformément à la Charte des Nations unies.»

M. Bendjama a en outre «déploré la prolifération des menaces à la paix et à la sécurité internationales qui ont atteint leur paroxysme avec les ignobles crimes de guerre, commis depuis presque trois mois, contre le peuple palestinien sans défense», ajoute le communiqué.

«Il a indiqué que la question palestinienne sera la priorité absolue de notre pays au Conseil de sécurité et que l’Algérie œuvrera à mettre fin au génocide dont est victime le peuple palestinien, tout comme elle exigera un cessez-le-feu immédiat et permanent et l’engagement dans un processus de règlement pacifique». «Le moment est venu de donner au peuple palestinien les droits légitimes d’établir son Etat indépendant avec Al Quds Al Sharif pour capitale», a insisté Amar Bendjama.

Il ne fait aucun doute que cette accession de l’Algérie au Conseil de sécurité de l’ONU constitue une grande victoire pour la diplomatie algérienne. Aussi, les attentes sont-elles quelque peu ambitieuses. Mais la tâche, on le sait, ne sera guère aisée, et nos diplomates chevronnés le savent mieux que quiconque.

«Le contexte général dans lequel intervient cette accession est très délicat. Nous vivons une situation exceptionnelle, marquée par une polarisation aiguë des relations internationales, et cela s’est aggravé avec la guerre en Ukraine et davantage encore avec l’agression sioniste contre Ghaza», soulignent des sources au fait du dossier. Et de poursuivre : «Jusqu’à présent, nous avons subi les événements.

Mais à travers ce siège, nous allons œuvrer pour mettre en place une dynamique de nature à jeter des passerelles et tisser des compromis au sein du Conseil de sécurité. Cela ne va pas être facile du fait des intérêts et des positions qui sont opposés.»

Parmi les priorités que s’est fixées l’Algérie afin de mener à bien son mandat, celle de renforcer la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, type Union africaine et Ligue des Etats arabes. Un autre objectif phare consiste à œuvrer de façon à inscrire les questions africaines et arabes dans l’agenda du Conseil de sécurité, à commencer par les questions palestinienne et sahraouie.

L’Algérie est attendue également dans le règlement pacifique des conflits qui sévissent au Sahel (au Mali et au Niger notamment) ainsi qu’en Libye, au Soudan, au Yémen ou encore en Syrie.

Lobbying africain

Si sa marge de manœuvre semble à première vue limitée, l’Algérie dispose cependant d’atouts significatifs. «Notre pays entretient de bonnes relations avec tous les Etats, particulièrement les membres permanents du Conseil de sécurité. L’Algérie est respectée pour la constance de ses positions.

Elle a aussi une tradition de pays médiateur», précisent nos sources. Dans un document de notre représentation permanente aux Nations unies, il est noté à ce propos : «Le respect des principes et idéaux, qui occupe une place de choix dans le corpus doctrinal de la politique étrangère de l’Algérie, lui a permis de contribuer aux efforts internationaux visant à résoudre plusieurs crises régionales et internationales, à travers le dialogue pacifique et la médiation, à l’instar du dénouement de la crise des otages américains à Téhéran en 1981, du règlement du conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée en 2000, et plus récemment la médiation algérienne qui a mené à la signature en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, dont l’Algérie assure toujours la présidence de son Comité de suivi et de mise en œuvre.

Fidèle à sa doctrine, l’Algérie poursuit, également, ses efforts de médiation en Libye en vue de mettre fin à la crise sécuritaire dans ce pays.»

Faisant preuve d’un certain «pragmatisme», l’Algérie, fait-on valoir encore, offre l’avantage de parler à la fois aux Russes et aux Américains, et de pouvoir dialoguer avec des régimes mis au ban de la communauté internationale, comme l’Iran et la Syrie.

On sait aussi que le lobbying est un levier crucial dans les circuits décisionnels pour infléchir la position du Conseil de sécurité. Les pays membres agissent selon leurs affinités.

Il y a donc naturellement des blocs d’influence qui se forment. L’Algérie, elle, s’est d’emblée projetée dans le groupe dit des «A3», et qui comprend donc l’Algérie, la Sierra Leone et le Mozambique. Ce groupe devrait s’élargir au Guyana et formerait le groupe dit «A3+».

Dans un communiqué conjoint sanctionnant la visite officielle effectuée par le président sierra-léonais, Julius Maada Bio, à Alger, il est fait clairement mention de la coopération entre Alger et Freetown dans les coulisses du Conseil du sécurité.

«Les deux Présidents sont convenus de renforcer le dialogue et la coordination entre les deux pays, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies et au sein de l’Union africaine, dans le cadre du Groupe A3 (Algérie, Sierra Leone et Mozambique) afin de défendre les intérêts et les positions communes de l’Afrique», est-il précisé dans le communiqué conjoint.

Pour revenir à la question palestinienne qui, de toute évidence, constitue une urgence absolue, et alors que le Conseil de sécurité peine toujours à émettre une résolution mettant fermement un terme aux crimes de masse israéliens commis quotidiennement à Ghaza, l’Algérie sera certainement attendue sur ce dossier chaud. «Vous le savez, la situation au Conseil de sécurité est figée.

Vous avez les Etats-Unis et l’Angleterre qui sont à fond avec Israël. Ils vont bloquer toute initiative qui ne comporterait pas certains éléments de langage qu’ils souhaitent introduire dans les résolutions», relèvent nos sources, avant d’ajouter : «Nous devons agir sur la base non pas d’un travail individuel mais collectif.

C’est pour cela que nous insistons sur le bloc A3+. C’est pour porter une voix qui ne soit pas la voix de l’Algérie seule, et ce, afin de crédibiliser la démarche et lui donner plus de chances d’aboutir.»

«Nous sommes un maillon d’une machine, et nous devons faire preuve de talent. Nous devons déployer à la fois un effort d’explication et de persuasion. Ce n’est qu’à force d’explication, de persuasion et de lobbying que nous pourrons décrocher des compromis.»
 

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