Vers l’abandon du système LMD par l’université algérienne : Les raisons d’un échec

14/09/2023 mis à jour: 02:28
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Photo : D. R.

Selon l’universitaire et consultant Mohamed Saïd Kahoul, «notre université n’a jamais été préparée au LMD et le cursus n’a jamais été organisé pour sa réussite».

La décision est prise. Le système LMD (Licence, Master, Doctorat) introduit à l’université depuis 2004 devrait être abandonné. C’est du moins ce que l’on peut déduire de l’instruction faite, hier, en Conseil des ministres par le président Abdelmadjid Tebboune. Abordant le dossier de la rentrée universitaire, lit-on dans le communiqué dudit conseil, le chef de l’Etat «a demandé de préparer une étude globale et intégrée sur la faisabilité d’un retour flexible au système de licence classique, en remplacement du système LMD».

Ce qui signifie que l’abandon de ce système, largement critiqué ces dernières années, n’est qu’une question de temps. Cependant, le communiqué ne fournit pas plus de détails sur les raisons à l’origine de cette demande. S’agit-il d’un échec de ce système ? On n’en sait rien pour l’instant.

Mais le constat est fait par des experts et des enseignants universitaires qui ont eu à appliquer ce système à l’université des années durant. Les choses n’ont pas fonctionné comme il se  doit depuis le début. C’est ce que soutient l’universitaire et consultant Mohamed Saïd Kahoul. Connu pour ses analyses fines sur plusieurs questions liées à l’actualité nationale, il met le doigt sur la vraie source du mal dont souffre le système d’enseignement en Algérie.

Contacté, le spécialiste résume toute la problématique liée à l’application du système LMD en Algérie. «A lire cette décision, on a cette impression que le système LMD a échoué et n’a pas atteint ses objectifs. Mais la réalité est beaucoup plus amère que ce qu’on prétend», lance-t-il. Selon lui, «notre université n’a jamais été préparée au LMD et le cursus n’a jamais été organisé pour sa réussite». «Le pilier de sa réussite c’est l’autonomie des étudiants, une attitude à laquelle nos étudiants n’ont jamais été préparés», précise-t-il. Pour lui, le problème est encore beaucoup plus profond.

«Le LMD un simple sigle»

«Nous avons bien vu comment le système des classes prépa copié sur le système français a été introduit. En voulant l’adapter, on a abandonné l’objectif même des classes prépa  en bricolant le cursus», déplore-t-il. Mohamed Saïd Kahoul fait le lien aussi entre le système éducatif et l’universitaire. Selon lui, «quand on a une source polluée, il ne sert à rien de nettoyer les lits des oueds».

«Comment réussir un système LMD et le système de classes prépa quand le système éducatif au palier inférieur est dans une situation tragique : ni maîtrise des langues, ni autonomie, ni esprit d’analyse, ni esprit critique et ni  méthodes de recherche apprises. La reproduction bat son plein et le copier-coller également», dénonce-t-il.

Notre interlocuteur tranche  : «Ce n’est pas le retour à l’ancien système universitaire qui va améliorer la qualité. Mais il confirme, une fois de plus, que nous nous sommes mis hors temps et hors champ dans tous les domaines et coincés dans des idéologies du siècle dernier. Aujourd’hui, rien ne m’étonne, nous avons abandonné le progrès».

Abondant dans le même sens, Mourad Adnane, professeur à l’Ecole nationale polytechnique (ENP), a développé aussi d’autres raisons de l’échec du LMD. Ce système, écrit-il dans un post sur les réseaux sociaux, « se base sur la mobilité et la transversalité». «Deux choses qui n’ont pas étés appliquées. Faute de textes et de moyens mis en œuvre, ces deux piliers du LMD n’ont jamais existé chez nous.

En Europe, les élèves du LMD pouvaient faire un semestre à Valence et un autre à Berlin et avoir le diplôme de Paris Saclay. Aussi pour la transversalité, les modules qui y sont proposés devaient ne pas appartenir (exclusivement) à une spécialité ou un département», détaille-t-il.

Et d’ajouter : «Ailleurs, un étudiant pouvait étudier l’ingénierie électronique par exemple et avoir comme module transversal (de son choix) business des affaires. Chez nous, le LMD n’était qu’un sigle. Et enfin, il y a les moyens humains et matériels. L’étudiant doit être autonome et pour ça il a besoin de laboratoires ouverts de 8h00 à 20h00 et des techniciens en service aussi pour qu’il puisse réaliser ses projets : cela n’a jamais été le cas.» 

 

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