Joshua Harris. Sous-secrétaire d’Etat américain adjoint pour l’Afrique du Nord : «Les Etats-Unis apprécient profondément la voix de l’Algérie»

05/09/2023 mis à jour: 18:53
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Photo : El Watan

Dans cet entretien qu’il nous a accordé à la fin de sa visite en Algérie, le sous-secrétaire d’Etat américain pour l’Afrique du Nord, Joshua Harris, a affirmé que les Etats-Unis et l’Algérie partagent la même vision sur la question du Sahara occidental et sur de nombreux autres dossiers au niveau régional. Il a, par ailleurs, annoncé la tenue d’une réunion cet automne, à Washington, dans le cadre du dialogue stratégique entre les deux pays.

  • Vous êtes arrivé en Algérie depuis le 31 août où vous avez eu à rencontrer plusieurs responsables et échangé sur de nombreuses questions régionales. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur votre visite qui a duré jusqu’au 4 septembre ?

C’est un grand plaisir d’avoir la chance de parler avec vous. Je suis arrivé en Algérie il y a quelques jours. J’ai eu la chance de visiter Tindouf, ma première visite. C’était une opportunité pour consulter le secrétaire général (Brahim Ghali) et de hauts responsables du Front  Polisario à propos de notre soutien au processus des Nations unies pour arriver à une solution politique, notamment pour le peuple sahraoui.

C’était une occasion de voir, de visu, la situation très grave à laquelle fait face le peuple du Sahara occidental.  Ici à Alger, j’ai eu l’opportunité de consulter un partenaire très important des Etats-Unis sur un large éventail de questions sur lesquelles nous avons commencé à travailler ensemble, il y a quelques semaines.

Comme vous le savez, il y a eu la visite du ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, aux Etats-Unis qui a rencontré le secrétaire d’Etat Antony Blinken et il a eu un des engagements sérieux et très productifs sur certains sujets dont des défis urgents au Sahel.  J’ai eu le grand honneur de rencontrer le ministre des Affaires étrangères et de discuter avec lui sur de nombreuses questions régionales, incluant notre très fort alignement et notre soutien au processus des Nations unies au Sahara occidental.

J’ai aussi rencontré le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères avec lequel j’ai également abordé les mêmes sujets sur lesquels nous allons avancer ensemble, dans le cadre du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et l’Algérie cet automne. Ce sera une autre opportunité de faire le point sur un partenariat vraiment complet et sur le rôle très important de l’Algérie dans certains dossiers sur lesquels nous travaillons ensemble.

  • Quel est l’objectif de votre visite dans les camps des réfugiés sahraouis, à quelques jours seulement d’une tournée régionale attendue de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura ?

L’objectif de ma visite était de refléter la sincérité de notre gouvernement dans son soutien au processus politique des Nations unies, pour arriver à une solution politique pour le Sahara occidental qui soit durable et digne. C’était ma première visite et c’était une opportunité d’apprendre et de voir directement la situation sur le terrain et de consulter y compris le secrétaire général Ghali sur l’importance de faire avancer le processus des Nations unies, au moment où l’envoyé spécial des Nations unies travaille de façon intensive pour concrétiser ce mouvement politique.

Le Conseil de sécurité, avec le soutien des Etats-Unis, a été très clair, notamment dans sa résolution 2654, sur le soutien total apporté aux efforts de l’envoyé personnel des Nations unies au Sahara occidental et sur le besoin urgent d’agir. C’était donc l’occasion d’exprimer le sérieux avec lequel mon gouvernement soutenait cette démarche. Je pense que cette vision est entièrement partagée par les Etats-Unis et l’Algérie. Nous voulons être sûrs que ce processus des Nations unies réussisse là où malheureusement les efforts consentis précédents n’ont pas abouti.

  • Le soutien des Etats-Unis à la recherche d’une solution politique au conflit du Sahara occidental sous l’égide des Nations unies a été souligné à plusieurs reprises. Comment l’administration américaine compte-t-elle traduire, sur le terrain, son soutien au processus politique onusien pour mettre un terme au statu quo actuel et résoudre de manière durable le conflit du Sahara occidental qui perdure depuis près d’un demi-siècle ?

Il est important de revenir sur ce qui s’est passé ces dernières années pour aboutir à la situation actuelle. Avant la nomination de Staffan de Mistura comme envoyé personnel, il y avait un vide très préoccupant dans le processus politique. Il est important de noter qu’à sa nomination en 2021, il a bénéficié d’un soutien fort du Conseil de sécurité. Il utilise cette position pour faire avancer le processus politique sur le fond. Il s’agit, surtout, de réaliser des résultats significatifs.

Un autre aspect très important, c’est le fait qu’il y a eu, ces dernières années, une escalade militaire dangereuse sur le terrain qui ne peut être contrée que par la réussite du processus des Nations unies. Il y a eu des efforts sérieux qui ont été entrepris ces deux dernières années. Notre gouvernement, en tant que soutien des Nations unies et de De Mistura, essaie d’utiliser ses relations et ses partenariats dont son partenariat très fort avec l’Algérie, pour créer un environnement où le processus des Nations unies pourrait avancer de façon substantielle dans un esprit de désescalade. Nous sommes conscients que cela ne va pas être un travail facile ni rapide. Mais les États-Unis et l’Algérie travaillent de manière constructive pour soutenir M. Staffan de Mistura.

  • Quelle est votre vision de la situation qui prévaut dans la région du Sahel et plus particulièrement ce qu’a connu récemment le Niger ? Et quelle est la position de l’administration américaine face à l’initiative lancée par l’Algérie pour régler la crise au Niger ?

Les États-Unis et l’Algérie entretiennent un dialogue très développé et large sur la sécurité, y compris au Sahel. Il existe toute une série de défis urgents, notamment au Niger, et il est primordial de rétablir l’ordre constitutionnel. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres où la concertation entre l’Algérie et les États-Unis est, à mon avis, d’une importance vitale. Mon gouvernement apprécie profondément la voix de l’Algérie en faveur de la sécurité dans cette région.

C’était un élément central de la visite du ministre des Affaires étrangères, Attaf, à Washington le mois dernier et de ses discussions avec le secrétaire d’Etat Blinken. Cela a été également un élément central des discussions avec l’ambassadrice Aubin et de mes discussions avec le  gouvernement algérien afin de réfléchir ensemble aux défis communs et à la manière dont la voix importante de l’Algérie pourrait contribuer à faire avancer ces questions.

Le ministre des Affaires étrangères a fait part d’une proposition claire et très importante concernant la situation. Je pense que nous observons la situation en étant entièrement d’accord sur l’importance du rétablissement complet de l’ordre constitutionnel. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration au cours des jours et des semaines à venir, pour tenter de tracer une voie à suivre, conformément à cette vision fondamentale.

  • Le gouvernement algérien a adopté une approche exhaustive pour parvenir à la stabilité dans la région du Sahel et a proposé l’organisation, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence internationale sur le développement au Sahel. Les Etats-Unis entendent-ils apporter leur contribution au succès de cette conférence ? Quelle forme prendra-t-elle cette contribution ?

L’Algérie a présenté une vision très réfléchie en matière de développement et même de démocratie dans la région, qui  est comme une sorte de recette vitale pour la stabilité à long terme. C’est une vision que mon gouvernement partage fondamentalement. Je pense que c’est un élément absolument central dans nos relations bilatérales, sur lequel les États-Unis et l’Algérie discutent dans leurs entretiens privés.

Nous réfléchissons, à la fois, à des défis très urgents, tels que les développements qui se déroulent au Niger, mais aussi, il y a une volonté commune d’assurer la durabilité de ces résultats. Et à cet égard, la vision de l’Algérie en matière de développement régional est très convaincante. Nous avons donc pris bonne note de la proposition algérienne annoncée par le ministre concernant cette conférence. Nous avons également exprimé notre gratitude pour l’opportunité offerte d’engager des discussions sur ce sujet.

Je suis sûr que nous aurons d’autres occasions d’en apprendre davantage sur la vision du gouvernement algérien sur ce sujet et d’examiner très attentivement la manière dont les États-Unis pourraient envisager leur rôle potentiel pour la concrétisation de ce projet. Fondamentalement, il est judicieux de veiller à ce que le développement fasse partie de l’équation pour obtenir des résultats durables.

  • L’Algérie et les Etats-Unis mènent un dialogue sécuritaire et stratégique. Comment évaluez-vous ce dialogue qui inclut des aspects liés à la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme transnational, et quelle est la vision des Etats-Unis de la propagation d’organisations irrégulières comme le groupe Wagner dans de nombreux pays africains ?

Il est tout à fait vrai que les États-Unis et l’Algérie entretiennent un dialogue très large, notamment sur les défis communs du terrorisme dans la région. Je pense que les contributions de l’Algérie sont d’une importance vitale. Nous aurons d’autres occasions, au cours des semaines et des mois à venir, de poursuivre ces discussions, notamment dans le cadre du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et l’Algérie dont une réunion aura lieu cet automne, à Washington. Le dialogue portera sur une série de questions.

Mais bien sûr, l’un des éléments importants est ce dont nous venons de discuter en ce qui concerne la sécurité au Sahel, à la fois les défis urgents à court terme et les questions à long terme. Bien entendu, continuer à réfléchir à la manière dont nos gouvernements sont capables de coopérer pour résoudre durablement le problème du terrorisme dans la région est extrêmement important.

Il y a, dans ce sens, la vision importante de l’Algérie en matière de stabilité au Mali où, je pense, nous avons une vision commune en ce qui concerne les menaces que pourraient représenter les groupes terroristes. Des menaces auxquelles nous devons faire face de manière efficace et durable.

Et en ce qui concerne les groupes de mercenaires, comme Wagner, je pense que c’est un moment important pour tout pays de la région, qui a ou pourrait envisager d’entretenir des relations avec ce groupe, de réfléchir vraiment, notamment après son insurrection ratée en Russie et la mort de Prigojine. Ce que je vois, c’est que là où va le groupe Wagner dans la région, l’instabilité le suit immédiatement, et cela doit être pris en considération surtout lorsque nous voulons un avenir à long terme plus durable et plus stable pour l’ensemble de la région.

  • L’Algérie a été élue au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre non permanent. Son mandat débutera en janvier 2024. Quels sont les domaines dans lesquels les États-Unis d’Amérique souhaiteraient coopérer avec l’Algérie qui a déjà fait part de ses priorités et souligné les principaux dossiers qu’elle compte défendre durant son mandat de deux ans ?

Nous avons chaleureusement félicité l’Algérie pour son élection en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et sommes très heureux d’avoir cette opportunité de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires algériens sur l’ensemble des questions portées devant le Conseil de sécurité. L’ordre du jour est incroyablement vaste.

Les domaines de coopération ne manquent donc pas. Ce sera l’occasion d’aborder, dans le cadre multilatéral, un certain nombre de questions dont nous venons d’évoquer, comme par exemple la sécurité au Sahel, la situation très préoccupante au Niger et l’impérieuse nécessité d’y rétablir l’ordre constitutionnel. Il existe également de nombreux autres dossiers régionaux sur lesquels nous allons travailler.

L’Algérie et les États-Unis partagent un engagement très profond sur le dossier israélo-palestinien à faire aboutir une solution à deux États pour garantir des mesures égales de sécurité, de stabilité et de prospérité aux Israéliens et aux Palestiniens. C’est un dossier important qui reste devant le Conseil de sécurité.

En Libye, le Conseil de sécurité reste pleinement uni derrière l’envoyé spécial Abdoulaye Bathily de l’ONU, en essayant de soutenir un processus politique dans ce pays pour permettre des élections nationales, des élections réussies, et créer un environnement favorable pour que ce processus avance. Il s’agit d’un agenda incroyablement vaste, pour lequel la voix de l’Algérie au Conseil de sécurité sera très importante. Les États-Unis sont très enthousiastes à l’idée de pouvoir travailler avec nos partenaires algériens dans ce contexte durant le mandat de l’Algérie au Conseil de sécurité.

  • L’une des revendications que l’Algérie compte mettre en avant et de défendre, durant son mandat, est l’octroi à l’Afrique d’un siège permanent au sein du Conseil de sécurité. Les États-Unis d’Amérique appuieront-ils la demande algérienne ?

Cela représente certainement un aspect important des discussions entre les États-Unis, l’Algérie et les autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU sur la meilleure façon de garantir que des institutions comme le Conseil de sécurité soient capables de fonctionner.

Je pense que nous aurons de nombreuses opportunités au cours des prochains mois alors que l’Algérie se prépare à siéger au Conseil de sécurité, en janvier prochain, pour connaître plus en détail la vision de l’Algérie pour l’avenir des Nations unies et la manière dont nous pourrions travailler ensemble pour garantir le succès de ces institutions essentielles. 

J’ai donc hâte d’en savoir plus sur leurs réflexions à ce sujet. Ce sera certainement un élément clé de nos discussions bilatérales d’ici janvier.

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