Selon le Financial Times, l'armée israélienne compte prendre le contrôle de Ghaza et «l’administrer, réoccupant de fait ce territoire 20 ans après son retrait» de l’enclave palestinienne.
Décidément, il apparaît de plus en plus clair qu’Israël n’a aucunement l’intention de se retirer de Ghaza. De fait, l’entité sioniste semble bien décidée à prendre le contrôle de l’enclave 20 ans après son retrait de la partie méditerranéenne de la Palestine occupée. Plusieurs éléments factuels et de nombreuses analyses concordantes permettent de déduire que l’Etat hébreu est en train de préparer un plan visant à recoloniser Ghaza. La rupture de la trêve conclue le 19 janvier avec le Hamas n’est en réalité qu’une étape de ce plan sournois.
Revenir aussi brutalement sur les termes de l’accord de cessez-le-feu avec, à la clé, une nouvelle campagne génocidaire, qui a déjà fait près de 1000 morts depuis le 18 mars, s’avère tout compte fait intelligible à la lumière de ce scénario. Galvanisé par le retour de Trump, Netanyahu et son cabinet d’extrême droite, en renouant avec la guerre, espère faire coup double en libérant le reste des otages par la force et en réoccupant militairement Ghaza après avoir démantelé, escompte-t-il, le gros de l’arsenal de guerre du Hamas.
Dès les premières semaines de la mise en œuvre de l’accord du 19 janvier, Netanyahu a commencé à chercher des excuses pour se défaire de cet accord, lui qui voulait à tout prix poursuivre la guerre afin de sauver politiquement sa peau.
Cette excuse, il n’avait pas mis longtemps à la trouver. Le Premier ministre israélien s’agaçait de ce qu’il appelait la «mise en scène nauséabonde du Hamas» lors des cérémonies de libération des otages durant la première phase de l’accord.
Le 22 février dernier, lors du septième échange «otages contre prisonniers», Israël avait ainsi refusé dans un premier temps de libérer 620 prisonniers palestiniens. «A la lumière des violations répétées du Hamas, notamment les cérémonies humiliantes qui déshonorent nos otages, il a été décidé de retarder la libération des terroristes», avait alors justifié Netanyahu.
De la «Riviera» à l’enfer du Moyen-Orient
Le 2 mars, Israël commence à mettre la pression sur le Hamas en stoppant l’approvisionnement de Ghaza en denrées alimentaires. L’entité sioniste venait d’approuver une proposition de l'envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, qui préconisait une extension de la trêve pendant la période du Ramadhan et de la Pâque juive, soit jusqu'à la mi-avril. Cela survenait peu après l’expiration de la première phase, qui devait être suivie par des négociations sur la deuxième phase.
Celle-ci devait mener à la libération du reste des otages, la cessation définitive des combats et le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Ghaza. Seulement, Netanyahu n’a jamais digéré le fait de se retirer complètement de Ghaza et laisser la possibilité au Hamas de se régénérer et de revenir en force. Le dimanche 9 mars, une semaine après lui avoir coupé les vivres en empêchant les flux d’aide humanitaire d’entrer à Ghaza, Israël coupe l’électricité dans le territoire assiégé pour mettre un peu plus la pression sur le Hamas.
Cette escalade doit beaucoup, à bien y voir, à la sortie de Trump du 10 février, lorsqu’il avait lâché que l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas devrait être annulé si le mouvement palestinien ne libère pas tous les otages. Il avait donné un ultimatum jusqu’au samedi 15 février à midi au Hamas, en lui promettant «l’enfer» s’il refusait d’obtempérer. Si Trump n’a pas mis sa menace à exécution, il a donné son feu vert à Netanyahu pour le faire. Et c’est bien l’enfer qui est en train de s’abattre de nouveau sur les Palestiniens de Ghaza depuis dix jours.
Cette nouvelle offensive israélienne, avec son lot de boucheries quotidiennes, est destinée à la fois à faire craquer les Palestiniens et l’ensemble des Etats arabes qui ont été réfractaires au plan de Trump pour les obliger à l’accepter. Pour rappel, le président américain a suggéré de vider Ghaza de sa population après l’avoir dispatchée entre l’Egypte et la Jordanie, et s’approprier le territoire. Trump s’est beaucoup agacé de voir l’Egypte et les pays arabes réunis le 4 mars dernier sous l’égide de la Ligue arabe, approuver le plan égyptien qui propose une alternative crédible à la «solution» américaine.
Israël a très peu goûté lui aussi le contre-plan de Abdel Fattah Al Sissi, surtout qu’il enlevait à l’entité sioniste tout prétexte de continuer à s’acharner sur Ghaza puisque le plan égyptien, dans son volet politique, propose d’écarter le Hamas de l’administration de Ghaza et de placer l’enclave sous la gouvernance d’un directoire palestinien indépendant en attendant le retour de l’Autorité palestinienne.
Israël décidé à annexer plus de territoires
Israël n’a pas supporté en outre le fait que cette alternative à la «Riviera orientale» de Trump insiste sur un retrait israélien total de la région, y compris de l’axe de Philadelphie, et le fait aussi que la proposition égyptienne a inclus la mise en œuvre d’une solution à deux Etats. Or, Israël ne cache plus sa volonté d’annexer non seulement la Cisjordanie occupée mais aussi la bande de Ghaza. Pour cela, il est devenu primordial pour lui que ce soit le plan de Trump qui passe.
Le président américain aura ainsi non seulement donné à Israël une idée machiavélique à laquelle même les génies du mal que sont Ben-Gvir et Smotrich n’ont pas pensé, mais qui plus est il leur apporte le soutien politique et militaire nécessaire pour la réaliser. Pour résumer, la nouvelle stratégie israélienne est de continuer à bombarder Ghaza sans ménagement jusqu’à pulvériser le Hamas.
Celui-ci va donc encore perdre d’autres cadres éminents. Les autres, Israël veut les obliger à se rendre et à être jugés à Tel-Aviv. Dans cette perspective, Netanyahu est prêt à sacrifier la vie des otages. Ceux qui ont de la chance seront libérés par la force, les autres périront, en échange de l’occupation de Ghaza. Au terme de ce processus, l’Etat hébreu assurera lui-même l’administration du territoire avec un soutien américain, sans même l’aval de l’ONU et de la communauté internationale.
Parallèlement, l’armée sioniste préparera le terrain au retour des colons israéliens qui vont envahir massivement le territoire après avoir exterminé, expulsé, exproprié encore plus de Palestiniens.
Ce scénario n’est malheureusement pas une simple projection spéculative. Plusieurs éléments concrets corroborent cette tendance.
Hier, le Premier ministre israélien l’a dit ouvertement : «Plus le Hamas persistera dans son refus de libérer nos otages, plus la pression que nous exercerons sera puissante.» Ce sont les propos qu’il a tenus devant le Parlement israélien à Jérusalem, et qui ont été repris par l’AFP. «Je le dis (...) au Hamas : cela inclut la prise de territoires, ainsi que d'autres mesures que je ne détaillerai pas ici», a-t-il martelé.
Des mots qui confortent une récente déclaration du ministre israélien de la Défense, Israël Katz, qui a affirmé avoir «ordonné (à l'armée) de saisir davantage de territoires à Ghaza, tout en évacuant la population». «Plus le Hamas continuera à refuser de libérer les otages, plus il perdra de territoire, qui sera annexé à Israël», a renchéri Katz dans un communiqué publié vendredi.
Sous couvert d’agence «d’émigration volontaire», une nouvelle Nakba
De son côté, le Hamas a tenté de raisonner son ennemi intime et attirer son attention sur la menace que fait peser son hystérie guerrière sur la vie de ses ressortissants. Dans un communiqué, il a assuré faire «tout son possible pour maintenir les captifs en vie, mais le bombardement sioniste aveugle met leur sécurité en danger». «Chaque fois que l'occupation (israélienne) tente de récupérer ses captifs par la force, elle finit par les ramener dans des cercueils», a prévenu le parti islamiste.
Mais il est de moins en moins certain que cela puisse attendrir le boucher de Ghaza, tant Netanyahu ne jure que par la violence. Même le président israélien, Isaac Herzog, n’a pas caché sa consternation de voir l’objectif de la libération des 58 otages israéliens toujours en captivité à Ghaza passer à la trappe. «Je suis assez choqué de voir comment, subitement, la question des otages n’est plus en tête de la liste des priorités ni de l’actualité», a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par son service de presse.
Un autre élément factuel on ne peut plus éloquent conforte l’hypothèse de ce plan visant à réoccuper Ghaza : l’Etat hébreu vient de créer une agence dite d’«émigration volontaire» destinée à «faciliter» le départ des Palestiniens de Ghaza. Le plan fait nettement écho à la proposition de Trump. «Une agence spéciale baptisée Autorité d’émigration vient d’être créée au sein du ministère (israélien) de la Défense.
Cet organisme mènerait une ''opération logistique de grande envergure'' visant à relocaliser les Ghazaouis et à leur trouver des pays de destination», rapportait le journal L’Humanité dans son édition du 24 mars.
«Invasion, annexion, émigration : Israël fait sauter les derniers tabous sur Ghaza», résume L’Orient-le-Jour. «Il n’est plus permis de douter des plans de Benyamin Nétanyahou.
A l’issue de cette guerre, même si le Hamas est totalement vaincu, même si l’enclave est totalement démilitarisée, même si les blocus égyptien et israélien sont maintenus, Ghaza sera sous l’autorité directe ou indirecte d’Israël. Ou bien vidée de sa population», écrit le journal francophone libanais dans son édition du 24 mars.
Les révélations du Financial Times
Le Financial Times vient de lâcher une bombe en divulguant le contenu du nouveau plan de Netanyahu pour Ghaza, qui n’aura manifestement aucun mal à obtenir le quitus de Trump. «L'armée israélienne a élaboré des plans pour reconquérir Ghaza afin de vaincre définitivement le Hamas, ouvrant ainsi la voie à une occupation de longue durée de l'enclave assiégée», rapportait avant-hier le journal anglais.
«La proposition – qui doit encore être approuvée par le cabinet de sécurité israélien – a été formulée par le nouveau chef d'état-major des forces de défense israéliennes avec le soutien officieux des ministres d'extrême droite qui réclament depuis longtemps des tactiques radicalement plus sévères pour combattre le groupe militant, ont déclaré plusieurs personnes informées des plans», ajoute le Financial Times.
Sur la foi de déclarations de responsables israéliens, qui se sont exprimés sous le couvert de l’anonymat, le quotidien britannique affirme que le nouveau plan israélien «a été rendu possible par le retour du président américain Donald Trump à la Maison-Blanche, qui a libéré Israël de l'insistance de l'administration Biden pour qu'il ne réoccupe pas Ghaza et n'annexe pas de territoire».
«L'administration précédente voulait que nous mettions fin à la guerre. Trump veut que nous gagnions la guerre», a assuré un responsable israélien au Financial Times. «Il y a un intérêt suprême américain à vaincre le Hamas également», a-t-il souligné. «Selon le plan de l’armée israélienne, la population de Ghaza, qui compte plus de 2 millions d'habitants, serait confinée dans la ''zone humanitaire'' d'Al Mawasi pendant l'occupation de l’enclave», révèle le journal.
La même source soutient que l’état-major de l’armée sioniste «aurait fait appel à plusieurs divisions de combat pour réinvestir (Ghaza) et soumettre le Hamas, prendre le contrôle de larges pans de l'enclave et contraindre les 2,2 millions d'habitants du territoire à se réfugier dans une petite zone dite ''humanitaire'' le long de la côte méditerranéenne». Le Financial Times est formel : «L'armée israélienne administrerait alors Ghaza, réoccupant de fait ce territoire 20 ans après son retrait», écrit-il, en rappelant qu’Israël «a occupé l'enclave pendant près de quatre décennies, jusqu'en 2005, après l'avoir annexée lors de la guerre de 1967». Terrible.