Institut français d’Oran : Une deuxième série de courts métrages projetée

15/04/2023 mis à jour: 23:17
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De gauche à droite, Fayçal Hamoum, Abderrahmane Harrath et Ghizlène Boukaïla - Photo : D. R.

Une deuxième série de courts métrages a été projetée dans la soirée du 12 avril à l’antenne d’Oran de l’Institut français.

L’initiative a été entamée une semaine auparavant pour permettre au public et aux amateurs locaux de découvrir des films réalisés par de jeunes cinéastes activant en Algérie ou en France, mais dont les thématiques se rapportent toutes au pays.

Intitulé Djamila au temps du hirak, le premier opus signé Abderrahmane Harrat focalise sur un personnage réel, une femme sans domicile fixe qui raconte son malheur mais aussi son espoir de retrouver une place dans la société. Le contraste nuit/jour est saisissant.

D’un côté un destin individuel nocturne, livrée à elle-même dans les rues désertes de son quartier et exprimant face à la caméra ses angoisses devant les risques qu’elle encourt, et de l’autre un destin collectif diurne avec sa participation au hirak et les espoirs pour une vie meilleure. Un personnage attachant qui a valu au film de décrocher à l’unanimité le prix de la 14e édition des journées du court métrage de Annaba.

Intervenant lors du débat, le réalisateur souligne le côté documentaire de son film et explique comment ce personnage très connu dans le vieux quartier de cette ville de l’est du pays où lui-même vit a refusé la solution concernant le placement dans une maison de vieillesse, préférant gérer les risques plutôt que l’enfermement. «Djamila ne veut pas quitter son quartier et espère qu’un jour, une maison va se libérer pour l’occuper», explique-t-il.

Cet attachement avec un «territoire» se retrouve également d’une certaine façon dans le deuxième film intitulé Déboussolé et réalisé par Youcef Mansour et interprété par Ali Namous et Slimane Benouari. Avec, en général, des plans rapprochés centrés sur les personnages et accessoirement sur certains slogans vantant la liberté imprimés sur un mur, ce film s’apparente plutôt à une pièce de théâtre.

Il y a par ailleurs un peu de En attendant Godot de l’écrivain dramaturge irlandais Samuel Beckett avec, mais sans comparaison aucune, ces deux personnages (du film) coincés dans une forêt qu’on devine frontalière pour débattre de l’intérêt ou pas à quitter le pays. Là aussi, l’espoir d’une vie meilleure est posé sur le tapis, mais on ne saura jamais s’il est d’un côté ou de l’autre de la frontière.

La focalisation sur un personnage mais sur un tout autre registre est aussi le choix esthétique de Fayçal Hamoum pour son film intitulé Toute la nuit. Une mère, Louisa, qui ère dans la capitale à la recherche de sa fille disparue. Le récit maintient le suspens mais l’intérêt du film ne réside pas là.

L’intrigue fonctionne comme un prétexte et l’errance nocturne dont il s’agit est également un autre prétexte pour de toutes autres considérations. Le rôle de Louisa est campé par Djalila Kadi Hanifi, enseignante retraitée qui est par ailleurs beaucoup plus écrivaine sous le pseudonyme Hajar Bali qu’actrice, mais elle «crève l’écran» de l’avis même du réalisateur.

«A l’origine nous sommes partis d’un fait divers, une étudiante assassinée à Bab Ezzouar, sur la base duquel nous avons imaginé le désarroi d’une mère et l’impossibilité qu’il y a à faire réellement le deuil», explique-t-il en évoquant sa collaboration avec Ferhani en tant que directeur de la photographie. «Nous avons voulu filmer Alger mais en s’intéressant à ce qui a été construit par les Algériens après l’Indépendance du pays», Un autre personnage, le mari, est campé par Abdellah Aggoune qui est par ailleurs médecin et auteur.

Un autre rôle a été confié à Mina Lachter. Les deux derniers films sont consacrés à la musique avec des séquences pouvant même s’apparenter à des vidéoclips. Réalisé par Elena Kastler, Achewiq, le chant des femmes courage, s’ouvre sur une longue séquence consacrée à un groupe de femmes qui chantent avec émotion pour exprimer leur vécu pas toujours joyeux, leurs sentiments, etc.

Les images hivernales d’arbres calcinés suite aux incendies dramatiques de l’été 2021 ajoutent à l’émotion mais l’espoir d’une renaissance par le travail des champs de ces femmes estompe l’effet dramatique comme le sont ces soirées empreintes de rires et de joie de vivre car elles ne manquent pas d’humour. C’est sans doute cette résilience que la réalisatrice a tenté de capter.

A l’origine, le chant en question, exclusivement féminin, est plutôt un chant de travail dont les origines remontent à la nuit des temps. C’est celui là même qui a inspiré le groupe Djurdjura pour leur rendre hommage par le biais d’une belle polyphonie intitulée justement Azemmour (la terre des oliviers). Le film «31, appel masqué» de Ghyzlène Boukaila est aussi indirectement lié au chant féminin, celui des «cheikhates» et des «meddahates» perpétué par la tradition, notamment à l’ouest du pays.

Mais la réalisatrice qui a voulu introduire la dimension rai a mis en scène le chanteur Cheikh Morad Djadja. Les images d’ouverture d’un quartier ou d’une ville en décrépitude accentuent le côté «underground» de la soirée filmée dans une longue séquence. Une soirée dansante mais sur un texte de la chanson qui exprime là aussi les difficultés de la vie, notamment sentimentales.

C’est tout le paradoxe de la chanson raï considérée ici comme un espace d’expression opposable au discours extrémiste. Le film est quelque peu décalé par rapport à cette mode imitant les «meddahates» et rendue célèbre par Ched Abdou il y a plus d’une vingtaine d’années.

Celui-ci passait dans le festival du raï et était très demandé pour la célébration des fêtes de mariage. Le rai pour la réalisatrice est un clin d’œil dit-elle à sa région d’origine. Ghyzlène Boukaïla s’est en outre exprimé à la place de son homologue du film précédent en indiquant que «la même démarche est entreprise par Elena Kastler (qui n’a pas effectué le déplacement pour la présentation de son film) qui est d’origine de Kabylie et qui a voulu faire un film sur un aspect de la chanson de cette région». 

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