Instantané / La Casbah, la belle au… patrimoine

23/02/2025 mis à jour: 10:35
1207

L’ancienne médina d’Alger ou La Casbah, nom usuel que la colonisation française avait imposé après 1830, fait face à sa terne réalité. 

Elle a beau se regarder dans le miroir de son histoire – comme se dévisageait avec une envie obsédante la belle princesse Khdaoudj el Amia, qui, à trop se voir dans la glace, a fini par perdre la vue – elle n’échappe pas aux injures du temps. Plus clairement, il n’est pas inconvenant de dire que la médina pâtît de l’incurie des instances censées prendre son tissu urbain à bras-le-corps. Une cité qui ne souffre pas, moins aussi, de l’indifférence de ses pensionnaires, dont nombre d’entre eux n’en ont cure de sa préservation, plutôt s’en servent de tremplin dans l’espoir de bénéficier d’un logement flambant neuf. C’est un secret de Polichinelle, me diriez-vous ! C’est tout comme. 

On célèbre le 23 février, consacrée Journée nationale de La Casbah, une date qui pourtant n’est pas inscrite dans le calepin des journées de commémoration ; autrement dit, une journée officieuse qui n’a jamais été institutionnalisée. Cette journée, que d’aucuns s’efforcent à marquer à travers quelque festivité, ne dépasse pas le vœu pieu du discours affecté. 

Certains qui en ont gros sur le cœur de voir une partie d’eux-mêmes, partir à vau-l’eau, s’égosillent pour faire renaître les places pleines de vide de leurs cendres, à travers le projet non moins ambitieux Darna, alors que d’autres, à défaut de leur faire chorus, s’évertuent tant bien que mal à convoquer un pan de mémoire, ressasser à l’envi quelque souvenance d’enfance ou à exhumer quelques anciens tableaux et objets artisanaux ou traditionnels qu’ils installent dans une salle d’un musée ou dans le patio d’une maison aux colonnes quelque peu brinquebalantes. Une journée qu’on tient à l’occasion à couronner de quelques conférences qui ont plus l’air d’une complainte que de projets concrets supposés faire sortir une fois pour toutes «la belle au patrimoine dormant» de sa torpeur... 

Oui, on a peine à redorer le blason terni d’El Mahroussa depuis que ses murs ont commencé à se décrépir, ses parois intérieures se lézarder, ses terrasses partir en «loques»,  le pavé de ses venelles gondoler, voire s’éventrer, ses ruelles congestionnées par les tonnes de décombres, résultat d’effondrement de bâtisses que les autorités, après les avoir murées, ont fini par abandonner … 

Triste image jetée pleine les mirettes aux visiteurs et autres touristes étrangers que les guides de circonstance se gardent de leur montrer, privilégiant leur faire arpenter le parcours touristique dit officiel bordé, faut-il préciser, de cagibis de fortune dont les proprios font flores. Ceux-là mêmes qui proposent des mets gastronomiques à des prix parfois non moins astronomiques. 

Un filon d’or qu’on tient tout compte fait, à fleurir dans une cité qui compte, désormais, ses artisans sur les doigts d’une seule main et qui voit son patrimoine matériel crier sa douleur.  

 

Par Farouk Baba-Hadji 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.