Inflation non maîtrisée : Quelle stratégie pour l’Algérie ?

09/04/2024 mis à jour: 03:41
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En Algérie, une partie de l’inflation a des causes structurelles ( photo : H. Lyès)

Le Fonds monétaire international (FMI) ne s’est pas empêché dernièrement d’alerter les autorités sur les niveaux d’inflation qui minent les performances économiques du pays et le pouvoir d’achat des ménages. Il considérera même que cette question, en Algérie, devient vraiment «préoccupante».

  Pourquoi ? Le FMI, dans ses projections livrées dans un communiqué fin mars dernier, considère en effet que si le taux d’inflation était de 9,3% en 2022 et 2023, ce dernier continuera de fréquenter les cimes avec 7,6% en 2024 et 6,4% en 2025 puis 6,1% en 2026. Ce taux ne commencera à baisser, selon la même source, qu’à partir de 2027 pour atteindre durant cette année 5,5%, 5,2% (2028), 5,0% (2029). 

C’est dire… Commentant l’évolution en question, le Fonds fera remarquer que l’inflation commencerait à ralentir, notamment grâce à la baisse des prix des produits alimentaires frais, même si son maintien à «un niveau relativement élevé reste préoccupant». Visiblement, l’Algérie peine à maîtriser l’inflation. Mais a-t-elle seulement tout essayé quand certains indices semble indiquer le contraire, compte tenu des politiques suivies, tant en matière de politique monétaire que budgétaire d’ailleurs ?

 Serait-ce le résultat d’un choix délibéré effectué au nom de certaines priorités fixées par l’Exécutif, une sorte de mal nécessaire donc, ou bien la question serait-elle beaucoup plus nuancée qu’il n’y paraît de prime abord ? Déficit budgétaire abyssal, augmentation des salaires afin de rattraper la perte importante du pouvoir d’achat des ménages durant ces dernières années et autres mesures sociales… 

Un rattrapage qui ne s’arrêtera pas de sitôt puisque l’effort consenti en matière d’augmentation des salaires, dont notamment la Fonction publique et les bas salaires par l’entremise de l’ajustement de l’IRG- salaires semble être à mi-chemin au regard des autres catégories de la population à en faire bénéficier. Le chef de l’Etat en a fait l’annonce la semaine dernière. C’est dans ce contexte particulièrement difficile que le président Tebboune promet, pour sa part, de ramener le taux d’inflation à 4% «au maximum» lors de sa dernière prestation télévisée une semaine après avoir annoncé une présidentielle anticipée pour le 7 septembre 2024 au lieu du mois de décembre, échéance constitutionnelle.

 Cet exploit, s’il venait à être réalisé, serait tellement important qu’il tiendrait du miracle d’un funambule en parfait équilibre par un temps de vents violents.  Car s’il revêt a priori le caractère d’un pari impossible, il s’agit surtout de savoir comment les autorités comptent s’y prendre ? L’exercice, improbable dans l’immédiat et sans révision déchirante notamment de la politique monétaire, voire budgétaire, consiste en effet de réussir la gageure de diminuer de moitié un taux d’inflation qui caracole à plus de 9% et qui nous éloigne ainsi davantage des chiffres suscités fournis par le FMI sur une période qui s’étale jusqu’en 2029. Tebboune ne précise pas au bout de combien de temps compte-t-il relever ce défi. Quoiqu’il en soit, le Fonds préconise dores et déjà de prendre un certain nombre de mesures pour juguler ce phénomène d’inflation dont elle souligne la persistance et le danger. Et ce n’est pas pour  la première fois qu’il recommande d’ailleurs à la Banque d’Algérie un ajustement de son taux directeur dans le cadre de la lutte contre les poussées inflationnistes. 

A l’instar des économies dans le monde où l’inflation a ralenti. L’inflation globale au niveau mondial devrait tomber à 5,8% en 2024 et à 4,4% en 2025, année pour laquelle les prévisions du FMI ont été revues à la baisse. «Les administrateurs ont souligné qu’un resserrement proactif de la politique monétaire, par le biais d’une augmentation du taux directeur et du taux de réserves, combiné à une absorption continue des liquidités, contribuerait à soutenir les efforts désinflationnistes. 

Il sera également essentiel de renforcer le mécanisme de transmission monétaire et de faire de la stabilité des prix l’objectif principal de la politique monétaire», ont écrit les rédacteurs de ce rapport sur l’Algérie.   Son diagnostic ? «Les pressions inflationnistes, note le rapport, ont persisté (principalement en raison des prix élevés des produits alimentaires) et la politique monétaire est restée accommodante. On estime que le déficit budgétaire s’est creusé, quoique moins que prévu dans le budget révisé de 2023 en raison de taux d’exécution relativement lents». 

Le FMI demande visiblement aux autorités monétaires de revoir ce qu’il qualifie de politique monétaire «accommodante». La Banque d’Algérie partage-t-elle le constat et l’entend-elle de cette oreille ? Difficile de répondre à cette question tant que les autorités concernées ne se seraient pas prononcées sur le sujet.  La BA reconnaît en tous cas, dans sa dernière note de conjoncture des neuf premiers mois de l’année 2023, que la croissance des crédits accordés à l’économie - en hausse de 5,8% - est «moindre» que le taux d’inflation durant cette période. Un peu comme le constat établi par cette institution de Bretton Woods, à l’égard de notre économie : croissance «robuste», inflation «préoccupante». S’agit-il alors d’un clin d’œil ? Le moins qu’on puisse dire est que cela n’est pas passé inaperçu.
 

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