Bien que la sculpture qui lui soit dédiée ait été vandalisée dans la nuit de vendredi, l’hommage à l’Emir Abdelkader a eu lieu hier matin à Amboise, en présence de l’ambassadeur d’Algérie et des autorités de la ville et du département d’Indre-et-Loire, qui ont dénoncé un acte d’«une bassesse inqualifiable» et un «saccage ignoble».
La ville d’Amboise a rendu hommage hier matin à la mémoire de l’Emir Abdelkader avec l’inauguration d’une stèle à son effigie (saccagée la veille), dans le cadre du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
Le maire de la ville, Thierry Boutard, a dénoncé un «saccage ignoble» dans une «période où certains se complaisent dans la haine des autres». L’œuvre d’art «a été coupée à la meuleuse et tortillée», a par ailleurs indiqué M. Boutard au journal Libération. Et de préciser qu’une enquête a été ouverte pour «dégradation grave». Dans les rangs de l’extrême droite et des nostalgiques de «l’Algérie française», des voix se sont élevées pour exprimer leur rejet de cette œuvre.
L’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed-Antar Daoud, présent hier à Amboise, a indiqué à El Watan que cet acte d’«une bassesse inqualifiable» «ne doit pas constituer un frein à une relation algéro-française apaisée» et «nous dénonçons tous les actes qui ne vont pas dans le sens de la dynamique impulsée par les présidents Tebboune et Macron» pour ce faire.
Pour sa part, l’historien Benjamin Stora a dénoncé «l’obscurantisme et l’ignorance» de ceux qui ont vandalisé la sculpture, dont la réalisation correspond à une des préconisations de son rapport sur «Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie», remis à Emmanuel Macron en janvier 2021.
«C’est consternant», a déclaré à l’AFP l’historien. «Je suis pour le maintien de l’inauguration coûte que coûte. Il faut reprendre le travail, faire en sorte que la statue soit relevée et que ne triomphent pas ceux qui sont dans l’obscurantisme, l’analphabétisme et l’ignorance», a-t-il estimé. «L’Emir Abdelkader a eu plusieurs vies. Il a combattu la France bien sûr mais il a été aussi un ami de la France.
Ceux qui ont fait ce geste ne connaissent rien à l’histoire de France, ce sont des analphabètes, des incultes qui ne savent pas ce qu’a été l’Emir», a regretté Benjamin Stora. «C’était un guerrier mais aussi un philosophe, un mystique, un personnage extrêmement important qui a sauvé les chrétiens d’Orient à Damas en 1860», a-t-il rappelé.
«Ceux qui ne veulent pas de la réconciliation, des passerelles, sont aussi des gens qui sont ignorants de l’histoire. Ils sont enfermés dans une logique de fermeture, de haine, sans jamais connaître l’histoire des autres.» Après une résistance de plus de 15 ans à l’invasion de l’Algérie menée par la première armée du monde, et sa reddition le 21 décembre 1847, l’Emir Abdelkader est gardé en captivité avec sa famille et ses proches au château d’Amboise, après avoir été retenu au fort Lamalgue à Toulon, puis à Pau.
Il est libéré en octobre 1852, suite à une campagne d’opinion publique suscitée par les conditions indignes de sa captivité. L’Emir Abdelkader meurt à Damas le 26 mai 1883. Son corps est rapatrié en Algérie en 1965 pour reposer au carré des martyrs du cimetière El Alia, à Alger.
A préciser que la sculpture intitulée «Passage Abdelkader», œuvre du sculpteur Michel Audiard, est inspirée d’une photographie de la Bibliothèque nationale française (BNF). La sculpture est un portrait découpé dans une feuille en inox laqué Epoxy, couleur rouille, «conçu pour s’intégrer parfaitement dans le patrimoine de la ville, respectant ainsi son architecture», selon la municipalité.
Deux expositions sont également programmées par la ville d’Amboise. L’une présentée à l’église Saint-Florentin est titrée «Abdelkader et l’abbé Louis Rabion». L’autre, au musée-Hôtel Morinest est consacrée à «Abdelkader et la ville». Par ailleurs, une autre exposition sera inaugurée le 6 avril au Mucem de Marseille, en association avec une participation de l’Algérie et de la ville d’Amboise.